Mines I Vers une  » OPEP  » des minerais ?

La RDC lance un appel historique à Genève

Lors du Forum mondial sur les matières premières, organisé, le 22 octobre 2025, à Genève, en marge de la 16ᵉ session de la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), la République démocratique du Congo (RDC) s’est positionnée comme la voix d’un changement dans la gouvernance mondiale des ressources naturelles.

Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku Kahongya, y a plaidé pour la création d’une « Organisation des Pays Producteurs et Exportateurs de Minerais Stratégiques » (OPPEMS), une initiative inspirée du modèle de l’Organisation des pays producteurs et exportateurs du pétrole (OPEP). L’objectif, selon lui, est de défendre les intérêts des pays producteurs, de stabiliser les marchés mondiaux, de garantir un approvisionnement régulier et d’assurer des revenus équitables pour les nations détentrices de ces richesses.

Le ministre congolais du Commerce extérieur précise que cette future organisation viserait à réguler les niveaux de production pour influencer les prix, tout en veillant à ce que les bénéfices reviennent directement aux populations des pays producteurs.

Selon plusieurs analystes et experts de ce secteur porteur de croissance, la proposition arrive à un moment clé. Les minerais stratégiques tels que le cobalt, le lithium, le zinc, le cuivre ou encore le coltan, sont désormais au cœur de la transition énergétique et numérique mondiale. Leur demande explose, portée par les besoins des constructeurs de véhicules électriques, des producteurs de batteries et des industries technologiques. Cette dynamique, conjuguée à une forte volatilité des prix, pousse les pays producteurs à rechercher de nouveaux mécanismes de gouvernance et de contrôle du marché.

Pour la RDC, première réserve et première productrice mondiale du cobalt et première productrice du cuivre en Afrique, cette initiative marque une volonté de dépasser le rôle d’exportateur brut pour devenir un acteur stratégique de la chaîne de valeur mondiale. 

Selon certains analystes, elle traduit une forme de maturité économique et diplomatique : celle d’un pays conscient de son poids géoéconomique et désireux d’en tirer une influence plus affirmée sur la scène internationale.

Toutefois, la mise en place d’une OPPEMS n’irait pas sans défis. Les spécialistes évoquent la nécessité d’une gouvernance solide, d’une coordination efficace entre États producteurs et d’une transparence accrue pour éviter les dérives spéculatives ou les accusations de cartel. Réguler la production suppose un consensus politique entre membres, souvent difficile à obtenir dans des contextes économiques et institutionnels hétérogènes.

Selon certains économistes, l’un des enjeux majeurs réside dans la transformation locale des minerais. Tant que la valeur ajoutée restera concentrée dans les chaînes industrielles des pays consommateurs, les nations productrices continueront de subir les aléas du marché mondial. Favoriser la transformation sur place, créer des industries locales et renforcer les infrastructures de production apparaissent comme les véritables leviers d’une indépendance économique durable.

D’autres observateurs mettent en garde contre le risque d’un déséquilibre vis-à-vis des pays consommateurs. Une organisation perçue comme trop restrictive pourrait susciter des inquiétudes, voire des tensions commerciales, si elle venait à influencer directement les prix mondiaux. La réussite d’une telle structure dépendrait donc de sa capacité à instaurer un climat de confiance et à proposer une régulation transparente, équilibrée et bénéfique pour l’ensemble de la chaîne.

Lors du Forum, la proposition congolaise a reçu un écho favorable, notamment du Centre africain pour le développement des minerais, qui a plaidé pour une coopération Sud-Sud renforcée. Néanmoins, aucun engagement concret n’a encore été annoncé par d’autres pays producteurs. Pour certains observateurs, le succès de cette initiative dépendra de la capacité diplomatique de Kinshasa à fédérer un bloc d’États partageant les mêmes enjeux et à convaincre les investisseurs du sérieux du projet.

Pour la RDC, cette démarche revêt une triple dimension : économique, stratégique et symbolique. Elle vise à renforcer la souveraineté économique sur les ressources naturelles, à capter une part plus importante de la valeur ajoutée et à s’imposer comme un acteur structurant dans la gouvernance mondiale des matières premières.

Mais, soulignent plusieurs experts, cette ambition exige un engagement interne soutenu : une réforme en profondeur du secteur minier, davantage de transparence dans la gestion des contrats, un climat des affaires attractif et une coopération équilibrée avec les partenaires étrangers.

En lançant cet appel à Genève, Julien Paluku Kahongya a surtout rappelé que le centre de gravité des ressources stratégiques mondiales se trouve désormais en Afrique, et que le continent, par la voix de la RDC, entend en redéfinir les règles. Le projet d’une  » OPEP  » des minerais, encore embryonnaire, ouvre ainsi un débat essentiel sur la souveraineté économique des pays producteurs et sur la place qu’ils souhaitent occuper dans la transition énergétique du XXIe siècle.

Don Momat

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