« Solutions » des demi-mesures proposées à un peuple faisant face à son destin (Dieudonné Nkishi)
Face à la dégradation de la situation sécuritaire qui prévaut particulièrement dans sa partie orientale dont des pans entiers du territoire sont occupés par la rébellion de l’AFC/ M23 (Alliance Fleuve Congo / Mouvement du 23 Mars) depuis 2021, l’acteur politique Dieudonné Nkishi, Président National du parti politique Congo Positif et Coordonnateur National de la plate-forme Front Anti-Dialogue estime que la République Démocratique du Congo est actuellement seule face à son destin.
Dans une interview exclusive accordée le dimanche 19 octobre 2025 à Géopolis Hebdo, il catégoriquement réfuté la thèse présentant la RDC comme un pays confrontée aux crises multiformes. Dans son entendement, les multiples défis auxquels est confronté le pays à l’interne sont notamment liés à une culture politique émergée depuis les années 1996.
« Je vous dirai que notre pays est victime de l’indiscipline politique de certains acteurs politiques qui refusent de respecter l’ordre politique et institutionnel établi et conforme à la Constitution. En effet, depuis que les gens avaient pris les armes en 1996 prétextant qu’ils venaient chasser la dictature alors que c’était en réalité pour tuer les congolais et occuper au passage certaines parties de notre territoire national, il y en a qui sont devenus adeptes de la violence comme moyen pour se tailler de la place dans l’espace politique. Cette catégorie d’acteurs politiques pensent chaque fois que leurs avis, leur volonté et leurs besoins ne seront pas pris en compte, ils devront reprendre les armes, tuer les congolais, occuper quelques espaces du territoire national pour aboutir à un dialogue qui leur permettrait de trouver de la place à travers les mécanismes de brassage et mixage pour les militaires, la décrispation politique et la mutation des groupes rebelles en partis politiques pour les politiciens et les amnisties et autres grâces présidentielles comme prime à la guerre consacrant ainsi l’impunité« , fait-il remarquer d’emblée.
Il estime par ailleurs que la recette proposée à la RDC par certains partenaires extérieurs dont l’Angola pour la tenue d’un dialogue ne pourra non seulement pas résoudre définitivement l’instabilité que connaît l’Est du pays ces 30 dernières années mais aussi reste discriminatoire pour la République Démocratique du Congo.
« Si l’Angola était attaqué par un autre pays, le Président João Lourenço demanderait-il un dialogue national inclusif ? Le problème que nous avons actuellement est que nous sommes seuls face à notre destin comme peuple. Si l’Angola était attaqué par une armée étrangère avec preuves à l’appui comme c’est le cas actuellement, le Président João Lourenço pourrait-il accepter qu’à l’occasion d’un « dialogue national inclusif » que des militaires étrangers soient intégrés dans l’armée angolaise à travers les mécanismes de brassage et mixage ? Accepterait-il que des groupes armés étrangers deviennent des partis politiques angolais pour diriger le peuple angolais qu’ils auraient tué ? Enfin, quelle garantie le Président angolais João Lourenço a-t-il qui lui dit qu’il suffirait de tenir un dialogue national inclusif pour que la situation que notre pays connaît depuis trente ans puisse s’arrêter définitivement ? Il n’a aucune garantie« , s’est-il offusqué avant de rappeler la position de sa plate-forme qui n’entend rien d’un possible dialogue national dit inclusif.
« Nous du Front Anti-Dialogue, nous comprenons que le Congo et le Peuple congolais sont seuls face à leur destin. Le Président angolais propose à notre pays une solution que nous avons déjà expérimentée et qui n’a donné aucune solution durable. Toutes ces «solutions» ne sont que des demi-mesures qui ne peuvent que donner une paix cyclique, une paix de cinq ou dix ans maximum« , a-t-il poursuivi.
Paix en RDC, le plan Nkishi en trois points pour une sortie de crise
Le Front Anti-Dialogue propose des pistes de solution :
- La première est bien celle qui est contenue dans le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. En effet, quand la paix – objet principal des Nations Unies – est troublée dans un pays à travers une agression étrangère, l’ONU doit appliquer le Chapitre VII de sa Charte ainsi que toutes les autres Résolutions devenues abondantes sur la RD Congo et qui demeurent lettres-mortes pour la rétablir de gré ou de force.
- La deuxième solution est celle qui relève de notre responsabilité en tant que pays souverain et indépendant. Notre pays doit se défendre. Et pour se défendre, contrairement à ce que beaucoup pensent, notre première force n’est pas l’Armée, mais plutôt le Peuple congolais. Il faut rendre cette guerre populaire. Il faut que le peuple congolais comprenne que cette guerre n’est pas faite à un régime, c’est une guerre faite à notre pays et au peuple congolais qui se fait massacrer et malmener comme jamais dans l’histoire humaine. Conformément à l’article 63 de la Constitution, le Gouvernement doit amener tous les congolais à défendre leur pays de gré ou de force.
