Le Fonds Forestier National, établissement public du droit Congolais a réagi à l’annonce de la réhabilitation de son ancien Directeur Général suspendu, Honoré MULUMBA KALALA par le Conseil d’Etat dans sa décision rendue public le 08 juillet 2025.
En effet, dans une mise au point parvenue à Geopolis Hebdo le 15 juillet 2025, le Fonds Forestier National fait savoir que Honoré MULUMBA KALALA est réhabilité alors que ce dernier est cité dans deux rapports sérieux de la Cour des Comptes et du collège des Commissaires aux Comptes de cet établissement public.
Selon la source, « dans le rapport d’audit de la Cour des Comptes, il lui est reproché notamment :
Ouverture de l’Antenne Provinciale du FFN de Mbuji-Mayi sans décision du Conseil d’Administration et sans approbation du Ministère de Tutelle » contrairement à « l’article 6 du Décret 09/24 du 21/05/2009 qui dispose que « le siège du Fonds Forestier National est établi à Kinshasa et qu’une antenne est ouverte au chef-lieu de chaque province sur décision du conseil d’administration et après approbation du Ministre ayant les forêts dans ses attributions« .
L’établissement rappelle que « les investigations de la Cour des comptes ont révélé qu’un contrat de bail pour l’Antenne Provinciale de MBUJI -MAYI a été signé en date du 14/02/2023 entre Monsieur Honoré MULUMBA KALALA, Directeur général du FFN, et Madame Angel NTUMBA MADIMBA. Ce contrat a été suivi par le versement d’une garantie locative de USD 3 300,00 et du paiement de 24 mois de loyer, soit USD 13 200,00 à raison de USD 550,00 par mois, pour une antenne provinciale fictive qui, du reste, n’est connu que par ce Directeur Général suspendu et son parsec« .
Au-delà de ce contrat, d’autres chefs d’accusations ont été portés contre l’ancien Directeur Général du FFN dont l’exécution des Budgets non adoptés par le Conseil d’administration alors qu’au terme du Décret n° 09/024 à son article 17, le Conseil d’administration a le pouvoir de prendre toutes décisions se rapportant, notamment à l’adoption du budget et du bilan du Fonds Forestier National.
« Les diligences mises en œuvre par la Cour des comptes ont permis de relever que le Directeur Général du FFN, Monsieur MULUMBA KALALA, a exécuté, pendant la période concernée par ce contrôle, les budgets non préalablement adoptés par le Conseil d’administration« , renseigne la même source.
L’absence de suivi, de contrôle et d’évaluation des projets financés par l’établissement fait aussi partie des faits reprochés au mandataire suspendu.
« Le Manuel de procédures de financement des projets du FFN, chapitre IV, page 16 dispose que la Direction Générale assure la Gestion quotidienne du FFN et effectue par son expertise ou par l’expertise des tiers, les missions de suivi, contrôle et évaluation des projets sous son financement en vue de s’assurer que les fonds alloués sont utilisés effectivement dans la réalisation des travaux suivant le planning d’opérations » fait-on savoir au Fonds Forestier National avant d’ajouter que « les investigations de la Cour des comptes ont révélé que sur une centaine de projets financés à hauteur de USD 4 963 431,00, au cours de la période sous revue trois, (03) projets seulement ont fait l’objet de suivi, contrôle et évaluation » mettant en évidence « une incertitude et des doutes évidents sur l’exécution des opérations de reboisement et risque de non atteinte des objectifs ».
Rabattement de la superficie déboisée, autre point d’achoppement
L’analyse documentaire faite par la Cour des comptes a permis de relever des cas de rabattement des superficies déboisées et taxées d’office ainsi que des recettes y afférentes par Honoré MULUMBA KALALA, Directeur général du FFN sans contre vérification, a-t-on appris de la même source qui précise qu’il s’agit « des scipec, Sek Kipoï, et Cokibafode ayant fait perdre au Fonds Forestier National un montant équivalent à 7 722 883,00 USD ».
Dans le placard du Directeur Général suspendu, on y trouve aussi de financement des ONGD inéligibles contrairement à
l’article 4 du décret 09/24 du 21/05/2009 portant organisation et fonctionnement du Fonds Forestier National disposant que sont pris en charge par le Fonds Forestier National, les travaux et opérations visés à l’article 3 ci-dessus et préalablement initiés ou agréés par le Ministère en charge des forêts, sauf dispositions particulières prévues par un Arrêté du Ministre pris en application de l’article 79 du Code forestier, notamment dans le cadre de l’implication des entités décentralisées, des citoyens et des communautés locales, y compris les populations autochtones, aux programmes de reboisement, commente notre source soulignant que « les investigations menées par la Cour des comptes ont permis de relever que Quatre-vingt-trois organisations non gouvernementales et structures ont bénéficié du financement du FFN à hauteur USD 2 752 161,00 au titre de reboisement sans avoir préalablement obtenu l’agrément ou l’arrêté du ministre ayant les forêts dans ses attributions ».
Quid du financement des projets de reboisement ?
« Les investigations menées par la Cour des comptes ont révélé que 196 projets ont été financés pendant la période sous revue à hauteur de USD 4 963 431,00 en violation des critères exigés par le manuel des procédures du Fonds Forestier National » rappelle l’établissement citant des critères globaux tels qu’il faut être opérationnel sur terrain pendant au moins trois ans et être agréé comme une ONG du secteur de l’environnement ou présenté un acte d’adhésion lorsqu’il s’agit des entités territoriales décentralisées, des citoyens ou de communauté locale au-delà
des critères spécifiques faisant référence à la détention de la propriété foncière ou de la garantie foncière, du statut légalisé et notarié, du règlement intérieur légalisé et Présentation de la note conceptuelle.
