Joseph Kabila a décidé de revenir dans le jeu politique en RDC. L’ancien président, connu pour son silence, a choisi de changer complètement de stratégie. En moins de 10 jours, il s’est exprimé à deux reprises, depuis la région d’Afrique australe où il est en quasi exil, sur la situation de son pays. Tout d’abord, dans une tribune publiée dans le Sunday Times, M. Kabila a vertement critiqué la gestion par son successeur du conflit qui oppose actuellement en RDC le M23/ AFC/ RDF à l’armée congolaise. « Toute tentative de trouver une solution à cette crise qui ignore ses causes profondes – au premier rang desquelles se trouve la gouvernance de la RDC par ses dirigeants actuels – n’apportera pas une paix durable », a-t-il écrit. Joseph Kabila a ensuite taclé Félix Tshisekedi : « les innombrables violations de la constitution et des droits de l’homme, ainsi que les massacres répétés de la population congolaise par les forces policières et militaires de Tshisekedi ne prendront pas fin après l’aboutissement des négociations entre la RDC et le Rwanda, ou la défaite militaire du M23 ». Kabila a poursuivi en déclarant que « compte tenu de l’histoire de ses États membres, la SADC devrait être mieux informée. Les griefs du peuple congolais à l’encontre de son gouvernement doivent et devraient être pris en compte. La persistance de la mauvaise gouvernance actuelle du pays conduirait certainement à de nouvelles séries de troubles politiques, d’insécurité, d’instabilité institutionnelle, de conflits armés ou même de guerre civile ». Dans le Sunday Times, M. Kabila a qualifié le régime de Félix Tshisekedi de « tyrannique ».

Cette déclaration a surpris la plupart des Congolais, car elle venait de l’homme qui avait habitué les Congolais à son silence, même lorsque son camp politique faisait l’objet de multiples attaques. Durant ses 18 ans au pouvoir au Congo, ses conférences de presse et ses interviews se comptent sur le bout des doigts. Et depuis qu’il a quitté le pouvoir en janvier 2019, il est resté silencieux, même lorsque son épouse, Olive Lembe, a failli être prise pour cible fin juillet 2024 lorsque le domicile de l’ancien président avait été attaqué à Kinshasa par des militants politiques enragés.

Début mars, alors qu’il vient de participer aux derniers hommages rendus à l’ancien président namibien Sam Nujoma, Joseph Kabila s’est exprimé à nouveau dans une interview accordée à une télévision namibienne. Cette fois, l’ancien chef d’Etat adopte un ton beaucoup plus modéré, mais déclare : « Notre intention est d’être très disponibles pour servir notre pays et notre peuple, pour servir la région aussi… Nous avons encore de l’énergie pour continuer à servir notre pays ». Il ne fait aucun doute que l’ancien chef d’Etat, âgé de 54 ans, souhaite à nouveau s’imposer dans l’arène politique de la RDC. Pourquoi maintenant ? Mystère.

Après avoir boycotté, avec son parti, le PPRD, et sa plateforme politique, le FCC, les élections de décembre 2023, Shina Rambo, comme l’appellent ses admirateurs, a opté pour un retour fracassant dans l’arène politique.

Entre apparitions médiatiques et multiples voyages en Afrique australe et orientale, Joseph Kabila s’active de plus en plus. Selon certaines sources, il aurait réuni en février dernier à Nairobi une partie des dirigeants de son parti, le PPRD, en vue de le réorganiser. Le PPRD par ailleurs affaibli depuis 2021, un certain nombre d’anciens ayant rejoint Félix Tshisekedi. Lors de son séjour à Nairobi, il a restructuré son parti en nommant l’ancien président de l’assemblée nationale Aubin Minaku au poste de vice-président du parti. De retour à Kinshasa, Minaku agit pour le compte de Joseph Kabila lui-même.

L’ancien président congolais veut rendre publique son opposition au régime Tshisekedi à Kinshasa. Aubin Minaku n’a pas mâché ses mots lorsqu’il s’est adressé aux cadres du PPRD pour la première fois en sa qualité de vice-président du PPRD. « Le chef (Joseph Kabila) a dit qu’il fallait être prêt à tout. Lorsque le chef dit que nous devons être prêts à tout, chacun d’entre nous, un PPRD à part entière, comprend. Le chef dit : le temps du silence et des actions clandestines est terminé, maintenant c’est le temps des actions ouvertes, je prends mes responsabilités, c’est tout dire », a déclaré Aubin Minaku.

Les déclarations de Kabila et la restructuration de son parti après une période de léthargie interviennent alors que les rebelles des AFC/M23 ont gagné un terrain important au Nord et au Sud-Kivu. Et à Kinshasa, les officiels du pays, à commencer par le président Félix Tshisekedi, sont convaincus que l’ancien président Joseph Kabila parraine les rebelles dans l’est du pays. Le président Félix Tshisekedi l’a déjà dit publiquement à deux reprises. Aujourd’hui, début mars, Jean-Pierre Bemba, vice-premier ministre en charge des transports, multiplie les accusations à l’encontre de Joseph Kabila, qu’il accuse d’être derrière le Mobondo, un groupe armé de l’ouest du pays, à moins de 150 kilomètres de Kinshasa. « Je peux confirmer que la personne derrière le Mobondo est Kabila. Si vous voulez des preuves, je les ai. J’ai été ministre de la défense. Celui qui est derrière le M23 et l’AFC, c’est Kabila ». Bemba accuse Kabila d’avoir voulu mettre le feu à Kinshasa avec le Mobondo. Le conflit qui a donné naissance au groupe Mobondo est connu comme un conflit communautaire entre deux groupes ethniques, prend parfois l’allure d’un conflit dans lequel des armes légères sont utilisées. Entre juillet 2022 et mars 2023, Human Right Watch a évalué le nombre de morts à 300. Mais depuis, le conflit n’a pas cessé et les tueries se poursuivent.

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