À partir du 7 mai 2025, les yeux du monde entier seront tournés vers le Vatican où 135 cardinaux venus des quatre coins du monde lanceront l’élection du nouveau Pape. En République démocratique du Congo, pays de 50 millions des catholiques, la fumée blanche, symbole de l’élection d’un nouveau Pape, sera attendue avec une certaine angoisse. La RDC voit dans la course pour la succession du Pape François, décédé le 21 avril, une opportunité de voir se hisser à la tête du Vatican, le cardinal Fridolin Ambongo, actuel archevêque de Kinshasa. Au-delà du Vatican, il s’agira de trôner à la tête d’une puissante institution qu’est l’église catholique, avec un milliard et 400 millions des fidèles à travers le monde.

Bien que les chances du cardinal Congolais sont minimes au regard de la concurrence, Fridolin Ambongo est un candidat avec lequel il faut compter. Âgé de 65 ans, avec un franc-parler incisif, Ambongo est devenu une figure incontournable de l’église catholique en Afrique. Il incarne, avec le cardinal Guinéen Robert Sarah et le Ghanéen Peter Appiah Turkson, « la voix de l’Afrique ». Au Conclave à venir, l’Afrique aura 17 cardinaux pour élire le successeur du Pape François. Bien que la question ne réponde pas à des considérations géographiques, raciales ou ethniques, les cardinaux venus d’Afrique auront à leurs côtés, plus de 50 cardinaux qui viendront de l’Europe, 24 viennent d’Asie, 22 d’Amérique centrale, 17 d’Afrique, 16 d’Amérique du Nord et 4 d’Océanie. 

Autant dire que recueillir les deux tiers des votes de ses 135 pairs peut relever d’un improbable miracle du destin pour les cardinaux africains. Même pour Fridolin Ambongo, membre du C9, le Conseil des cardinaux conseillers du Pape, un groupe de cardinaux de l’Église catholique nommés par François pour lui servir de conseillers, créé en  septembre 2013. Ambongo est aussi 

président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar.

C’est auréolé de ce titre, en plus de son caractère énergique et véhément qu’Ambongo passe pour le porte-parole du catholicisme en Afrique, prêt à assumer sa différence avec la position du Vatican et même des autres voix dominantes de l’église en Europe, notamment.

En décembre 2023, lorsque le Dicastère du Vatican pour la doctrine de la foi a publié le 18 décembre une déclaration intitulée Fiducia Supplicans, approuvé par le Pape François, qui autorise les bénédictions « non liturgiques » de couples de même sexe, Ambongo prend le courage de dire non, en invoquant la spécificité de l’Afrique. « La bénédiction des couples homosexuels proposée par Fiducia supplicans ne peut être mise en œuvre en Afrique sans s’exposer au scandale, mais chaque évêque sera libre de choisir comment agir dans son diocèse ». Le cardinal Ambongo avait souligné la différence culturelle de l’Afrique, « profondément enracinée dans les valeurs de la loi naturelle concernant le mariage et la famille, qui complique l’acceptation des unions de personnes de même sexe, considérées comme contradictoires aux normes culturelles et intrinsèquement mauvaises ».

Cette prise de position a valu à Fridolin Ambongo d’être remarqué en dehors du Congo et en dehors de l’Afrique. Sans complexe, il a pris le devant comme la voix de l’Afrique. L’archevêque de Kinshasa avait pris une position à l’encontre de celle du Pape François, lui qui a fait d’Ambongo, cardinal et membre du C9. Cette prise de position considérée comme conversatrice, Fridolin Ambongo la partage aussi avec le Guinéen Robert Sarah. Le Ghanéen Peter Appiah Turkson estime quant à lui que la liaison entre personnes de même sexe « n’est pas un délit ».

La position du cardinal Congolais peut-elle jouer contre lui ? Selon la vision du feu Pape François, l’église « doit se réformer en permanence ». Plusieurs cardinaux,, qu’ils soient d’Allemagne, de Belgique, de France… s’inscrivent dans la vision progressiste de l’église, approuvant l’union entre les personnes de même sexe. Parmi les cardinaux qui vont élire le successeur de François, 80% ont été faits cardinal par le Pape François.

*Ambongo, une fierté, mais une voix qui dérange* 

Sa véhémence a beau forcer l’administration au sein de l’église catholique africaine, dans son pays, en RDC, ses prises de parole sont vues comme un activisme politique contre le régime du président Félix Tshisekedi. Plusieurs fois, dans ses homélies, Fridolin Ambongo a fait des déclarations controversées, notamment sur la crise sécuritaire, politique, économique et sociale en RDC. «Nous constatons que notre pays est aujourd’hui placé dans un état comateux, nous constatons que ceux qui viennent de l’extérieur peuvent se permettre de jouer avec la nation congolaise parce que la cause principale de notre malheur, la cause première de manque de paix dans notre pays ce ne sont pas les gens de l’extérieur, ce ne sont pas les étrangers, ce n’est pas le méchant Rwanda c’est d’abord nous les Congolais. Notre irresponsabilité a fait que nous posons aujourd’hui des gestes qui ne permettent pas l’éclosion de la paix dans notre pays », avait indiqué Fridolin Ambongo Besungu.

En avril 2024, après qu’il ait exprimé une sorte d’analyse jugée sympathique en faveur de ceux qui se rebellent contre le pays, la cour de cassation a instruit au procureur près la cour d’appel de Matete d’ouvrir un dossier judiciaire contre le cardinal. « Devant l’évidence de ces comportements qui s’analysent en faits infractionnels, envers et contre la Patrie, son peuple et ses dirigeants et qui mettent à mal les lois de la République, je vous ordonne d’ouvrir une information judiciaire à charge du prélat susvisé qui violente délibérément les consciences et semble trouver un plaisir, à travers ces faux bruits et autres incitations des populations à la révolte contre les institutions établies et aux attentats contre les vies humaines ».

C’est dire si ses relations avec le pouvoir en place semble glaciales, empreintes de méfiance. La possibilité pour lui d’être porté à la tête du Vatican ne suscite pas l’enthousiasme des autorités Congolaises. Mais contrairement aux autorités du pays, les chrétiens catholiques du pays n’arrêtent pas de parler de cette éventualité historique.

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