Comme le note Georg Hegel, avec la sublime érudition que tous les philosophes modernes lui reconnaissent et admirent, dans ses Lectures on the History of Philosphy ; «l’histoire du monde n’est rien d’autre que celle du développement de la conscience pour la conquête de la liberté ». Il ne s’agit pas ici de la liberté au sens galvaudé des libertés banalisées et politisées et donc exploitées à des fins de l’illusion d’une nouvelle société. Il s’agit plutôt de la liberté dans son entendement quintessentiel comme le substantif d’une éclosion ontologique, une floraison anthropologique, productrice de toute la potentialité humaine. Bien plus, il est question de la liberté comme jaillissement du pouvoir créateur dans l’homme.
Dans cette optique Hégélienne, la conscience devient conscience de soi (self-conscience) dans son déploiement intelligent sur la réalité-objet, et surtout dans ouverture sur l’autre comme prolongement de notre humanité. Sous cette luminescence, l’intelligence que nous démontrons dans notre effort de compréhension de notre propre réalité de l’existence collective reflète la mesure de notre éclosion anthropologique. Les observateurs internationaux nous jugent aussi à cette aune.
Dans une conception un peu simplifiée, il s’agit ici du processus cognitif entre l’esprit (l’intellect) et l’être en lui-même, mais aussi dans son ouverture ingénieuse sur le monde. Cette relation cognitive est au cœur de toute l’armature philosophique, dans sa dimension épistémologique, des anciens aux modernes. Elle est la substance du système de Descartes, de Kant, de Marx, de Foucault. Meme s’il n’existe pas a proprement parler un effort systématisé de la construction épistémologique Congolaise, au Congo, le Professeur Mulumbati de l’Université de Lubumbashi (Introduction à la Science Politique), cerne aussi relation éclairée ci-haut. Il la capte dans l’interaction entre la politique-réalité et la politique-conscience. Il souligne que notre pratique politique forme notre conscience politique autant que notre captage des phénomènes du pouvoir influe sur notre manière de pratiquer la politique. L’admirablement perspicace philosophe Congolais Ka Mana conceptualise ce regard à ras de sol que nous avons de nous-mêmes (et que nous aimons étaler dans des forums internationaux avec une vaine arrogance) dans la notion de « l’insignifiance de l’être ». Les données de notre imagerie sur nous-mêmes comme nation, expriment notre self-estime aplati (et dont nous sommes inconscients) autant qu’elles nous condamnent à une pratique politique régressive.
Sous la lumière de ces matériaux d’éclaircissement préliminaire ma préoccupation dans les lignes qui suivent porte sur la nature de notre dynamique cognitive et discursive sur notre politique. J’ouvre le champ inconnu des Congolais en général, et des politiciens en particuliers, sur l’épistème foucaldien de la politique Congolaise. En d’autres termes, il s’agit de proposer une réflexion sur les modalités de notre entendement «du vrai et du faux », et de notre discursivité relative à nos réalités politiques, comme cela rejaillit dans nos analyses politiques, dans nos débats et dans notre langage politique. Cette nécessité est d’autant plus impérieuse que l’inondation des sites internet, voire des chaines de télévision au pays, par des pseudo-analystes politiques, a produit une «nauséabonde trivialisation de l’analyse politique congolaise». De même l’éruption d’une ribambelle de politiciens étalant une vacuité idéologique abjecte a amplifié cette problématique. D’où l’impérieuse nécessité de remettre en question les modalités de notre discursivité politique. Il est absolument nécessaire de déconstruire nos schèmes narratifs dans une sorte d’opération excavatrice foucaldienne, afin d’y cerner les éléments périlleux qui peuvent amplifier les convulsions que connait la collectivité. Dans une période de crise sociétale une nation a besoin d’une discursivité de recomposition superstructurelle capable de servir de sève à une intelligente reconstruction nationale.
- Trivialisation et négationnisme dans l’analyse et la discursivité politique congolaise
L’un des phénomènes les plus frappants de notre société, avec la libéralisation politique depuis 1990, est la popularisation des discussions politiques. Il s’y est ajouté l’implosion vertigineuse des journalistes politiques, des chroniqueurs politiques, des analystes politiques de tous les bords surtout sur internet, des débateurs funèbres spécialistes des polémiques aux lieux des deuils. Avec les partis politiques poussant comme des champignons et fabriqués par des politiciens par pulsion égotiste dénués de doctrine, le champ politique Congolais est devenu extrêmement théâtral. Indéniablement, la popularisation intense des débats politiques parmi les Congolais porte une vertu nutritive de la démocratie. En effet, le peuple-demos ne peut faire prévaloir sa volonté que s’il s’intéresse à la gestion de la Cité. Il a le devoir d’y apporter ses idées s’il veut demeurer le souverain primaire. En plus, tout espace de discussion sur le fonctionnement de la République est un foyer de socialisation politique. Les valeurs et principes politiques y sont disséminés. Les éléments de la construction de la conscience politique y sont absorbés. Les enfants, les jeunes, apprennent beaucoup et souvent de manière subliminale, à partir des débats des parents à la maison, ou autour d’une table. Les discussions politiques dans les bus, dans les salons de coiffure, aux lieux mortuaires ou aux fêtes, propagent des idées, voire des interprétations des événements. Celles-ci formatent la conscience politique collective.
Mais, le danger c’est lorsque cette discursivité et ces analyses sont foncièrement personnalisées et sont déployées selon une modalité de pensée affabulatoire. Elles puisent dans des déductions porteuses de vacuité conceptuelle et de nullité normative. Généralement inspirées par la manipulation, ces déductions sont souvent dépourvues de véracité empirique (absence des bases corroboratives factuelles). Dans cette situation cette discursivité et ces analyses sont porteuses du vice de régression mentale de tout un peuple. Elles dégénèrent la conscience politique collective. Conséquemment, elles créent de graves distorsions cognitives par lesquelles nous captons notre réalité politique à travers les prismes tronqués par les affabulations absorbées au quotidien. Par un cercle vicieux, il en découle le maintien de la pratique politique régressive.
Dans la Diaspora en particulier, les Congolais passent des heures entières en train de suivre des émissions politiques sur Youtube et sur d’innombrables sites internet. Ce phénomène mérite d’être apprécié. A mon avis, Il indique un intérêt grandissant des Congolais, même s’ils sont aux extrémités de la terre, sur ce qui se passe dans leur nation. C’est le miracle de la révolution numérique en faveur de la démocratie. Cependant, les hiatus épinglés ci-haut amènent les Congolais à transposer les données aléatoires extraites de certaines de ces émissions aux contenus fantasmagoriques, et autres réflexions affabulatoires, dans les débats politiques qu’ils improvisent (inéluctablement) aux deuils, dans les bus et taxis, dans les salons de coiffure ou aux fêtes de mariage. Dans cette obsession sur les affabulations, certains Congolais ont développé une dangereuse allergie à tout raisonnement logique. Leurs esprits ont développé une frappante résistance à l’exigence cartésienne des données corroboratives empiriques. Se délectant dans les affabulations, tout le monde se veut expert de la politique Congolaise.
Il est intéressant de noter, à cet égard, que la polémique sur les musiciens a été totalement éclipsée par les discussions sur la politique. Rarement on trouve les Congolais dans le cadre des rencontres communautaires discutant d’un ouvrage littéraire ou même du contenu d’un livre sur la politique Congolaise. A tel enseigne que lorsque l’on suit attentivement ces discussions et on entend ces compatriotes parler de leur propre pays, on est surpris par la conjonction de l’illogisme, l’ignorance de l’histoire politique et le déficit de culture politique élémentaire. Une rebutante inculturation politique s’est installée parmi les Congolais, surtout dans la Diaspora. Cette érosion de la cognition politique a évaporé une importante faculté d’épistème dans le Congolais, le rendant incapable de séparer le vrai du faux dans l’absorption des informations qui sont déversées par une myriade de chroniqueurs politiques, sites internet, et autre émissions aux contenus affabulatoires.
