D’aucuns continuent à s’interroger sur les différents choix de Henri Mova Sakanyi , vice premier ministre en charge de l’intérieur, politique confirmé , diplomate de talent, intellectuel de premier plan, néanmoins candidat à la députation nationale dans la ville frondeuse de Kinshasa . Quelle mouche a piqué le professeur, récent Secrétaire General du PPRD ? Calcul ou Intuition ? Défi téméraire ou acte de rupture ? Voilà des nombreuses questions à l’origine de notre investigation d’essence psychanalytique sur les ressorts invisibles d’un choix de rationalité dans un secteur où la passion sert de carburant aux multiples adhésions.
L’effort en valait la chandelle, car elle nous a permis de découvrir les épaisseurs d’une action en profondeur, les méandres d’une réflexion digne de la théorie des sciences politiques. La politique, disait Edouard Balladur, est un champ clos d’intérêts et heureux, ceux qui trouvent les clés d’accès à un champ qui n’a pas de porte. La beauté de la démarche de l’intellectuel Henri Mova Sakanyi est le fait qu’il a, par cette candidature, voulu démontrer que le pays, la RDC est certes une mosaïque des peuples, mais que sa terre formatait chaque congolais à une citoyenneté responsable. En termes moins savants, il part du principe que si nous sommes réellement une Nation, si le Congo est notre mère patrie, nous devons nous sentir chez nous partout au Congo.
Cette conception nationaliste d’une philosophie d’appropriation de la Nation, espace de notre patrie est fortement ancrée chez Henri Mova Sakanyi qui n’est pas qu’un théoricien , mais aussi un praticien de l’exercice politique . Il est étonnant que nous continuons à croire être une Nation, mais que chaque fois que nous sollicitons des suffrages de notre peuple, nous nous sentions obligés de trouver refuge dans nos fiefs tribaux. Sans le dire, le Vice Premier Ministre l’a suggéré à l’œil de l’investigateur et nous a permis d’exhumer ses convictions enfouies dans une expression de grande simplicité.
Le Congo est plus grand que l’ensemble des tribus qui le constituent, il est un ciment, un parfum qui émane d’une mixture de puissance que seuls peuvent voir ceux qui se mettent au diapason de cette alchimie. Ils ne sont pas nombreux, ceux-là qui ont construit cette conscience, ils sont les modèles qu’il faut suivre. C’est l’exemple d’un Lumumba , originaire du Sankuru, mais ayant des ancrages politiques réels à Kisangani. C’est le cas d’un Kalonji Mutambayi , originaire du Kasai, mais élu du Katanga aux élections de 1957. C’est l’ensemble de ces congolais qui investissent dans d’autres provinces que les leurs, qui permettent à la Nation de se souder par des liens infrangibles. Ils prennent souvent le risque d’un rejet instinctif, mais ils sont convaincus de la noblesse de la cause qu’ils défendent et finissent toujours par être intégré aux orifices de la conviction. Ces hommes aux consciences élevées sont la planche de salut face aux extrémismes locaux qui sont parfois le berceau des divisions multiples.
Revenons à Lukunga, et on se rend compte que cette circonscription a accueilli les premiers pas de Henri Mova Sakanyi comme politique, car même si il est venu de Lubumbashi, il n’y était pas connu comme un homme politique, il était plutôt un activiste des droits de l’homme et un universitaire engagé dans un universalisme africain. En 1997, il arrive dans la dynamique du changement de l’AFDL et très jeune, il arpente les rues de cette ville pour prêcher l’unité du Congo et la nécessité de la prise en compte d’un destin commun solidaire. Moins de quarante ans et ministre des transports, c’est Kinshasa qui l’amène aux eaux de baptême politique et lui offre son onction d’homme d’Etat.
La ville frondeuse a ses champions certes, mais elle a aussi ses porteurs de rêve, ces hommes qui voient plus loin et qui dans leur innocence provinciale, quêtent une parenté avec la capitale. Il a réussi comme poète, comme politique et surtout comme mobilisateur. Célèbre dans tous les pays, car il est membre de ce gouvernement de Laurent Désiré Kabila qui donne aux ministres l’occasion de prouver qu’ils sont avant tout des citoyens et non des princes. Quoi de plus normal qu’il soit au front de la mobilisation pour la défense de la ville lors de l’attaque de 1998 ? Tenue militaire et discours patriotique, Henri Mova Sakanyi vit ce qu’il professe et tend à exprimer par ses actes publics ce qu’il élabore dans ses pensées personnelles.
Après une longue mission comme diplomate au cœur de la politique européenne, il rentre au pays pour animer le plus grand parti et lui donner des armes supplémentaires pour faire face aux contingences qui imposent le nouvel ordre mondial. Face à cette diversification et atomisation des consciences, Henri Mova Sakanyi propose le Ubuntu, philosophie de vie avec une capacité de résilience contenue énorme. Et c’est Lukunga qui sert de population pilote pour l’expression matérielle concrète de cette approche révolutionnaire mais non moins universelle.
Porter au cœur de la capitale, les idées force d’une révolution de sens et parvenir à construire avec les kinois d’abord et par-delà les congolais, un lien qui rende possible l’émergence de la société tant rêvée par les pères fondateurs, voilà les conclusions auxquelles notre investigation philosophique a abouti en approfondissant la candidature de Henri Mova Sakanyi à la Lukunga . Elle est une expérience pilote qui est appelée à inspirer d’autres et à pousser les limites d’un pessimisme qui avait fait de Kinshasa une ville frondeuse, alors que Kinshasa est une ville amoureuse qui attend un amour à sa taille et à sa dimension.
Adam Mwena Meji

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com