La République démocratique du Congo annonce la mise en place d’une politique de diversification de son économie. Le pays mise énormément sur le secteur agricole afin de parvenir à une croissance qui aiderait à faire reculer la pauvreté. Selon Julien Paluku, ministre du commerce extérieur, l’agriculture est le secteur qui conduirait la RD Congo à sortir de la dépendance du secteur minier. L’économie de la RDC a toujours été portée par le secteur minier avec des minerais comme le cobalt, le cuivre, l’or, la cassitérite, le zinc, le tantale et maintenant le lithium…
Mais malgré cette panoplie des ressources minières dont certaines sont considérées comme des métaux rares et stratégiques, le secteur minier peine à mener vers une croissance qui sortirait les congolais de la pauvreté. Selon Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur, l’économie congolaise est certes tirée par le secteur minier, « mais lorsqu’on examine la manière dont le secteur minier a participé au développement de la RDC, on se rend compte que la RDC n’a pas tiré profit du secteur minier. L’année dernière, nous avons exporté 152 000 tonnes de cobalt, nous avons exporté autour de trois millions de tonnes de cuivre, mais ça ne se ressent pas dans la vie économique des citoyens. Le secteur minier a amené beaucoup d’argent, mais lorsqu’on voit comment cela se répercute, on ne le sent pas. La pauvreté continue ».
Selon les prévisions de la loi des finances 2025 (qui inclue le budget), la croissance économique devrait se situer à 5,7%. Cette croissance est soutenue par le secteur minier. La RDC se positionne comme le premier producteur du cobalt au monde et deuxième producteur du cuivre au monde derrière le Chili et devant le Pérou et la Chine. Selon Albert Yuma Mulimbi, ancien président du conseil d’administration de la Gécamines, la principale entreprise minière appartenant à l’Etat congolais, « le fait est que ces productions, en termes de millions de tonnes, appartiennent à des capitaux privés étrangers. Quelques 4 entreprises sont responsables de hausse de la production minière en RDC. Cela fait toute la différence avec les années fastes où c’est la Gécamines qui produisait plus de 400 000 tonnes de cuivre et finançait le budget de l’Etat à hauteur de 70% », note Albert Yuma.
Cette période remonte à loin, dans les années 1989. Actuellement, l’Etat est seulement actionnaire minoritaire dans les entreprises minières florissantes en RDC. Pour le gouvernement Congolais, il est venu le temps de changer le paradigme économique et ainsi diversifier l’économie du pays. « Le président Félix Tshisekedi nous a demandé de diversifier notre économie, parce que le secteur minier n’a pas été porteur de croissance, il nous a demandé de diversifier notre économie notamment en allant vers le secteur agricole. Nous avons fait le travail de l’identification des produits qui sont porteur de croissance pour la RDC », a indiqué le ministre du commerce extérieur, qui a lancé directement la comparaison entre les produits miniers et produits agricoles : « aujourd’hui la tonne du cuivre coûte 9 534 US dollars, la tonne de cobalt coute 33 000 US dollars, mais lorsque vous prenez la tonne du cacao, elle coûte 10300 dollars. Comparé au cuivre, le cacao nous donne plus d’avantages aujourd’hui parce qu’il coûte un peu plus que la tonne du cuivre ».
« Nous vous parlons du secteur agricole parce que c’est le secteur qui va nous permettre de changer le niveau de vie des citoyens. Lorsque vous voyez le café, le maïs, lorsque vous voyez d’autres produits agricoles…si tous nous nous investissons dans la production agricole, non seulement cela va satisfaire le besoin alimentaire, mais également cela va satisfaire le besoin d’emplois ».
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 2019, le président Félix Tshisekedi avait déjà annoncé son intention de miser sur l’agriculture essentiellement. Le chef de l’Etat avait déclaré qu’il s’agissait d’une politique de « revanche du sol sur le sous-sol », en référence aux produits qui sortent de l’agriculture qui devaient porter l’économie congolaise plus que les ressources du sous-sol. Le président Joseph Kabila avait tenté aussi la politique de mise en place des projets agricoles de grandes envergure. Quelques années, avant de quitter le pouvoir, le premier projet pilote de champs agro-industriel pour la culture du maïs s’était soldé par un fiasco qui a occasionné le détournement de plus de 200 millions de dollars américains et pour lequel, l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné à 10 ans de travaux forcés le 21 mai de cette année.
Le gouvernement actuel veut tourner la page et tenter une nouvelle expérience. La RDC possède 80 d’hectares de terres cultivables. Julien Paluku l’a rappelé. « Nous avons 80 millions d’hectares des terres arables. Si sur ces 80 millions, nous cultivons seulement la moitié, c’est-à-dire 40 millions d’hectares en RDC et que, un hectare emploie 3 personnes, cela veut dire que nous aurons besoin de 120 millions d’emplois. Or nous sommes encore autour de 100 millions des congolais. Nous allons commencer à importer même la main-d’œuvre ».
Le ministre du Commerce extérieur affirme que le gouvernement congolais a déjà réfléchi à la manière de trouver des débouchés pour les produits agricoles qui sortiront des champs qui doivent être cultivés. « Il ne suffit pas de produire, il faut avoir aussi le marché. C’est l’une des tâches auxquelles nous nous sommes livrés : l’identification des marchés. Le premier marché qui a été ciblé c’est celui des USA, à travers l’AGOA, qui est une loi américaine qui permet aux pays africains d’exporter vers les USA sans paiement des frais de douane. Le deuxième marché c’est le marché européen à travers les accords de partenariats économiques que l’Europe a à travers l’Afrique, le troisième marché c’est le marché chinois avec ses 1,4 milliards de consommateurs. Il y a le marché indien et il y a ensuite le marché africain ».
Belle ambition pour la RDC qui veut renverser une tendance fâcheuse : le Congo importe pour 7 milliards de dollars américains chaque année, dont 3 milliards en produits agro-alimentaires. « Il est impératif de renverser cette tendance en développant les politiques que je vous ai exposées. Il est inconcevable d’importer pour 3 milliards de dollars américains en produits agro-alimentaires alors que nous avons toujours mis en avant nos 80 millions d’hectares de terres arables et nos 40 millions d’hectares de terres irrigables », a tonné le ministre du Commerce extérieur.

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com