Suite à ces méthodes particulières, plusieurs projets avaient été financés
sans études préalables des services techniques.
« Sur 196 dossiers des projets financés par la direction générale pendant la période sous contrôle, seuls 125 ont été traités par les services techniques, soit un écart de 71 dossiers d’une importance de USD 1 443 190,00 financés en violation du manuel de procédures alors que pour ce dernier, pour l’obtention du financement du FFN à son chapitre 3 point 1 page 14 dispose que les services techniques du FFN préparent les dossiers pour les projets éligibles au financement du FFN« , rappelle t-on au Fonds Forestier National.
Au-delà du financement des projets, les auditeurs ont pu identifier des violations de la procédure de passation des marchés publics sans appel à la concurrence alors que
« l’article 17 de la loi n°10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics dispose que les marchés publics sont passés par appel d’offres » et qu’ils peuvent exceptionnellement être attribués selon la procédure de gré à gré dans les conditions définies dans la présente loi pendant que, selon les enquêteurs, « les marchés de fourniture des véhicules ont été passés de gré à gré sans l’autorisation préalable de la DGCMP et qu’à ce titre, il se fait que certains de ces véhicules, vétustes de seconde main surfacturés, n’ont circulé que pendant quelques jours avant de tomber en panne et d’être abandonné dans les rues de la capitale ».
Et les commissaires aux comptes dans tous ça ?
Selon le Fonds Forestier National, le rapport général du Collège des Commissaires aux Comptes clos au 31 décembre 2023, faisant suite au mandat qui leur avait été confié conformément à l’article 21 du décret n°09/24 du 21 mai 2009, il ressort de l’audit des états financiers annuels 2023 des opinions avec réserve sur les irrégularités relevées telles que :
– Une justification et une traçabilité insuffisantes de certaines opérations comptables, en raison de l’absence d’exhaustivité et cela s’illustre par exemple d’une anomalie telle que l’acquisition de matériels roulants où les montants de 63.000$ pour les bus de marque Toyota hiace et Hyundai ainsi qu’un split de marque chigo btu de 12.000/KF 35 n’ont pas été rétracées le fichier d’immobilisations corporelles et dont les factures d’acquisition sont sans référence et celà violant l’article 17 alinéa 3 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit comptable et à l’information financière
1. L’acquisition de 2 véhicules de marque Toyota hiace king long et de Toyota Crown d’une valeur de 25.000$ , sans plaque d’immatriculation est enregistrée à la comptabilité sur base d’une décharge
2. Un écart de surestimation de 8.760$ de la TVA dans le coût d’acquisition pour le véhicule de la marque Toyota Land cruiser TXL
3. L’absence d’informations bancaires a limité les investigations des commissaires aux comptes sur les 2 soldes.
4. La non justification des comptes charges des montants : Entretiens bâtiments solde débiteur 53.271.734Fc; Frais de réception et festivités, solde débiteur 41.710.920Fc.
5. Aucune quittance relative à l’apurement de la taxe de déboisement n’a été mise à la disposition des commissaires aux comptes
6. Non-réalisation des travaux d’inventaire physique des biens immobilisés valorisés au cours de l’exercice 2023
7. Au terme de l’examen de l’évaluation budgétaire Exercice 2023 : la Direction Générale du FFN n’a pas présenté aux commissaires aux comptes le budget voté par le Conseil d’Administration de l’année 2023, et cela a constitué une limitation aux investigations prévues et par conséquent les commissaires aux comptes n’ont pu donner un avis sur la cohérence et vraisemblance des informations encore moins le niveau de la gestion financière du FFN avec une assurance raisonnable.
Pour rappel, le contexte de la suspension de MULUMBA KALALA Honoré de ses fonctions de Directeur Général du FFN a été aussi marqué par des rapports particuliers avec sa hiérarchie qui a toujours déploré son manque de collaboration.
A côté de la mauvaise gestion épinglée dans ces différents rapports, Honoré MULUMBA KALALA a toujours été reproché de prendre des décisions sans se référer à sa hiérarchie, ni obtenir l’autorisation et l’approbation nécessaires ainsi que son refus de transmettre la liste de toutes les banques où sont logées les comptes du Fonds et la liste des Ong bénéficiaires des financements du Fonds Forestier National.
Tous les faits, sinon la majeure partie des faits qui lui sont reprochés par les deux rapports précités, avaient donc fait l’objet d’une remontrance, de la part de la Minetat, lors de sa deuxième installation comme DG du FFN et c’est dans ce contexte particulier qu’il a été réhabilité par le Conseil d’Etat suscitant des commentaires au moment où le pays est particulièrement engagé dans la promotion d’une gestion orthodoxe de la chose publique.
« La sonnette d’alarme est donc lancée aux instances compétentes IGF, Police Judiciaire, Interpol, Anr, Dgm, Parquet afin de s’en saisir desdits évoqués pour toute fin utile aux intérêts de la Nation Congolaise, à la vision du Chef de l’Etat et enfin à l’endroit de la Cour des Comptes pour rendre officiel le rapport final de cet audit ainsi de passer à la vitesse supérieure pour mettre hors d’état de nuire tous les instigateurs », a-t-on conclu.
José-Junior OWAWA