Près d’une année après que le président Félix Tshisekedi a renégocié le contrat minier entre les entreprises chinoises et l’État congolais, une nouvelle étude montre que la RDC perd d’importantes sommes d’argent à travers les exonérations fiscales accordées aux entreprises chinoises. C’est la coalition Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) qui a exprimé ses préoccupations concernant les déséquilibres de l’avenant n°5 à la Convention sino-congolaise, signé le 14 mars 2024 entre la RDC et le groupement d’entreprises chinoises.
Selon cette ONG, la République démocratique du Congo a enregistré un manque à gagner de 132 millions USD en 2024 en raison de ces exonérations fiscales. « Ce qui est tout de même inacceptable », d’après cette organisation de la société civile, après la renégociation du contrat. Le contrat révisé avait maintenu une exonération fiscale de l’ordre de 100 millions de dollars américains.
Dans un rapport rendu public ce mercredi 5 mars 2025, Le Congo n’est pas à vendre (CNPAV) a alerté sur le manque à gagner lié aux déséquilibres criants de l’avenant n°5 du contrat, après sa renégociation en 2024. Le rapport dénonce également l’exclusion du contrat sino-congolais du régime de la loi minière congolaise, ce qui favorise ces exonérations. Il indique qu’en 2023, l’État congolais aurait perdu 443 millions USD en exonérations fiscales et parafiscales, soit 16 % des dépenses fiscales de l’exercice.
Lors de la présentation de son rapport, le CNPAV a affirmé que si ces exonérations fiscales se poursuivent, la RDC pourrait perdre, au cours des 17 prochaines années, un montant estimé à 7,5 milliards USD. Ces exonérations massives sont accordées en vertu de la loi n°14/005 portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change applicable aux conventions de collaboration et aux projets de coopération.
Si l’État congolais a accordé ces exonérations, c’est aussi parce que la Convention sino-congolaise ne relève pas du régime fiscal du Code minier en République démocratique du Congo. Déjà, en 2008, la signature de ce contrat s’était effectuée sans base légale. Le rapport souligne que le gouvernement congolais avait consenti à ces exonérations fiscales et parafiscales afin de faciliter le remboursement des prêts destinés au financement des infrastructures et au développement du projet minier.
« Ce que nous essayons de démontrer, c’est le déséquilibre structurel de la Convention sino-congolaise, qui perdure. Ce déséquilibre est dénoncé depuis plusieurs années, depuis la signature de la convention en 2008. Nous avons démontré que cette convention posait de réels problèmes, notamment en raison des exonérations fiscales totales accordées à ce projet et de sa gestion dans un circuit parallèle échappant aux institutions traditionnelles du gouvernement », a indiqué Baby Matabishi, membre de l’ONG CNPAV.
En mars 2024, le président Félix Tshisekedi, qui plaidait pour une révision du contrat minier, estimant qu’il avait été « mal négocié » par son prédécesseur Joseph Kabila, avait obtenu une révision de cet accord, présenté à sa signature en 2008 comme « le contrat du siècle ». Après la renégociation, la RDC annonçait un accord révisé dans lequel les parties s’étaient engagées à corriger « le déséquilibre » initial.
« Ces entreprises se sont engagées à construire 7 000 kilomètres de routes en RDC, pour une valeur de 7 milliards de dollars américains », avait annoncé Jules Alingete, inspecteur général des finances. Il avait ajouté : « La partie chinoise s’est engagée à construire, dès 2024, 650 kilomètres de routes pour une valeur de 624 millions de dollars. Chaque année, le Congo bénéficiera obligatoirement de 324 millions de dollars pour financer la construction des routes. »
À Kinshasa, une route d’une soixantaine de kilomètres, visant à décongestionner la circulation dans la capitale congolaise, est en cours de construction dans le cadre de cet accord.
En 2008, les entreprises chinoises s’étaient engagées à investir 3 milliards de dollars américains dans les infrastructures et 3 milliards supplémentaires pour développer une mine de cuivre et de cobalt dans le sud de la RDC. En vertu de cet accord, une joint-venture Sicomines avait été créée, avec une participation de 68 % pour la partie chinoise et 32 % pour l’État congolais, via la société publique Gécamines. Le contrat initial prévoyait également que la RDC bénéficierait de 1,2 % de royalties sur le chiffre d’affaires annuel de Sicomines, de la co-gestion de la centrale de Busanga, dans la province du Lualaba, avec une répartition des parts de 40 % pour la RDC et 60 % pour la partie chinoise, ainsi que d’autres avantages.
En 2024, avant la renégociation, le gouvernement congolais avait révélé que les entreprises chinoises n’avaient versé que 1,2 milliard de dollars en 15 ans. Le contrat renégocié prévoit désormais que ces entreprises devront verser près de 6 milliards USD sur les 20 prochaines années.

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
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