Deux mois après la 9ᵉ Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD9), tenue à Yokohama, les premiers effets concrets se font sentir. La République Démocratique du Congo, désormais éligible aux crédits japonais, amorce un tournant majeur dans sa coopération économique avec le pays du Soleil-Levant. Géopolis Hebdo fait le point sur les retombées tangibles de cette nouvelle dynamique.
Kinshasa – Tokyo : les premiers signaux d’un nouveau départ
Lors de la TICAD9, du 20 au 22 août 2025, la délégation congolaise conduite par la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a présenté la RDC comme un partenaire stratégique du Japon. À l’issue des discussions, Tokyo a retiré la RDC de la liste des pays inéligibles aux crédits japonais — une décision historique, saluée comme un tournant diplomatique et économique majeur.
Cette évolution ouvre la voie à de nouveaux investissements dans les infrastructures, l’énergie et les technologies, secteurs au cœur de la politique de diversification économique du gouvernement.
Le vice-premier ministre de l’Économie, Daniel Mukoko Samba, a souligné que cette avancée permet à la coopération bilatérale de dépasser le cadre classique de l’aide au développement pour s’élargir à des projets structurants, notamment autour du barrage d’Inga et d’autres chantiers stratégiques.
« Cette décision traduit la confiance retrouvée du Japon dans la gestion macroéconomique et la discipline budgétaire de la RDC », avait-il déclaré à l’issue des travaux de Yokohama.
Des engagements concrets : au-delà des discours
Depuis la TICAD9, la coopération entre la RDC et le Japon a franchi un cap. Jusque-là centrée sur l’aide publique au développement, elle s’élargit désormais à une véritable dynamique d’investissements publics et privés.
Les entreprises japonaises, attirées par le potentiel minier congolais, manifestent un intérêt croissant.
Parmi les projets phares figure Kivuvu, une joint-venture entre Kerith Resources Ltd (RDC) et Asia Mineral Limited (AML) (Japon), dédiée à l’exploitation et à la transformation du manganèse dans la province du Kongo-Central.
Avec une production annuelle estimée à 2 millions de tonnes, ce projet pourrait générer plus de 1 000 emplois directs et impacter la vie de près de 7 500 personnes grâce à des programmes sociaux et éducatifs.
Par ailleurs, la JOGMEC (Japan Organization for Metals and Energy Security) a signé un mémorandum d’entente (MoU) avec la Gécamines, ouvrant la voie à une collaboration dans la recherche minière, les ressources hydrauliques, le gaz et les crédits carbone.
Technologie et innovation : un défi permanent pour la RDC
Malgré son immense potentiel naturel, la RDC accuse un retard technologique important, contrastant avec le dynamisme de sa jeunesse.
Consciente de cet écart, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a plaidé à Yokohama pour une formation technique et technologique renforcée, axée sur la transformation locale des produits agricoles, miniers et culturels.
Le Japon, via la JICA (Japan International Cooperation Agency), a répondu favorablement. Il soutiendra la formation d’experts congolais en intelligence artificielle, numérique et innovation industrielle, dans le cadre de son initiative de former 30 000 spécialistes africains.
À travers son partenariat avec l’Institut Congolais de Préparation Professionnelle (ICPP), le Japon appuie déjà la formation de milliers de jeunes Congolais dans les métiers techniques et industriels — un levier essentiel pour soutenir la diversification économique du pays.
Culture et tourisme : les nouveaux leviers de la coopération
La culture et le patrimoine, longtemps négligés dans la diplomatie congolaise, s’invitent désormais dans la coopération bilatérale.
Une collaboration a été amorcée dans le domaine de la muséologie et de la préservation du patrimoine.
La participation annoncée de la RDC à l’Expo Osaka 2025 et à la Green Expo 2027 constitue une opportunité unique pour promouvoir l’image du pays sur la scène asiatique.
« Le Japon, fort de son expérience millénaire dans la préservation culturelle, est un partenaire idéal pour aider la RDC à valoriser ses richesses artistiques et touristiques », confie une source à la Primature.
L’enjeu reste toutefois de mieux faire connaître la RDC au grand public japonais, encore peu familier de ses atouts culturels et naturels.
Sécurité à l’Est : l’obstacle majeur à lever
Malgré les avancées diplomatiques, le Japon, à travers la JETRO (Japan External Trade Organization), continue d’exprimer des inquiétudes sur la situation sécuritaire à l’Est de la RDC.
Pour plusieurs opérateurs économiques japonais, la persistance de l’instabilité reste un frein majeur à l’investissement direct, malgré les opportunités offertes par les ressources minières et la main-d’œuvre jeune du pays.
La Première ministre Judith Suminwa Tuluka a reconnu ce défi, tout en réaffirmant la volonté du gouvernement de restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire :
« Seuls 15 % de notre potentiel minier sont exploités. Le rétablissement de la sécurité est la condition pour que la RDC devienne un véritable pôle d’investissement », a-t-elle martelé.
Une diplomatie économique en marche
Deux mois après Yokohama, les signaux sont encourageants.
La réhabilitation financière de la RDC auprès du Japon, les nouveaux partenariats miniers, les programmes de formation technologique et les initiatives culturelles témoignent d’une dynamique concrète.
La RDC, autrefois dépendante de l’aide, entre désormais dans une phase où la coopération se transforme en partenariat économique structurant.
Sous l’impulsion du gouvernement Suminwa, Kinshasa entend consolider cette alliance stratégique avec Tokyo, symbole d’un nouveau départ pour la diplomatie économique congolaise.
José-Junior OWAWA