On se croyait sorti de l’auberge après les pires inondations que la ville de Kinshasa ait connues depuis son histoire moderne.
L’eau de la rivière Ndjili (Kinshasa), renforcée par la rivière Lukaya (Kongo-Central), les 04 et 05 avril 2025, s’est depuis retirée des grandes artères de la capitale, dont le boulevard Lumumba. Malgré cette accalmie, les autorités redoutent la réplique.
Via les réseaux de téléphonie mobile, des messages du genre : « ALERTE KINSHASA; Inondations : Évitez Ndanu, Limete, Masina; Météo : Fortes pluies en cours; Eau / Électricité : coupures dans plusieurs zones », sont partagés pour prévenir les populations des risques de rester dans des zones jugées dangereuses.
Des victimes en attente d’orientations
Depuis la survenue de la catastrophe, plusieurs initiatives sont prises pour aider les populations durement touchées par cette situation. Des sites aménagés, notamment au stade Tata Raphaël, font régulièrement l’objet de visites des autorités, dont celle du Chef de l’État, Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO.
Si certains sinistrés ont pu regagner leurs habitations, notamment ceux des quartiers Salongo (Limeté), Debonhomme (Matete) et Pétro Congo (Masina), ceux du quartier Ndanu (Limeté) peinent à rentrer chez eux.
Problème : le quartier reste sous l’eau. Conséquences : accumulation des ordures ménagères avec des risques d’épidémies.
Au-delà de l’eau qui ne s’est pas encore retirée, certains habitants déclarent avoir tout perdu et s’être abrités dans des familles d’accueil.
« La situation n’évolue pas. Nous sommes en danger. Hier, la pluie a encore inondé et le niveau de l’eau a encore augmenté. Il n’y a pas moyen de rester là-bas », nous a confié une habitante de l’avenue Musa, la prénommée Pedrita, au micro de Geopolis Hebdo.
« J’ai personnellement évacué ma femme et mes enfants chez ma belle-famille, et aujourd’hui je suis venu constater, de loin, l’état de ma parcelle. Mais j’ai tout perdu… Dois-je laisser ma parcelle pour aller dormir sur un matelas au stade et attendre un repas ? C’est inconcevable… », raconte un habitant de l’avenue Ngaliema, prénommé Papy, sur une voix brisée, interrogé par nos confrères d’election-net.com, déclarant n’avoir rien reçu de l’État comme assistance et exigeant des autorités de trouver une solution durable, en lieu et place de l’assistance humanitaire dont certains bénéficient pour le moment.
Aller aux causes profondes
Conformément à la loi n°15/019 du 1er août 2015 sur la prévention et la gestion des catastrophes, les autorités consacrent la prévention, la protection, la solidarité et la réhabilitation comme principaux principes en situation de catastrophe, et rassurent que tout est mis en œuvre pour un retour à la normale, sans véritablement indiquer comment y parvenir.
Le ruissellement urbain (écoulement de l’eau sur des surfaces artificielles dans les zones densément peuplées), provoqué par l’expansion de la ville vers des zones non aedificandi, ainsi que l’insalubrité, identifiés comme causes des inondations, ne devront pas être soldés par un coup de baguette magique.
Le Gouvernement, qui y est de plain-pied, entend aller plus loin. La gestion intégrée de l’eau (la capitalisation du surplus d’eau), délocalisation des zones à risque : les autorités ne semblent plus vouloir s’arrêter avant de trouver une solution définitive à la crise.
À l’issue du dernier Conseil des ministres tenu vendredi, le Ministre de la Communication et Médias, Patrick Muyaya, avait annoncé la tenue, dès ce mardi, d’une importante réunion autour du Chef de l’État pour tenter de trouver une solution à la crise.
En effet, créée en 1881, la ville de Kinshasa, qui ne comptait que 1 600 habitants en 1920, en compte à ce jour plus de 17 millions, devenant la 3ᵉ agglomération la plus peuplée du continent africain après Le Caire (Égypte) et Lagos (Nigeria).
Bémol, l’urbanisation n’a pas suivi cette démographie galopante. Étendue sur 9 965 km², Kinshasa n’est occupée qu’à 20 % de sa superficie. La commune urbano-rurale de Maluku, occupant 79 % de la superficie de Kinshasa, est presque inhabitée.
Cette forte concentration de la population dans un espace de vie estimé entre 30 km d’Est en Ouest et 15 km du Nord au Sud produit quotidiennement au moins 1 million de tonnes de déchets, pour une moyenne de 0,7 kg de déchets par personne, dont le taux de collecte organisée dépasse rarement 25 %.
Ces données exposent la vulnérabilité d’une métropole située en dessous de la zone de convergence intertropicale, où il pleut 8 mois sur 12, avec des précipitations annuelles allant jusqu’à 1 273,9 mm.
Au-delà de Kinshasa, d’après l’hydrologue, le Professeur Raphaël TSHIMANGA, 33 millions des 100 millions d’habitants de la République Démocratique du Congo vivant le long des cours d’eau sont exposés aux inondations.
Ceci sous-entend qu’il y a nécessité de mettre en place une stratégie nationale pour prévenir les inondations, au lieu de les subir comme c’est le cas à Kinshasa, afin de préserver des vies humaines.
Cette politique nationale en matière d’inondations devrait être transversale, intégrant plusieurs départements gouvernementaux pour une réponse plus durable à ce fléau.
