Sécurité I Jusqu’où iront les ADF ?

43 personnes ont été tuées à la machette dans la nuit du 26 au 27 juillet 2025 à Komanda, agglomération du Territoire d’Irumu, dans la Province de l’Ituri, au Nord- Est de RDC. L’attaque a été perpétrée par les terroristes ADF/MTM ISCAP, renseigne l’armée Congolaise. Ces victimes, dont 19 femmes, 15 hommes et neuf enfants ont été tuées alors qu’ils se trouvaient dans une église en train de prier. « Plusieurs personnes ont été enlevées. Des habitations et boutiques ont également été incendiées, aggravant une situation humanitaire déjà extrêmement préoccupante dans la province« , renseigne la MONUSCO, mission de Nations Unies en RDC. « Ces attaques ciblées contre des civils sans défense, notamment dans des lieux de culte, sont non seulement révoltantes mais aussi contraires à toutes les normes en matière de droit de l’homme et de droit international humanitaire. La MONUSCO continuera de travailler sans relâche aux côtés des autorités congolaises pour protéger les populations civiles conformément à son mandat », a déclaré Vivian van de Perre, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général de l’ONU, chargée de la Protection et des opérations et Cheffe par intérim de la MONUSCO.  

Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo condamne cet acte lâche et odieux. Selon le lieutenant général Jules Ngongo, porte-parole de l’armée congolaise en Ituri, « ces terroristes ADF ont choisi de se venger sur des paisibles populations sans défense ». Dans un communiqué, la chef du Gouvernement Judith Suminwa invite « la population à ne pas céder à la peur, mais à faire confiance à nos forces de défense et de sécurité« . Le communiqué ajoute aussi que « tout est mis en oeuvre pour une prise en charge efficace et coordonnée des victimes, d’une part, et mettre fin à l’activisme des terroristes dans cette région, d’autre part ».

Un juillet sanglant

« L’attaque de Komanda n’est pas une surprise. Les ADF sont connus, identifiés, localisés. Les lieux de culte sont des cibles récurrentes. Les autorités locales avaient déjà alerté sur le risque« , s’indigne Gratien Iracan, un député de l’Ituri. Selon cet élu de l’Ituri, depuis le début du mois de juillet, les ADF ont massacré plus 140 personnes dans cette province. « Du 8 au 27 juillet, plus de 140 civils ont été tués à Nizi, Lopa, Iga-Barrière, Komanda et dans plusieurs localités du territoire d’Irumu. Des femmes, des enfants et des vieillards ont été égorgés, brûlés ou massacrés ».

Gratien Iracan fait le décompte macabre. Hormis les 43 civils tués le 27 juillet, « quelques jours plus tôt, 33 personnes ont été tuées dans le territoire de Djugu et 66 autres civils tués dans le territoire d’Irumu, selon des sources indépendantes. Tous ces crimes ont été commis dans des zones urbaines et rurales à fortes concentrations« , déplore -t-il. 

Le Gouvernement Congolais et l’armée de la RDC affirment que ces différents crimes visent à « répandre la terreur au sein de la population et de détourner les opérations menées conjointement par les FARDC et l’armée ougandaise de leurs objectifs ».

Opération conjointe 

Gratien Iracan s’indigne : « Où sont les services de renseignement ? Où sont les alliés ougandais invités pour les opérations militaires conjointes? Où sont les Casques bleus de la mission onusienne ?« 

L’Ouganda refuse d’endosser la responsabilité. « Ce n’est pas notre territoire, demandez aux FARDC« , a déclaré le porte-parole de l’UPDF, le général de division Felix Kulayigye, en réponse à une question sur la poursuite des attaques contre les civils dans la province d’Ituri, où l’armée ougandaise a des troupes depuis près de quatre ans.

Les FARDC et l’UPDF ont lancé une opération conjointe de traque des ADF le 30 novembre 2021. Selon les différents rapports que les deux armées avaient l’habitude de faire, les opérations conjointes avaient substantiellement réduit la capacité de nuisance des rebelles Ougandais, actuellement supposés être « réduits en petit groupe, et s’attaquant aux civils en représailles« . « L’armée Ougandaise et Congolaise avaient affirmé que les rebelles étaient réduits à des incessantes errances, se déplaçant d’une cachette à une autre ». 

Malgré ces assurances, les ADF sont le groupe armé le plus meurtrier en RDC, selon plusieurs sources. Une étude médiatique identifie les ADF comme le groupe rebelle le plus meurtrier dans l’est de la RDC, qui est responsable de 52% de tous les décès de civils liés au conflit, les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri étant les plus touchées. 94% des victimes du groupe sont des civils. En 2023, les ADF ont battu le record du groupe armé ayant tué le plus grand nombre de civils, avec plus de 1 000 personnes tuées, selon un rapport des experts des nations unies. La mission de maintien de paix en RDC a également publié un rapport qui affirme que, entre 

juin et septembre 2024, les ADF auraient causé le plus grand nombre de victimes, avec 467 civils tués, dont des femmes et des enfants.

État de siège 

La province de l’Ituri est sous état de siège, c’est – à – dire, tous les dirigeants civils ont été remplacés par des dirigeants militaires et ceux de la police depuis 4 ans pour mieux faire face à l’insécurité et aux activités criminelles des groupes armés. La commission épiscopale nationale du Congo (CENCO) ne comprend pas que la violence soit si forte dans une province où le dispositif sécuritaire est positionné pour enrayer ces massacres. « Notre indignation est d’autant plus grande parce que cet énième massacre survient dans l’une des Provinces placées sous l’état de siège depuis plusieurs années, appuyées par la mutualisation des forces armées de la RD Congo (FARDC) et celles de l’Ouganda (UPDF), avec la présence pluri décennale de la Mission des Nations Unies pour le Maintien de la Paix (MONUSCO). Hélas, c’est paradoxalement dans ces Provinces que nous assistons continuellement aux massacres et aux enlèvements des personnes humaines« , déclare la CENCO.

La commission épiscopale nationale du Congo (CENCO) s’indigne que le « fléau de violation récurrente de la vie humaine semble être un fait banal qui alimente simplement la chronique dans la presse tant locale qu’internationale« . La tuerie a suscité même la réaction du pape Léon XIV. Dans un télégramme signé par le cardinal Pietro Parolin lundi 28 juillet, le Pape Léon XIV dit avoir « appris avec consternation et profonde affliction » cette attaque perpétrée contre la paroisse Bienheureuse Anuarite de Komanda dans la province de l’Ituri…Le pape manifeste aux victimes ainsi qu’à leur famille, « sa proximité » et les assure « de sa prière ». 

Quant au député Gratien Iracan, il estime qu’il convient de requalifier l’état de siège. Pour ce député, les massacres à répétition sont le fruit de « l’impunité, le clientélisme et la trahison de la nation« .

Patrick Ilunga

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