Au lendemain du retour au pouvoir de Donald Trump, chacun aura remarqué qu’en Afrique, les chefs d’État ont salué ce come-back avec une certaine mollesse. Il n’est plus question des discours fiévreux ou des attentes exagérées du locataire de la Maison Blanche. Le fantasque business man devenu homme politique a en effet déjà habitué le monde de ses écarts de langage et ses prises de position à l’emporte-pièce.
Tous en Afrique savent que le successeur de Joe Biden a eu pour slogan de campagne : « make America great again », (redonner sa grandeur à l’Amérique). Il le fera certainement, même au prix d’écraser les autres. Pour lui comme pour l’essentiel des présidents américains, la priorité c’est l’Amérique et rien d’autre, ou du moins, pour eux, l’action en dehors des USA se fait à l’aune de l’intérêt de ce pays (Ce qui est somme toute normal) qui se considère comme le maître du monde.
Dans la hiérarchie des priorités en dehors du territoire américain, l’Afrique ne vient qu’en dernier, ou pire, le continent noir n’existe quasiment pas pour lui. Lorsque le président élu dit qu’il veut mettre fin à des guerres qui ravagent de par le monde, qui peut commettre l’erreur d’imaginer que Trump pensait aussi aux bruits des bottes au sud du Sahara ?
Au Soudan, quelques naïfs ont commencé à lancer des cris de cœur à l’endroit de président élu. Pourtant, en 2017, quelques mois seulement après sa première élection comme président, Donald Trump avait déjà interdit l’accès sur le sol américain aux musulmans ressortissants de la Libye; la Syrie; l’Irak; l’Iran; la Somalie et le Soudan. A présent, il promet d’expulser des immigrés hors de son pays. Des immigrés qui peuvent se compter par millions. Chacun doit se préparer, dès janvier 2025, à faire avec, « le Lone Warrior »(guerrier solitaire), comme il s’était surnommé lui-même.
Pour revenir à la hiérarchie des urgences mondiales, dans sa tête, le 47 ème président américain pense en priorité à la guerre au Moyen-Orient et en Ukraine. Cette dernière implique l’OTAN, donc l’allié Européen que Trump agace de temps en temps, malgré tout. Pour le reste, ils s’agit des problèmes d’une zone que Donald Trump qualifiait jadis de « pays de merde ». Les Congolais qui ont jubilé à l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche en 2008, se sont rendus à l’évidence. Rien ne sert de se bercer d’illusions. Chacun, parmi les pays africains, a déchanté. Chacun porte, plus ou moins son propre fardeau de malheurs. Depuis leurs illusions perdues, des années après, les Congolais, par exemple, voient encore leur guerre s’empirer, s’éterniser, s’enliser…
L’administration Biden a quand-même le mérite d’avoir initié un cessez-le-feu entre le Rwanda et la RDC. Mais rien de plus. Les multiples appels Congolais pour voir les États-Unis sévèrement sanctionner l’agresseur du Congo n’ont d’échos que la voix des Congolais eux-mêmes. Les États-Unis aux abonnés absents, c’est une imparable vérité.
Durant son mandat de 2016 à 2020, Donald Trump n’avait jamais visité le continent noir. Son successeur Joe Biden pourrait mettre le pied en Afrique, quelques jours avant de partir du pouvoir. Le programme de Biden prévoit, sauf changement, qu’il visitera l’Angola, début décembre 2024. Dans ce pays, il devra consolider des intérêts américains qui touchent aux activités minières de la RDC, de la Zambie et de l’Angola.
Il faut dire que l’intérêt des États-Unis pour le corridor de Lobito (en Angola) s’est accru au cours des deux dernières années. Cette année, le département d’État américain a déclaré que le projet Lobito est un partenariat multinational entre gouvernements africains qui contribuerait à stimuler le développement économique grâce à des investissements en RDC, en Zambie et en Angola. Le département américain a ajouté qu’en moins de 18 mois, depuis l’engagement initial des États-Unis, plus de 3 milliards de dollars ont été consacrés au développement du corridor de Lobito par le biais d’investissements dans de multiples secteurs interconnectés, notamment le transport et la logistique, l’agriculture, l’énergie propre, la santé et l’accès numérique. Sera-ce là le début du changement ? Difficile de le dire.
Dans cette Afrique, une donne pourrait forcer les USA à se bouger davantage : la rivalité avec la Chine et la Russie. Cette réalité pourrait peut-être inciter le nouveau président américain d’avoir moins de condécendance vis- à-vis du continent noir et de le regarder comme un partenaire à part entière.
Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com