La prison de Makala, à Kinshasa a enregistré un drame inouï dans la nuit du lundi à 2 heures du matin. 129 prisonniers ont trouvé la mort lors d’une tentative d’évasion. Selon le Vice-premier ministre en charge de l’intérieur et sécurité, Jacquemain Shabani, parmi les 129 ayant trouvé la mort, 24 ont été tués par balles ‘après sommation et les autres dans une bousculade ou étouffement ».
Le Vice-premier ministre a aussi ajouté que « 59 personnes ont été blessées et sont actuellement pris en charge par le gouvernement pour des soins appropriés ». Jacquemain Shabani a également indiqué que « quelques femmes ont été violées », sans en préciser le nombre et les auteurs. Une commission spéciale a été mise en place pour poursuivre les enquêtes. Le vice-premier ministre note que le gouvernement « déplore ces incidents malheureux ».
Le bilan a évolué. Lundi matin, quelques heures seulement après le drame, le gouvernement congolais, au travers son vice-ministre de la justice, avait avancé le bilan de deux morts, alors que des vidéos capturées dans la prison montraient plusieurs corps sans vie des prisonniers entassés. Sur le plan matériel, plusieurs bâtiments ont été brûlés notamment l’infirmerie, le bâtiment du greffe et le bâtiment administratif.
La prison centrale de Makala fait actuellement l’objet de l’actualité à cause de sa surpopulation carcérale. Construite pour 1500 prisonniers, elle en accueille près de 15 000 à ce jour. A propos, le vice-ministre de la justice, Samuel Mbemba, a critiqué sévèrement les magistrats, qu’il considère comme « les principaux responsables de la crise actuelle ». Selon lui, la surpopulation carcérale est exacerbée par l’envoi en prison de simples suspects, alors que la détention devrait être réservée uniquement aux condamnés. « Nous voulons dire que le premier responsable de ceci, ce sont les magistrats qui envoient en prison même des simples suspects, contre les principes du droit pénal congolais », a déclaré Mbemba.
Au mois de juin de cette année, des images publiées par le journaliste Stanis Bujakera, qui a été incarcéré à Makala pendant six mois, ont suscité un émoi au niveau national et international, du fait de la condition médiocre des détenus, entassés les uns sur les autres, et dormant à même le sol. Depuis, Constant Mutamba, ministre de la justice, s’est engagé à désengorger et améliorer les conditions des prisonniers dans la principale prison de Kinshasa. Selon le témoignage recueilli par Géopolis Hebdo, d’un détenu de cette prison, fraichement libéré, « il y a quotidiennement entre deux et sept morts à la prison de Makala ».
Au mois de juillet de cette année, Constant Mutamba, a fait libérer plus de 400 prisonniers dans l’objectif de désengorger la prison de Makala. Quelques heures après le drame de la prison de Makala, le ministre Mutamba a dénoncé « un acte de sabotage, un coup des ennemis de notre peuple ». Constant Mutamba promet « une réponse implacable aux commanditaires ».
Le ministre de la justice annonce des mesures notamment l’interdiction de transfèrement par les magistrats des parquets des détenus au centre pénitentiaire de Kinshasa (prison de Makala) « sauf autorisation du ministre de la justice », l’intensification du processus de désengorgement des prisons…
Les événements à la prison de Makala interviennent au moment où une tension monte de manière croissante entre le ministre de la justice, nommé seulement au mois de juin de cette année, et les magistrats regroupés au sein du syndicat autonome des magistrats du Congo.
Ces derniers dénoncent ce qu’ils considèrent comme une tendance du ministre de la justice à faire porter aux magistrats la responsabilité des dysfonctionnements de l’administration de la justice. Mutamba de son côté, insiste sur la nécessité d’entamer des réformes courageuses qui doivent toucher aussi les magistrats.
Depuis que, en février de cette année, le président Tshisekedi avait déploré « une justice malade » en RDC, Constant Mutamba avait pris l’engagement, à sa nomination, de redresser « cette justice malade ». Pour y parvenir, le ministre de la justice a introduit à l’Assemblée nationale un projet de loi pour réformer le secteur de la justice, en même temps qu’il a lancé « une lutte contre la corruption, la concussion et le coulage des recettes publiques » en instituant un processus généralisé de paiement par voie bancaire de tous les droits, taxes, redevances, les amendes, les cautions et les frais de consignation… et plusieurs autres frais.
« J’exécute les instructions du chef de l’Etat, et les choses doivent être claires. Nous allons nous battre contre les réseaux mafieux jusqu’au bout », avait déclaré Mutamba. Dans sa lutte pour réformer le secteur de la justice, Constant Mutamba n’entend pas reculer.
La nuit de l’évasion dans de la prison de Kinshasa, ce 2 septembre, alors qu’il se trouvait dans la province de Lomami, au centre du pays pour « étendre la politique de désengorgement des prisons en vue d’améliorer les conditions carcérales », son bureau à Kinshasa, a aussi été attaqué. « Une intrusion par effraction a été opérée » dans son bureau. Dans un communiqué, le ministre annonce là aussi « des enquêtes pour éclairer les circonstances de cette situation malheureuse, œuvre des forces négatives et mafieuses qui se sentent menacées dans la lutte engagée pour assainir la justice de notre pays », a déclaré le ministre de la justice.
Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
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