L’autre étonnante régression est observable dans les pseudo-analyses populistes. Ces émissions affabulatoire puisant dans les narrations événementielles populaires traduisent une « effarante théâtralisation» de l’analyse politique. Pourtant, il s’agit ici d’une activité intellectuelle extrêmement délicate pour une nation car elle participe à la formation de la conscience politique. Aussi, dans ce processus, on observe une inquiétante « denormativisation » de la dynamique cognitive générale sur nos phénomènes politiques. La dissémination des interprétations spéculatives, qui perdent leur plausibilité dans une longue chaine de narrateurs prédisposés à la subjectivité émotive (souvent tribaliste et politicienne), fait que la discursivité sur la réalité politique est toujours inexorablement déformée et dépourvue de vertu constructive. Il apparait donc que non seulement nous pratiquons mal la politique, mais, en amont, «nous connaissons mal nos maux autant que nous sommes aveugles sur le brin de bien de chez nous». De telle sorte qu’il se produit un effet d’amplification mutuelle entre les scories de nos processus mentaux de captage de nos réalités politiques (fermentation épistémique) d’une part et, de l’autre part, la théâtralisation de la politique Congolaise, par les analystes improvisés et par les politiciens – parmi lesquels on trouve d’innombrables incultes politiques.
Mais le péril le plus immense, ce me semble, et le plus pernicieux, est inhérent à certaines réflexions apparemment cohérentes. Elles sont produites surtout par les «intellos de la Diaspora » dans d’innombrables cercles sur internet. Les analyses les plus aléatoires s’y mélangent avec un vertigineux et abondant échange des invectives débordant d’insanités (un étalement de l’insignifiance de l’être). Ces réflexions sont souvent saupoudrées avec des abstractions productrices d’une illusion de hauteur. Exploitant en toile de fond les mythes populistes qui dominent toutes les discussions politiques des Congolais, les réflexions de certains «intello de la Diaspora » se distinguent généralement par un cinglant négationnisme (négation systématique de la matérialisation d’un fait de portée historique). Leur frappante constance, qui est leur point d’intersection, est la passion dans la présentation d’un tableau apocalyptique de la R.D Congo. Dans cet acte inconscient de la projection de l’insignifiance de l’être, ces « supers-intellos » croient impressionner les auditeurs et lecteurs internationaux par leur virtuosité dans l’art de lacération de l’image du Congo.
On peut aussi observer que ces réflexions rivalisent de sophisme avec les montages interprétatifs insidieux devenus l’instrument de manipulation de certains Congolais pratiquant de la cyber-politique. Certaines de ces réflexions baignent dans le mental inconscient d’infantilisation d’origine mobutiste. En dépit de leur frappante et indéniable sophistication conceptuelle, en filigrane on y lit la stagnation dans un imaginaire suranné. En effet, ces articles ne parviennent pas à déconstruire et à aller au-delà de la toile de fond du vieux tableau désuet des Congolais eternels innocents, eternels victimes d’un complot international. Ce schème cogitatif est d’une obsolescence criarde. Il puise dans le même fond de commerce abusé par les pseudo-libérateurs africains qui continuent à accuser les colonisateurs pour tous les malheurs du continent après plus de 50 ans d’indépendance. En plus, ce système de pensée est prisonnier du mode cognitif traditionnel du «sorcier bouc-émissaire ». Dans ce schème cognitif dans tout malheur la victime (toujours irresponsable) est toujours la proie des forces extérieures indomptables. Je pense que nous devons nous libérer de ces schèmes cognitifs obsolètes. Je pense qu’il est temps de regarder en nous mêmes et de déployer une pensée plus novatrice, au regard des apports de la pensée critique, afin de nous réinventer de manière fulgurante.
2. La prédominance du mode cognitif affabulatoire et la discursivité auto-mutilatoire
Il faut résister à toute généralisation dépourvue de nuance. Dans la presse écrite de Kinshasa, il y a des journaux d’avant grade (Le Potentiel, le Phare, Geopolis, l’Avenir, Afrique Unie etc.,) proposant des analyses pointilleuses et équilibrées. Tout en épinglant les hiatus de notre arène politique, les analystes professionnels des journaux d’avant-garde projettent des lueurs d’espoir pour le pays. Mais le vrai péril est surtout dans la presse audiovisuelle, et singulièrement sur internet. Les émissions porteuses de valeur ajoutée spirito-intellectuelle, aux contenus distillés et d’élévation, nutritives d’une conscience politique développementale, sont des denrées extrêmement rares sur le marché médiatique Congolais.
La vaste majorité de chroniqueurs politiques autoproclamés, des journalistes néophytes, et surtout les politiciens non formés dans leurs propres partis politiques (en général sous-développés) et se présentant cyniquement comme analystes politiques, versent soit dans le négationnisme soit dans la sublimation du régime. Tous injectent dans les esprits des internautes et des téléspectateurs des matériaux cognitifs altérés. Ceux-ci produisent une troncature de notre conscience politique. Dans un effet de visse sans fin, cette distorsion de la conscience politique individuelle et collective renforce la déviance discursive et les comportements politiques régressifs. Ainsi donc, dans ce cercle vicieux de l’altération de la conscience et de l’infection érosive de la conscience de soi (self-estime collectif) comme force d’ouverture rationnelle sur le monde, nous perdons l’énergie de propulsion vers les nouveaux horizons de la libération authentique.
Il est d’une impérieuse nécessité de souligner que la prédominance des pseudo-analyses triviales et des réflexions négationnistes présente une image à la fois pitoyable et fataliste de notre pays aux yeux des observateurs internationaux. Au lieu d’attaquer la validité logique et la véracité factuelle des arguments, ils font preuve d’une impressionnante virtuosité dans la conception des invectives à déferler sur leurs compatriotes. Dans la Diaspora en particulier, les Congolais ont de la passion intense pour les explications mystificatrices surtout celles qui font du Congo une victime impuissante des autres : balkanisation ; conspiration internationale pour maintenir Joseph Kabila au pouvoir ; corruption de Tshisekedi ; vente du Congo aux forces diaboliques des Francs-Maçons, etc. Les esprits s’y délectent.
Qui plus est, les intellos négationnistes prétendent être des nationalistes souscrivant à la Renaissance du Congo. Paradoxalement, dans leurs écrits ils peignent le portrait non véridique du Congo comme terre d’une incurable infécondité. Ainsi, ils perpétuent aux yeux du monde l’image de Heart of Darkness (cœur de ténèbres) où rien de positif ne germe. Etonnant ! Mais, si ce pays est d’une improductivité incurable, le foyer de l’infernal irréversible, une contrée éternellement victime des complots internationaux face auxquels ses habitants sont d’une inguérissable impuissance comme on le lit en filigrane dans les écrits aux tournures philosophiques des intellos-négativistes, d’où tirera t-il les matériaux de sa Renaissance ? Ces réflexions négationnistes, fatalistes, apocalyptiques, ne sont elles pas l’aveu de notre propre auto-anéantissement spirito-intellectuel ?
Dans mon paradigme de libre-pensée Congolaise, je propose une remise en question de l’homo Congolus dans sa responsabilité sur ce qui lui arrive. J’y soutiens que toute notre crise politique n’est que le symptôme d’un mal gisant dans nos protocoles onto-anthropologiques profonds. En fait, je souscris à la causalité que l’étincelant philosophe Congolais Ka Mana (Chrétiens et Eglises d’Afrique : Penser l’Avenir) catégorise comme « l’insignifiance de l’être ». En effet, nos analyses, nos décryptages, nos réflexions sur nos réalités sociales et nos événements politiques étalent, ce me semble, la vraie mesure de notre auto-ligotage mental. Nous trouvons les mots les plus éloquents pour dire au monde que nous sommes des eternels manipulés. Aussi, ces faisceaux de nos pensées déployées sur notre propre Cité fournissent la mesure de notre vacuité normative de notre conscience historico-politique. Notre discursivité sur le pouvoir et l’Etat, est dominée par une minceur spirito-intellectuelle étalant à la fois l’érosion de la foi et la fonte de la raison dans la fournaise des affabulations et autres mythes dont les mots nous procurent une sorte de ravissement auditif.
