Grands enjeux I Le combat d’influence USA-Chine a-t-il déjà commencé autour des mines Congolaises ?

Devant les mutations géopolitiques mondiales, la Chine joue la carte de la transparence et de l’accroissement de ses investissements en République démocratique du Congo. C’est dans ce sens qu’il a été lancé, le 14 juillet dernier, le livre blanc sur le développement communautaire et la responsabilité des sociétés minières chinoises en RDC. Il s’agit d’un rapport qui couvre principalement 15 entreprises minières appartenant à 8 groupes chinois situés dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba en RDC, toutes engagées dans l’exploitation des mines de cuivre et cobalt ainsi que dans la production, la fusion et la vente des produits miniers. Le rapport démontre, dans le cadre des obligations fiscales, que les 15 entreprises à capitaux chinois ont payé plus de 2 milliards de dollars en impôts, soit 22 % du total des recettes publiques intérieures de la RDC. 

Le Livre blanc sur le développement communautaire et la responsabilité des entreprises minières chinoises en République démocratique du Congo, c’est le rapport qui a été présenté par l’Association des entreprises minières chinoises en RDC. Au fil des ans, les investissements chinois ont déjà dépassé la barre des 10 milliards de dollars américains.

Pour la Chine, première destination des exportations congolaises des mines, il est important de prouver la transparence de entreprises chinoises au Congo, au moment où les Etats-Unis d’Amérique montrent clairement qu’ils convoitent les mines Congolaises. Selon les données de la Banque Centrale du Congo, en 2023, la RDC a exporté en Chine jusqu’à 57,3% de ses produits miniers. Ce chiffre va croissant puisque, en 2019, le Congo n’exportait en Chine seulement 33% de ses produits miniers.

« Nous avons construit 1 250 kilomètres de routes pour la République démocratique du Congo, construit des centrales électriques d’une capacité totale installée de 480 mégawatts, construit 21 hôpitaux qui accueillent 800.000 patients par an, construit 54 écoles qui accueillent 32.000 élèves et récupéré 6.700 hectares de terres qui réduisent 420.000 tonnes des émissions de CO₂ par an », a indiqué Chen Zhimin, président de l’Association des entreprises minières chinoises en RDC. Et d’ajouter qu’au total, 380 millions de dollars ont été investis dans des fonds de développement communautaire, 120 millions de dollars ont été investis dans des projets de subsistance, 470 puits ont été creusés pour résoudre le problème de l’eau potable pour 230.000 personnes et 18 742 techniciens ont été formés. 

Ces précisions ont été données au moment où des entreprises américaines s’apprêtent à venir ou revenir au Congo pour investir dans le secteur minier et ainsi bousculer l’hégémonie chinoise en RDC. En ce mois de juillet, Kobold Metals, une entreprise américaine, a signé un accord avec la RDC pour une exploration minière, avec un projet fixé sur l’exploitation du lithium. Cet accord sera mis en œuvre dans trois domaines clés : l’entreprise s’engage à investir au Congo dans la numérisation des données géologiques, l’exploitation minière à l’aide de technologies de pointe, notamment l’intelligence artificielle, et le développement d’un projet d’exploitation minière de lithium situé à Manono, dans la province du Tanganyika, au sud-est de la RDC.

 Benjamin Katabuka, représentant en RDC de Kobold Metals a déclaré que l’objectif de cette entreprise est d’embaucher davantage des Congolais, de les former, de les rémunérer et de participer à la construction d’infrastructures pour le bien-être de la population. La RDC et Kobold Metals s’engagent à « coopérer pour fournir un accès public gratuit aux données géo-scientifiques historiques par l’intermédiaire du Service géologique national du Congo (SGNC) dans l’intérêt de tous ; KoBold Metals lancera un programme d’exploration minière à grande échelle en RDC, en utilisant les technologies les plus avancées au monde pour trouver des gisements de minéraux critiques qui seront développés en mines de classe mondiale », indique l’accord de partenariat. « Le partenariat économique entre les États-Unis et la RDC promet une croissance durable, des innovations et des avantages tangibles pour les communautés congolaises », a commenté Lucy Tamlyn, ambassadrice des États-Unis en RDC.

A l’occasion de la publication du Livre blanc, l’Association des entreprises minières chinoises prend trois engagements solennels envers le peuple de la RDC et la communauté internationale : Premièrement, les entreprises minières s’engagent à créer une « industrie minière transparente » avec tous les efforts, en approfondissant continuellement les investissements technologiques et des innovations en matière de gestion, et en améliorant la transparence et la crédibilité de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Deuxièmement, elles s’engagent à accélérer le développement de la « capacité de production verte », à mettre la force des sociétés minières chinoises au service de la transformation verte et à faible émission de carbone du continent africain et à travailler avec des partenaires mondiaux pour relever conjointement les défis du changement climatique. Troisièmement, elles s’engagent à travailler ensemble pour élaborer une « norme de responsabilité » et à étudier et formuler le « Guide de la responsabilité sociale dans l’industrie minière en République démocratique du Congo » sur la base des conditions nationales de la République démocratique du Congo et en accord avec les tendances internationales de développement, afin de porter le niveau de responsabilité de l’ensemble de l’industrie à un niveau supérieur.

La Chine et les Etats-Unis d’Amérique se livrent une concurrence autour du secteur minier de la RDC. Il y a quelques années, cette concurrence de plus en plus visible avait suscité des prises de positions et déclarations houleuses entre l’ambassadeur chinois en RDC et Mike Hammer, ambassadeur américain en RDC jusqu’en 2022.

Aujourd’hui, le débat entre une préférence américaine et chinoise se pose parmi les Congolais. Dans un contexte de guerre à l’Est de la RDC, ponctué des négociations de paix pilotées par les Etats-Unis d’Amérique et d’un accord à venir entre la RDC et les Etats-Unis d’Amérique sur l’exploitation minière au Congo, plusieurs congolais estiment que Washington aide mieux le Congo que Pékin en ce temps de crise. Cette critique a fait réagir Zhao Bin, ambassadeur de la Chine en RDC. « La RDC et le Rwanda ont signé un accord de paix à Washington. Cette désescalade est une bonne chose en soi. Cependant des voix discordantes s’élèvent dans l’opinion publique certains sont allés jusqu’à dire que la Chine ignore la RDC alors que les Etats-Unis d’Amérique soutiennent la RDC. Est-ce que c’est vraiment le cas ? Or notre soutien à la RDC est indéfectible. Notre position n’a jamais été volatile ni modifiée du jour au lendemain », a déclaré l’ambassadeur de la Chine en RDC, avant d’ajouter : « Nous n’avons ni utilisé la RDC comme monnaie de change à nos fins ni introduit même une mesure discriminatoire à son encontre. La Chine s’en tient à ses propres principes diplomatiques tels que la non-ingérence dans les affaires intérieures de la RDC, mais elle lui a toujours apporté une aide concrète et efficace, à sa manière ». Zhao Bin a rappelé qu’en tant que président en exécution du Conseil de sécurité, la Chine a réussi à faire adopter à l’unanimité la résolution 2773 en faveur de la RDC.   

Bien que le débat fait rage, pour la RDC, il s’agira de diversifier les partenaires. Raison pour laquelle en septembre 2024, la RDC a signé un accord de coopération militaire avec la Chine visant à renforcer les capacités des Forces armées de la RDC.

Patrick Ilunga

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