Lorsqu’il disait qu’il était le soldat du peuple, Laurent Désiré Kabila faisait allusion à une réalité profonde de la philosophie politique dont il était le porte étendard. En effet, la politique est sans doute un champ de préservation des intérêts et ceux-ci prennent leur origine dans les ambitions des uns et des autres. Un homme politique est avant tout un porteur d’ambitions personnelles, même si celles-ci portent sur le devenir de sa communauté. C’est pourquoi la propagande ressemble parfois à la démagogie car il s’agit de mobiliser des masses entières à adhérer à une vision, celles des hommes qui portent la prétention de canaliser les aspirations des peuples. Les hommes politiques devraient être comme des antennes qui captent les vibrations et les émissions de leur société, qui les traitent par leur savoir pour leur donner une cohérence, une hiérarchie, un feeling, une structure du rêve collectif, un champ de possibilités et de réalisation.
Dans le meilleur du monde, c’est l’idéal, mais nous sommes en Afrique dans un héritage des politiques messianiques, qui se mettent sur un piédestal et qui viennent comme des faiseurs des miracles, des demiurges avec des bâtons magiques en mains pour régler sitôt élus toutes les questions qui se posent, c’est le chemin dangereux des ambitions et il est souvent parsemé par des cadavres de la déception. Revenons à Laurent Désiré Kabila qui disait qu’il était le soldat du peuple, une notion qui comporte un large sous-entendu, celui de considérer le travail pour la communauté comme une mission et non comme la consécration des ambitions individuelles. Le soldat est disponible pour accomplir des Missions qui lui sont confiées par son commandement. Il est tenu par l’obligation des résultats et il a juré de donner sa vie pour défendre son pays, et il est sous la contrainte du possible dégagé.
Combien d’hommes politiques congolais pensent être en mission ? Combien considèrent être au service du peuple et non le contraire ? D’ailleurs plusieurs parlent de leur base, comme de leurs zones d’influence exclusives. Un autre homme politique avait la même perception que Laurent Désiré Kabila, mais qui l’a exprimé à sa manière avec une percussion puissante, c’est Etienne Tshisekedi qui en 2011, lance un slogan : « le peuple d’abord » ; moment sans doute de campagne électoral, mais philosophie profonde qui résume bien notre pensée en extraction. Plus il y a des hommes qui se considèrent en mission, plus la Nation grandit et devient consciente de son destin, mais plus des hommes qui ne sont nourris que de leurs ambitions, la Nation se transforme en un champ où chacun vient pour puiser ce qui l’intéresse en s’étant drapés d’un discours faussement populaire, et à la fin c’est un champ des ruines et des désolations.
Le temps est venu pour que des hommes des missions montent au créneau et se donnent les moyens d’accomplir l’indispensable saut qualitatif pour que les populations vivant dans cette Nation, puissent accéder à un statut qui respecte leur dignité. Il est venu le temps des hommes de parole qui s’engagent sans hésitation dans le travail et qui se sacrifient pour l’intérêt collectif. Le temps des roitelets, des messies, des chefs de clan, des chefs des bandes est achevé et avec lui des hommes qui n’ont que leur ambition personnelle de grandeur.
WAK

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com