Cette discursivité d’auto-avilissement collectif est porteuse de la mesure du sens que nous avons de notre propre destin en tant que peuple. C’est pourquoi depuis un certain temps, comme libre-penseur, je cogite sur la nature de l’esprit politique Congolais, son déploiement cognitif et ses prises réflexives sur sa propre nation. Ma meta-cogitation sur notre entendement de nos réalités politiques, surtout dans la Diaspora, m’a permis de constater que les Congolais ont, en majorité, développé une perte dramatique de toute énergie spirito-intellectuelle de propulsion de la nation vers son destin de grandeur. Leur langage, leurs écrits, leurs pensées, ne sont pas porteurs d’un imaginaire de puissance perçue ni dans le présent, ni dans le future. Force est de souligner à cet égard, que le regard que porte un peuple sur sa propre histoire (sa conscience) révèle la nature de sa foi dans le transcendantal et exprime l’intensité de sa propre force cartésienne dans la quête du remodelage de sa collectivité. Il est d’une impérieuse nécessité de relever, à cet égard, qu’en réalité c’est face aux contradictions historiques qu’un peuple puise dans sa sève onto-anthropologique pour relever les défis. Au lieu de s’enliser dans l’auto-projection apocalyptique, de se contenter des délices du masochisme intellectuel par délectation dans la mutilation de l’image de son pays, et de se satisfaire de l’auto-victimisation par les sorciers internationaux indomptables, le peuple créatif fend les adversités historiques. Il démonte les contradictions politiques et déploie une force spirituelle et une créativité rationnelle permettant de concevoir les solutions appropriées à ses problèmes quintessentiels. Il s’émancipe du statut de populace plaintive, toujours cherchant un bouc-émissaire aux malheurs et maux souvent auto-infligés dont il est incapable de s’exorciser de puis 1960.
3. Le péril de l’inconscience des altérations cognitives et de l’érosion épistémique
Ce qui est plus grave c’est que dans leur vaste majorité, les Congolais négationnistes sont très inconscients des altérations cognitives dont ils souffrent. Ils ne réalisent pas l’érosion épistémique de leur discursivité. Bien au contraire, lorsque les chroniqueurs politiques autoproclamés et autres politiciens «analystes-imposteurs », et les funèbres-debaters (aux deuils) et autres fêtes, débitent leurs balivernes sur la politique Congolaise, ils sont tous dans une sorte de transe narcissique. En les regardant attentivement, on les voit se procurer une illusion de grandeur. Cela dans la fiction de la détention d’un certain savoir très illusoire dont la seule fonction est de satisfaire leur ego.
Cette situation d’emmurement spirito-intellectuel répudie toute critique cartésienne. Elle rejette toute tentative de remise en question des affabulations dominantes. C’est le triomphe absolu de la dictature de la négation de toute avancée en R.D Congo. Pour les négationnistes, la reconstruction comme événement historique est inexistante. Ainsi donc, tout ce que les organisations internationales (FMI, Banque Mondiale, Banque Africaine de Développent, Département d’Etat, CIA, PNUD, Union Européenne) notent comme progrès modeste, avec en parallèle des déficiences indéniables, n’est, dans cet entendement négationniste, qu’un montage des statistiques fallacieuses par les puissances internationales. Une cabale conçue, pour ainsi dire, en vue de maintenir le Président Joseph Kabila au pouvoir. Toute tentative de proposer une critique factuelle sur ce «pris-pour-vrai » populiste provoque une effrayante clameur. On attribue à l’auteur d’une telle tentative un toupet intellectuel blasphématoire.
