Dramaturge de talent, parmi les plus prolifiques du continent africain, Kash Katende Mbika est auteur de 72 pièces de théâtre dont 50 publiées.Ce septuagénaire à la petite barbe grisonnante, doit tout au théâtre, dont il est tombé amoureux à la fin des années 1950. Il n’a que 9 ans, lorsqu’il commence à griffonner ses premières phrases de théâtre, sous l’impulsion de son maître André Mukadi.
Nous sommes en plein Likasi, dans le Haut-Katanga. La passion du jeune homme est grande. Il affine son talent, s’impose une discipline. Du passe-temps favori, le théâtre va devenir l’activité dont il ne pouvait plus se débarrasser. De fil en aiguille, la passion grandit, le jeune homme se nourrit à la sève bouillonnante du théâtre qui se fait alors dans le Congo d’alors, à peine sorti de la nuit coloniale. Nous sommes au milieu des années 1960, Kash Katende entreprend d’écrire quotidiennement.
Cette pratique ne l’a pas quitté pendant près d’un demi siècle. De 1965 à 2005, Katende noircit des pages machinalement et quotidiennement. Musée du théâtre au CongoGagné par « l’art le plus éminent », comme il qualifie lui-même le théâtre, Katende ne s’est plus jamais départi de la plume, ni de la parole. Son art lui a tout donné. Il rend bien cet amour en ayant érigé « le premier musée du théâtre au Congo », dans le quartier Kingabwa, à Limete. Il explique le sens profond de s’être beaucoup investi dans l’érection du musée par souci de conserver les œuvres de théâtre produites en RDC. « Il faut que dans ce pays, toute l’histoire autour du théâtre soit conservée, de telle sorte que n’importe quel chercheur qui viendrait à Kinshasa, puisse connaître une adresse où il trouvera des pièces de théâtre de tous les acteurs ».
L’homme se bat. Il sait que le théâtre au Congo n’est plus ce qu’il a été dans les années 1960. Cet art bat de l’aile: pas de salle de spectacle, plus un grand public qui soit vraiment intéressé, pas davantage des acteurs. Des dramaturges de la trempe de Kash Katende, Mutombo Buitshi et autres, manquent. Le théâtre n’est plus qu’un souvenir des anciens. Un constat désolant. Mais Kash Katende ne désespère pas.
Il dit haut et fort à ceux qui veulent entendre que le salut du Congo passe par le théâtre. « L’art de la parole », insiste-t-il, avant d’enchaîner: « Nous (Au Congo) voulons changer. Nous voulons le civisme, mais on ne trouve pas les mots. Le théâtre trouvera les mots ; avec le théâtre, la population va se retrouver aimant la vertu, respectant les lois, aimant le pays, ipso facto ! », martèle Kash Katende Mbika.
Dans cette quête de reconstruire l’homme Congolais à travers le théâtre, Kash Katende fait déjà sa part pour sortir son art de l’oubli. Il est le promoteur et le propriétaire de plusieurs centres culturels à travers le pays. Il continue de faire construire des centres culturels.
Actuellement, hormis le musée du théâtre à Kingabwa, Katende fait le dernier réglage du projet de construction d’une salle pour le théâtre, qui sera attenante au musée.Des œuvres engagéesAprès plus de soixante ans d’une pratique artistique engagée, Katende veut partager son trésor de souvenir et de savoir. Il s’apprête à publier ses mémoires…en 10 tomes ! Écrits sous le titre de « Mon théâtre, de l’appropriation à la création, les mémoires de ce dramaturge sont une source du savoir. L’homme y a assemblé « les mots puissants ».
Il y raconte son parcours, depuis son Likasi d’enfant studieux, à Lubumbashi, Ndola en Zambie, Kinshasa et ailleurs. Ses mémoires racontent sa vie sinueuse qui l’a amené à différentshorizons professionnels, dans les mines notamment, dans la fabrication des explosifs pour le secteur minier…Une vie à multiples facettes, mais où la plume et le théâtre ne l’ont jamais quitté. Ainsi au gré de ses pérégrinations, sont nées des œuvres de grande valeur, comme « Jeune, affronte ce combat », « le temps de la femme », « demain, il sera trop tard », « lève-toi et marche », « Nkosi Sikeli’ Africa », mais aussi « Kimbangu,
l’Africain ».Comme le prophète noir, Kash Katende croit fermement au relèvement de la nation Congolaise. Aujourd’hui, Kash s’est fait le héraut d’un Congo dont « le peuple doit se reconstruire après avoir été déconstruit de l’intérieur ». Son œuvre invite à la méditation.
Son œuvre, un ensemble de 72 pièces de théâtre d’un engagement total, fait de Kash, le dramaturge qui s’est engagé entre autres, pour la cause de la femme, des années avant que la gent féminine ne soit elle-même au devant de son combat…
Patrick Ilunga
Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com