Les élections municipales pour désigner bourgmestres et maires refont surface dans le débat politique congolais, près de deux ans après leur annonce triomphale comme symbole de renouvellement démocratique. Prévues initialement dans la foulée des élections législatives, ces scrutins semblent aujourd’hui revenir par la petite porte, réduits à une portée limitée et soulevant plus de questions que d’espoirs.
En 2023, l’annonce de l’organisation des élections locales avait été saluée comme une avancée inédite. Pour la première fois depuis la reprise des élections en 2000, la population allait élire directement ses maires et bourgmestres, mettant fin à la tradition de nominations opaques et souvent partisanes. Les conseillers municipaux furent effectivement élus, alimentant l’espoir d’un tournant démocratique.
Mais depuis, silence radio. Aucun bourgmestre ni maire élu. Les conseillers municipaux, réduits à un rôle décoratif, se plaignent de cohabiter avec des autorités nommées qui refusent de les consulter. Leurs revendications pour obtenir les élections des bourgmestres sont restées lettre morte.
Le regain d’intérêt pour ces élections, près de deux ans après les législatives, surprend. Pourquoi relancer un processus gelé depuis si longtemps ? Pourquoi maintenant, alors que le pays fait face à de graves crises sécuritaires ?
Pire, à en croire certaines sources, l’organisation annoncée ne concerne que quelques villes dites stratégiques : Kinshasa, Lubumbashi, Kolwezi. Les autres agglomérations, notamment Goma et Bukavu en proie aux violences du M23/AFC ou celles placées sous état de siège, ne sont même pas concernées. Un déséquilibre géopolitique majeur, qui risque de donner une légitimité partielle et contestée aux futurs élus municipaux.
Certains analystes vont plus loin. Ils estiment que l’UDPS, le parti présidentiel, joue gros. L’organisation de ces élections, dans un contexte de tensions sociales et d’insatisfaction populaire, pourrait se retourner contre le pouvoir. D’autant plus que rien n’oblige constitutionnellement à les tenir maintenant. Le gouvernement ne subit aucune pression juridique ou politique à ce sujet. Le risque est d’autant plus grand que l’UDPS semble déjà traversé par des divisions internes : deux figures rivales, Augustin Kabuya et Deo Bizibu, se disputent le titre de secrétaire général du parti, chacune entraînant derrière elle des milliers de sympathisants. Cette fracture pourrait fragiliser davantage la cohésion du parti et affecter sa performance dans les urnes.
Dans ce climat d’incertitude, une inquiétude juridique se profile : les futurs élus auront-ils un mandat complet ? Le calendrier électoral national n’ayant pas prévu ces scrutins au bon moment, ces maires et bourgmestres n’exerceront-ils que trois ans, au lieu des cinq prévus ? La légalité de leur mandat, et leur capacité à agir dans la durée, pourrait être remise en cause.
Dans un pays miné par la guerre à l’Est, la pauvreté, et les déficits en infrastructures, certains jugent cette élection comme un luxe mal placé. Pourquoi injecter des fonds publics dans une élection partielle, non inclusive, et potentiellement source de tensions ? Quel sens y a-t-il à avoir des maires élus dans certaines villes et d’autres nommés ailleurs, parfois dans des zones tout aussi paisibles ?
La promesse d’une décentralisation démocratique, censée renforcer la gouvernance locale, risque donc de déboucher sur une situation hybride, voire incohérente. Une fois de plus, le rêve d’une démocratie locale pleine et entière semble suspendu aux arbitrages politiques du sommet.

Don Momat est à la fois formateur, blogueur et journaliste. Il aime surfer sur les faits quotidiens pour écrire des textes permettant au lecteur de plonger dans l’actualité. Son style, à la fois simple et teinté d’humour, vise à aider ses lecteurs à mieux comprendre les faits politico-économiques, voire sanitaires, qu’il aborde avec simplicité et modestie. Pour lui, le voyage constitue une véritable source d’inspiration.