Le mental négationniste Congolais en particulier est compréhensible. Il traduit un état de psychose généralisée découlant de 32 ans de dictature infantilisant dont plus de trois générations de Congolais ne sont pas encore guéries. C’est pourquoi j’ai affirmé que « Joseph Kabila n’est pas le génie du mal Congolais : La Crise est Sociétale ». Loin de toute tentative d’exonérer le Président Joseph Kabila de ses responsabilités politiques, mon arguent principal est qu’il est illogique et immoral de l’instituer en source causale de ce mal ancien. Le Congo en souffre depuis 1960. Nous avions déjà attribué notre mal sociétal aux Belges. Ainsi nous avions réclamé l’Independence pour nous libérer de l’ensorcèlement collectif par les mindelé (détenteurs des pouvoirs mystiques). Le mal a persisté. Nous l’avions ensuite attribué à Lumumba en le tuant, lui le porteur de la vision d’une nation républicaine. Le mal a persisté sous Kasavubu. Surnommé « mangeur des premiers ministres », il fut au centre de toutes les crises de 1960 à 1965. Il fut évacué du pouvoir en 1965 par Mobutu. Ce dernier dénonça «les sorciers politiques» ayan ruiné le pays de 1960 à 1965. Mobutu devint Le Marechal sauveur du Zaïre. Dans des refrains incantatoires, nous lui accordâmes «100 ans to motombeli ». Puis l’unificateur, pacificateur et timonier Mobutu fut taxé de zombie (par son principal scribe Esolomwa Nkoy) et d’incarnation du mal Zaïrois. Face à l’incapacité de l’opposition et de la société civile de déboulonner Mobutu, M’Zee Laurent Kabila et les forces auto-déclarées libératrices, soutenues par les Rwandais cherchant à neutraliser les génocidaires (qui continuent à semer la désolation à l’Est) entrèrent sur scène. La libération s’avéra illusoire. Le mal persiste.
Maintenant, en vertu de quel principe voudrait-on que Joseph Kabila soit absolument détenteur d’une force messianique assortie de puissance surnaturelle pour accorder au Congo une guérison miracle instantanée et totale, en une seule décennie, d’un mal ancien enraciné depuis 42 ans, que les anciens eux-mêmes ont produit et dont ils ont été incapables de guérir le pays depuis 1960 ? Une telle exigence est à la fois fantaisiste et injuste. Il me semble qu’espérer une telle guérison miraculeuse instantanée du Congo de la part de Joseph Kabila, ou de Tshisekedi (ou d’un autre sauveur), procède aussi d’une cognition politique altérée. Un système cognitif qui ne perçoit pas par « adaequatio mentis » la profondeur du mal dont souffre notre société et notre pays. Le messianisme politique est illusoire, voire hallucinatoire. Au lieu de voir fallacieusement en Joseph Kabila (ou en autre libérateur) un sauveur miraculeux et d’attendre de lui des impossibilités pour lesquelles nous le haïssons, nous devrions (ce me semble) déployer notre capacité cognitive autrement afin de regarder et de repérer (par un nouveau schème épistémique) le mal encastré en nous. Nous devrions ainsi chercher en nous-mêmes les solutions substantielles et libératrices grâce au déploiement de nos énergies spirito-rationnelles.
Dans cette même optique, certains analystes relèvent (et non sans raison) que le traumatisme de la violence infligée sur le moi collectif par la dictature avait produit une psychose généralisée. Les victimes Zaïroises en sont inconscientes. Cette psychose a été socialisée. Cette thèse est d’autant plus persuasive que la dictature a opéré avec un arsenal spirito-intellectuel du rejet de la critique cartésienne. Il avait promu les légendes, les mythes et des déductions manipulatrices comme modalités de légitimation du pouvoir et de sublimation du Chef. Ces modalités de pensée continuent à servir de schèmes d’entendement dans les processus cognitifs politiques Congolais. C’est ici où le régime de Joseph Kabila (avec certaines de ses élites denormativisées) a, en quintessence, fait preuve de déficit de conscience émancipatrice. Dans cette optique, la Révolution de la Modernité, bien que renfermant un concept puissant, souffre d’un manque de substance doctrinale. Ce déficit n’a pas permis à la nomenklatura kabilienne d’en faire un corpus d’idées-forces proposant les termes superstructurels de l’homo Congolus moderne, acteur de sa propre modernité dans tous les domaines de la vie.
Hubert Kabasu Babu Katulondi
Libre-penseur (Watauga, Texas, USA).
Tiré d’un bouquet de réflexions sous le thème de général de Cogitation Politique,
à paraitre bientôt.

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com