GENOCOST I Kinshasa crie au génocide pendant que le monde détourne le regard

Trente années de massacres, d’exécutions de masse, de viols collectifs, d’enfouissements silencieux sous les forêts de l’Est congolais, et toujours aucune reconnaissance formelle. Alors que les corps s’accumulent, que les cris s’étouffent dans l’indifférence, le gouvernement congolais a tenu, samedi 2 août à Kinshasa, une nouvelle commémoration du Genocost, ce génocide économique à peine murmuré sur les grandes places diplomatiques.

Une commémoration de plus, des mots de trop, peu d’actes

Pour la troisième fois, les autorités congolaises se sont rassemblées sous une tente solennelle, aux côtés de diplomates à peine concernés, pour pleurer les morts. Des morts que le pays pleure seul, pendant que la communauté internationale persiste dans une posture de surdité complice.

Le président Félix Tshisekedi, dans un discours grave, a inauguré un mémoriel aux 93 stèles, rappelant, pour ceux qui auraient oublié, que depuis 1993, des crimes à répétition ont rythmé l’histoire de la RDC, principalement dans l’Est du pays. Un monument de la douleur nationale, mais aussi un symbole criant de l’échec de la communauté internationale à se lever contre une hécatombe planifiée.

Le gouvernement Suminwa promet une offensive diplomatique… tardive ?

C’est une stratégie « offensive », dit-on. Judith Suminwa, Première ministre, entend désormais hausser le ton. Elle et son équipe promettent une campagne diplomatique musclée, du lobbying dans les couloirs feutrés des chancelleries, des discussions « ciblées » avec les ambassadeurs étrangers en poste à Kinshasa. Objectif : faire admettre, noir sur blanc, que les massacres à répétition en RDC relèvent bel et bien du génocide.

Mais cette soudaine prise de conscience ne soulève qu’une question : pourquoi maintenant ? Pourquoi avoir attendu trois décennies, des milliers de rapports, des montagnes de charniers, pour actionner une diplomatie que le pays aurait dû imposer dès le premier charnier creusé dans l’indifférence ?

Des preuves ignorées, des criminels protégés

Un colloque international a tenté, en amont de la cérémonie, de démontrer que les crimes commis en RDC remplissent les critères de la Convention de 1948 sur le génocide. Pourtant, ces éléments, des ONG et des experts onusiens les égrènent depuis vingt ans dans des rapports que personne ne lit ou que certains préfèrent ne pas lire.

Les crimes sont documentés : villages rasés, communautés ciblées, exploitation systématique des femmes comme armes de guerre, exterminations motivées par la conquête des ressources. L’État congolais parle d’un « génocide pour des raisons économiques ». Un terme brutal, mais sans doute le seul qui colle à cette réalité où coltan, or et cobalt s’arrachent plus vite que ne sèchent les larmes des orphelins.

Tshisekedi fustige l’hypocrisie mondiale

Le chef de l’État n’a pas mâché ses mots. Il a dénoncé « l’indifférence glaciale » des puissances internationales, bien informées mais muettes. Il a également rappelé la guerre à l’Est, toujours active, alimentée par l’agression du Rwanda et son soutien au M23/AFC. Selon lui, tous les « marqueurs d’un projet d’épuration » sont là, mais les grandes capitales restent silencieuses, parfois complices, souvent lâches.

Une commission d’enquête indépendante sur les massacres est annoncée. Une de plus. Félix Tshisekedi exhorte l’Occident à la soutenir. Il leur parle de responsabilité morale, de justice, de mémoire partagée.

« Nous n’attendrons pas que les autres valident notre douleur« 

Dans une posture plus offensive, le président affirme ne plus attendre d’approbation internationale. La RDC prendra elle-même en main son récit, son combat pour la justice. Il était temps. Mais qui croit encore que ce sursaut national suffira sans pression externe, sans tribunaux, sans sanctions, sans ruptures diplomatiques réelles ?

Les témoignages poignants des survivants, lors de cette journée, n’ont pas laissé de place au doute : ce pays a vécu l’enfer, et continue de le vivre. Et pendant que Kinshasa allume une flamme éternelle pour les victimes, ailleurs, on continue de faire affaire avec ceux qui profitent de leur sang.

Don Momat

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *