L’union pour la démocratie et le progrès social aborde un virage crucial de son histoire. Le parti a accédé au pouvoir après 37 ans de lutte acharné. Habitué à battre le pavé pour protester contre une mauvaise politique ou une mauvaise gestion, le parti du nouveau Chef de l’Etat congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo doit se frotter à la réalité du pouvoir, alors que ses dirigeants avaient déjà signifié qu’ils n’abandonneraient pas les revendications de la rue.
Pendant 35 ans, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) était conduite de manière rigide et intransigeante. On parlait alors du parti « radical ».
A l’époque, la parole du chef et ses mots d’ordre étaient suivis à la lettre. Presque de manière naturelle, l’aura et le charisme d’Etienne Tshisekedi, le père de l’actuel président de la République ne pouvaient souffrir d’aucune voix discordante. Le lider maximo qui n’était pas homme à accepter les diktats, soient-ils ceux des combattants, avait la force de persuader ou même soumettre les militants de son parti à ce qui paraissait pour lui comme la raison.
Entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous le pont et les évènements se sont bousculés : Etienne Tshisekedi n’est plus et l’UDPS est devenue, depuis début 2019, un parti au pouvoir. Les héritiers du sphinx doivent faire face à la réalité de la gestion quotidienne du pouvoir. Les militants de leur côté ont intégré la nouvelle donne à leur manière.
Ils veulent imposer de plus en plus leur voix face aux dirigeants qui ont eu le malheur de se montrer plus ouverts à la discussion, au compromis. Formée dans le moule de l’intransigeance, « la base » elle, se veut plus radicale que jamais, allant jusqu’à vouloir inverser les rôles dans la conduite des affaires du parti. N’étant pas forcément au fait des détails stratégiques, la base n’a cure de ces considérations.
Au lendemain de la signature des accords de Genève, lesquels ont donné naissance à la plateforme Lamuka, le président Félix Tshisekedi, alors numéro 1 de l’UDPS avait été contraint par « la base » à retirer sa signature. Face à l’oukase de base, le successeur de Joseph Kabila s’était exécuté avec une célérité déconcertante. Lorsque le président de la République nomme les membres de son cabinet, la même « base » a trouvé à redire aux différentes nominations et est allée voir le chef de l’Etat pour dire son mécontentement.
Maintenant, au camouflé de l’UDPS à la sénatoriale du 15 mars dernier, « la base » est descendue dans la rue, s’en prenant à des résidences des députés provinciaux de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, accusés de s’être trempés dans la corruption. Les militants en furie ont vandalisé de voitures des privés en même temps qu’ils ont saccagé un siège du Parti du Peuple pour Reconstruction et la Démocratie (PPRD), formation politique membre du Front Commun pour le Congo (FCC). La plateforme dont l’ancien président Joseph Kabila est l’autorité morale, a pourtant signé un communiqué commun avec la coalition « Cap pour le Changement », dont l’UDPS est membre. Dans le communiqué conjoint, les deux familles politiques affirmaient leur volonté de gouverner ensemble dans une large coalition gouvernementale. Pourtant, dans leur colère, les militants ont appelé à la « fin du mariage » FCC-Cach parce qu’ils soupçonnent la coalition de Joseph Kabila d’avoir corrompu les députés provinciaux de l’UDPS.
La dure équation que les militants posent par cette revendication pourrait être un véritable casse-tête pour le président de la République. Car, Félix Tshisekedi a beau être auréolé par la victoire à la présidentielle, il doit cependant composer avec la majorité parlementaire qui se trouve être le FCC, lui qui revendique 330 députés au niveau de l’Assemblée nationale. Autrement dit, coalition inévitable pour « Fatshi ».
Le président se trouve être pris en étau entre cette realpolitik qui impose un certain recul stratégique et les revendications insistantes de la « base ». Aujourd’hui, tous doivent prendre en compte la mutation qui est intervenue dans la politique Congolaise. Les choses ont changé. De président de l’UDPS qu’il était, « Fatshi » est devenu depuis presque deux mois président de la République avec tout ce que ce nouveau statut implique en termes de retenue.
Patrick Ilunga

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com