La RD Congo est un colosse aux pieds d’argile, un géant culturel enchaîné. Son sous-sol regorge de minerais stratégiques, mais sa véritable richesse, inexploitée, est son capital culturel, artistique et intellectuel. Alors que le monde s’arrache ses cobalt et cuivre, la RDC néglige son soft power, cette force d’influence immatérielle capable de redessiner son image, d’attirer les investissements et d’unifier une nation fracturée.
Pourtant, l’histoire nous le prouve : les nations qui dominent le XXIe siècle ne seront pas seulement celles qui extraient des minerais, mais celles qui exportent des rêves. La Corée du Sud l’a compris avec la K-Pop, le Nigeria avec Nollywood, la France avec sa langue et son luxe. Et la RDC ? Elle possède l’une des cultures les plus vibrantes au monde, mais elle ne l’utilise pas. Il est temps de changer la donne.
La musique congolaise doit créer une diplomatie rythmique. La rumba est un patrimoine de l’humanité. Et après ? En 2021, l’UNESCO a inscrit la rumba congolaise au patrimoine immatériel de l’humanité. Un triomphe symbolique mais où est la stratégie pour en faire un outil d’influence mondiale ? La rumba doit devenir l’ambassadrice de la RDC, comme le tango pour l’Argentine ou le fado pour le Portugal.
Des festivals internationaux financés par l’État (Kinshasa World Rumba Festival ?) pourraient attirer des milliers de touristes. Il faut pousser nos stars dans des collaborations avec des stars globales (imaginez : Koffi Olomide feat. Jay Z, Werrason feat. Drake, JB Mpiana feat. Eminem, Fally Ipupa en duo avec Beyoncé ou Ferré Gola feat. 50 Cent). Le lingala pourrait devenir la langue de la séduction planétaire.
Le lingala, parlé par des millions de personnes, est la langue de la musique africaine moderne. Au lieu de le cantonner aux chansons, pourquoi ne pas en faire un outil de soft power ? Créer des instituts culturels Lingala (comme l’Alliance Française ou le Goethe-Institut). Promouvoir des séries et films en lingala sous-titrés pour conquérir Netflix et Amazon Prime.
Encourager l’apprentissage du lingala comme langue diplomatique en Afrique centrale. Le cinéma congolais pourrait devenir un Nollywood en puissance. Il faut l’émergence d’un nouveau cinéma. Le Nigeria a Nollywood, le Ghana a Ghallywood… Et la RDC ? Elle a des histoires épiques (Lumumba, Mobutu, les royaumes Kongo et Kuba), mais aucun blockbuster pour les porter à l’écran.
Il faut investir dans des coproductions internationales (ex. : un film sur Simon Kimbangu avec un réalisateur oscarisé). Former une nouvelle génération de cinéastes via des écoles financées par l’État. Exporter des séries congolaises (imaginez « Les Diamants de la Colère », un mélange de Narcos et Game of Thrones version congolaise). Kinshasa est la capitale africaine de la création.
Pourquoi ne pas faire de Kinshasa le Hollywood de l’Afrique centrale ? Créer un grand studio cinématographique (Kinswood ?). Organiser un festival du film panafricain plus prestigieux que FESPACO. Attirer des tournages internationaux (la RDC a des décors naturels spectaculaires : le fleuve Congo, les volcans du Kivu, les buildings décrépis de Kinshasa).
La mode congolaise est le luxe de l’audace. La sape est un art de vivre à exporter. La SAPE (Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes) est un mouvement culturel unique au monde. Mais au lieu d’en faire une curiosité locale, pourquoi ne pas en faire une marque globale ? Lancer des maisons de haute couture congolaises (imaginez un « Dior by Kinshasa »).
Collaborer avec des grandes marques (Gucci x SAPE : une collection capsule). Organiser des défilés à Paris, Milan, New York avec des designers congolais. Le Wax Congolais est le nouvel or textile. Le pagne africain est déjà populaire, mais la RDC pourrait en devenir le leader créatif. Créer une « Semaine de la Mode de Kinshasa » compétitive face à Lagos et Johannesburg.
Protéger et industrialiser les motifs traditionnels (comme le « Ndop » du Kasaï). La gastronomie congolaise peut créer une diplomatie des saveurs. Le poulet à la moambe pourrait devenir le futur « Poulet Tikka » Africain. La cuisine congolaise est riche, mais méconnue. Il faut l’exporter. Inscrire le poulet à la moambé au patrimoine UNESCO (comme le couscous marocain).
Ouvrir des restaurants « Goût du Congo » dans les capitales mondiales. Lancer des émissions culinaires (« MasterChef Congo »). Le café et chocolat congolais sont un trésor inexploité. La RDC produit l’un des meilleurs cafés et cacaos du monde, mais les marques suisses et belges en profitent plus que Kinshasa. Créer des marques premium « Made in Congo ». Organiser un « Salon du Chocolat de Kinshasa ».
La RDC doit devenir une puissance culturelle. Le soft power congolais est une arme sous-utilisée. La musique, le cinéma, la mode, la gastronomie peuvent redorer l’image du pays, attirer les investisseurs et unifier les Congolais. La RDC ne doit plus être le pays qu’on pille, mais celui qu’on admire. Il est temps de passer de l’exploitation des minerais à l’exportation des rêves.

Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR