En franchissant les murs du palais présidentiel le 03 février courant, la délégation mixte Conférence Episcopale Nationale du Congo-Église du Christ au Congo connues sous leurs acronymes respectifs CENCO-ECC a fait part au Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo de son intention de consulter les acteurs politiques et sociales de premier plan pour tenter de désamorcer la crise sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans la partie Nord Orientale du pays du fait de la résurgence de l’activisme militaire du mouvement politico-militaire M23 il y a environ trois (3) ans.
« La nécessité de renforcer la cohésion nationale dans notre pays, est un besoin devenu plus pressant.
Les deux Églises ont pris l’initiative de concevoir ce projet de sortie de crise que nous avons présenté ce jour au Chef de l’État. Il l’a reçu avec beaucoup d’attention; il l’a beaucoup apprécié et nous a encouragés. C’est un projet louable », s’est contenté de rassurer le porte-parole de cette délégation conduite par le Cardinal catholique, Fridolin Ambongo et le représentant légal de l’ECC, André Bokundowa.
Mettant en avant la situation exsangue de milliers des populations vivant dans la partie Est du pays, Monseigneur Donatien N’Shole n’exclut aucune hypothèse dans la démarche de deux églises s’il tentait que cela puisse faire cesser l’écoulement du sang.
« L’approche qui est la nôtre n’est pas de savoir qui est le démon et qui est l’ange. Mais voir comment nous construisons sur base de nos valeurs », a pointé de son côté le Pasteur Eric Nsenga de l’ECC, tous refusant de dévoiler le contenu de leur initiative rassurant avoir accordé la primeur au Président de la République. La suite on la connaît.
Après avoir rencontré plusieurs leaders politiques et sociales, singulièrement ceux de l’opposition non armée, la délégation a franchi le rubicon en faisant un saut vers l’inconnu pour rencontrer les chefs de la rébellion dont le numéro un de l’Alliance Fleuve Congo, Corneille Nangaa Yobeluo dans son nouveau quartier général à Goma, peu avant de traverser la frontière pour se faire recevoir par le Président Rwandais Paul Kagame, l’ennemi public numéro un des milliers des congolais pour son rôle négatif dans l’instabilité persistante de l’Est Congolais.
De retour de Kigali, les hommes d’églises ont poursuivi leur périple en rencontrant notamment le président du parti politique Ensemble pour la République, Moïse Katumbi Tchapwe et quelques cadres du Front Commun pour le Congo dont Raymond Tshibanda, le coordonnateur du comité de crise institué par l’ancien Président de la République, Joseph Kabila Kabange, chef de fil de la plate-forme.
Partout elle est passée, la délégation a affirmé avoir récolté les desideratas de chaque groupe et promis d’en faire bon usage. Mais jusqu’à quand ?
Péril en la demeure
Comme si de rien n’était, l’initiative conjointe de la CENCO-ECC ayant l’ambition de faire cesser l’écoulement du sang ne semble pas encore tenir toute ses promesses.
En effet, si l’on doit à ces hommes d’églises le mérite d’avoir formellement établi un contact direct avec le leadership de la rébellion ainsi que la partie Rwandaise là où il n’existe plus officiellement, en tout cas sous ce format-là, elle n’a pas réussi à faire cesser le feu sur la ligne de front. Plusieurs affrontements ont été signalés depuis et marqué par des avancées de la rébellion notamment dans le Sud-Kivu où les éléments du M23 ont fait leur entrée dans la ville de Bukavu en dépit des appels de la communauté internationale dont les Nations Unies, la SADC, l’EAC et la CEEAC pour la cessation des hostilités et le retour à la table de négociations entre toutes les parties prenantes au conflit.
Face à ce tableau peu reluisant, le duo CENCO-ECC est-il à même de sauver une situation déjà intenable alors que les choses continuent à se détériorer sur le terrain des opérations avec une situation humanitaire cataclysmique? Rien n’est moins sûr.
À tout prendre, connus pour leur talent de médiateurs depuis la conférence nationale souveraine dans les années quatre vingt dix jusqu’à tout récemment avec les accords dits de la Saint Sylvestre de 2016, ces hommes d’églises n’ont pas encore la réputation de médiateurs hors les frontières de la RDC.
Au-delà de ce curriculum vitae pour le moins pauvre à l’international, le duo CENCO-ECC a su démontrer qu’il dispose encore des atouts en allant rencontrer Nangaa et Kagame, chose que Kinshasa n’a plus fait depuis fort longtemps.
« Au-delà de la posture »
C’est toute la question. Après ce périple réalisé à travers les états-major politico-militaires, que sera la prochaine étape dans la démarche de la CENCO-ECC ?
Dans l’entourage des hommes d’églises, rien ne filtre, hormis ce que tout le monde connaît : un plan de sortie de crise privilégiant la cohésion nationale. Un plan, mais avec qui, comment et jusqu’où ?
Des bruits du couloir, beaucoup laissent penser à l’avènement d’un dialogue inclusif visant le partage des responsabilités. Dans l’opinion, les commentaires vont bon train entre les pro et les anti-dialogue. L’hostilité à l’hypothèse de l’ouverture des pourparlers entre les belligérants fait exacerber des tentions, notamment à Kinshasa où certains lieux de culte ont dû refuser d’ouvrir leurs offices religieux par peur des représailles promises par des citoyens opposés au dialogue.
Le statu quo
La situation semble dans l’impasse en l’absence des pourparlers entre des parties prenantes au conflit et une situation humanitaire de plus en plus désastreuse en raison de l’échec du cessez-le-feu décrété par le sommet de la SADC-EAC occasionnant la poursuite des combats sur terrain.
Alors que plusieurs initiatives diplomatiques ont été prises depuis fin janvier dans la foulée de l’entrée de la rébellion dans Goma, aucune décision n’a semblé faire taire les armes sur terrain. Pendant ce temps, ce sont des milliers des populations vivant dans des zones touchées par le conflit qui payent un lourd tribut. D’où la nécessité d’une solution à la crise, peu importe sa forme ou son format, une solution restant une solution.
José-Junior OWAWA