- La troisième solution que nous préconisons c’est de suspendre la Constitution et de doter les institutions publiques des pouvoirs spéciaux qui leur donneraient la possibilité de défendre correctement le pays car dans cette Constitution les pouvoirs sont aménagés pour neutraliser les institutions.
Suite à la dégradation de la situation, Dieudonné Nkishi préconise la sortie du pays des solutions prêtes à l’emploi pour tracer son propre chemin basé sur ses propres réalités.
« Ces trente dernières années, la République démocratique du Congo a été flouée en l’engageant sur une voie qui, aujourd’hui, se révèle comme celle de son affaiblissement et de sa disparition en tant qu’Etat. Il y a urgence de ne pas banaliser la menace et de prendre des mesures courageuses, drastiques et dures, sans quoi il va être difficile de nous en sortir. Notre pays doit tourner le dos aux fausses solutions. Notre pays doit cesser de jouer le jeu de ses agresseurs en acceptant des schémas déjà tracés qui nous mèneraient à des fausses solutions et à des paix factices« , a-t-il martelé.
Pour lui, l’idée du dialogue national inclusif qui semble faire du chemin après plusieurs initiatives externes aux effets limités sur la ligne de front ne devrait pas être considérée comme une solution magique pour le retour de la paix en RDC.
« Nous devons nous battre. C’est cela le chemin de la liberté et de la dignité congolaises. Nous ne devons pas accepter de capituler. Les dialogues qu’on nous propose sont ceux de la capitulation. Au Front Anti-Dialogue, nous préférons devenir cadavres (ou enclaves) parce que vaincus que de capituler. Le dialogue est une capitulation. Plus des dialogues imposés. Plus des dialogues de mascarade. Ceux de l’extérieur qui proposent des dialogues à notre pays ne le font que parce qu’ils n’ont aucun respect ni pour nos morts, ni pour nous qui sommes encore vivants. Ceux de l’intérieur qui exigent le dialogue ne le font que soit par peur, soit par souci de protéger leur confort« , a déploré le Coordonnateur du Front Anti-Dialogue.
« Sauvons la RDC », une coalition au refrain traditionnel ?
Au sujet du Conclave de l’opposition autour de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila à Nairobi, l’acteur politique reste inquiet face à la situation.
« Nairobi semble devenir le pays où s’organisent beaucoup de choses sur le Congo. L’opposition est bien reconnue dans la Constitution congolaise mais sous certaines conditions. Le problème que nous percevons dans cette initiative est qu’ils pensent que le Congo leur appartient à eux seuls et qu’ils peuvent lui administrer des « solutions » sans poser la question ni aux dirigeants en poste (en leur qualité des mandataires du peuple), ni au peuple lui-même. Cette attitude a tendance à violer les prescrits de l’article 5 de la Constitution qui fait du peuple congolais le souverain de la République Démocratique du Congo. Il n’y a pas un autre souverain, furent-ils ancien Président, Premier Ministre, Ministre ou anciennes hautes autorités du pays. Et vous savez, la Constitution interdit à « une fraction du peuple ou à un individu de s’attribuer la souveraineté du peuple« , a-t-il fait savoir.
Tout comme au Président Lourenço d’Angola, Dieudonné Nkishi s’est interrogé sur l’attitude de cette opposition.
« L’appel au dialogue, à partir du moment tout dialogue aura pour conséquence la violation des prescrits de la Constitution, doit faire l’objet d’un référendum (article 5 de la Constitution), pour ne pas une fois de plus consacrer la violation de la Constitution d’une part. D’autre part, les appels aux dialogues que formulent les uns et les autres semblent oublier qu’il y aura élections en 2028 conformément à la Constitution. Enfin, de tous ceux qui appellent aux dialogues, personne ne dit sur quoi devrait porter ces dialogues. Sinon, nous au Front Anti-Dialogue nous ne voyons pas comment un dialogue pourrait se tenir sans que les uns et les autres réclament le brassage, le mixage, la décrispation politique, les amnisties, la grâce présidentielle, la libération sans condition des prisonniers, la transformation des mouvements rebelles en partis politiques pour diriger les congolais qu’on venaient de tuer ou de faire tuer comme des bêtes. S’il est donc vrai que les dialogues qu’ils réclament auront pour objet cette litanie d’exigences, qui, parmi le peuple congolais est prêt à accepter une telle répétition de l’histoire ?« , a-t-il conclu.
José-Junior OWAWA