Éloigner les limites, bousculer les habitudes, interroger les procédures en cours, extirper les systèmes mafieux devenus des cancers dans le fonctionnement de l’État et surtout, user d’une force de proposition adéquate au regard des maux de leurs secteurs respectifs, voilà ce qui peut peindre un ministre réformateur. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui poussés par un sens d’engagement ont pris le risque d’innover dans leur Portefeuille. Ils ont sans doute soulevé la désapprobation des certaines administrations engluées dans des pratiques vicieuses, mais ils ont tenu.
Géopolis Hebdo, témoin et historien du présent, revient sur ceux qui ont pu rendre leurs actions accessibles au regard des observateurs. Ils sont jeunes et iront certainement plus loin si jamais leurs déterminations résistent à l’usure des révérences.
Jean Lucien Bussa Tongba
On peut tout dire sur Jean Lucien Bussa Tongba mais on ne peut lui dénier un sens de l’audace et une capacité de pénétrer au cœur des défis de son époque. À peine six mois à la tête de ce ministère du Portefeuille, il organise des États Généraux des entreprises du Portefeuille de l’État 26 ans après sur une thématique substantielle à savoir, » Faire du portefeuille de l’État un puissant levier de croissance et du développement durable. Tout un programme qui pose l’exigence d’un nouveau paradigme quant à la conception même du Portefeuille, à sa gestion et à ses finalités. Il a su mobiliser les plus éminents cerveaux de la République et voire même, ses propres collègues ministres pour tracer le chemin du changement et donner au pays un instrument à même de permettre à l’État de jouer son rôle régalien. On peut déjà comprendre combien sera rude le chemin vers cet horizon d’autant plus qu’il faille faire face à une idéologie qui a prévalu ces vingt dernières années selon laquelle, l’essentiel était un désengagement progressif et total de l’État dans le Portefeuille. Résultat ? Échec total de la réforme qui a produit des formes hybrides des sociétés devenues commerciales mais fonctionnant sur papier comme butin de guerre pour partage politique. Il aura dur à faire mais l’on peut se satisfaire de sa pugnacité et de l’appui du Président de la République, Félix Tshisekedi, qui est pour le retour d’un État investisseur tout au plus ou en partenariat tout au moins.
Doudou Fwamba Likunde Li-Botoya
On ne l’attendait pas à ce poste, car il était déjà à la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD) où il abattait un travail de titan, mais il a suffi de quelques mois pour qu il donne le tonus à ce ministère par excellence des réformes, car étant un baromètre de l’Économie contributive, le ministère des Finances doit suivre au quotidien la marche des affaires et adapter la législation au rythme de production des richesses pour alimenter le trésor public et construire le budget national au prorata de la vision de développement. C’est ainsi qu’une des choses premières qu’il a faite fut de fidéliser la paie des agents et fonctionnaires de l’État de manière à leur garantir une productivité accrue.
Regardant sur la chaîne de la dépense, il a réduit les paiements en urgence pour se focaliser sur les dépenses prioritaires et générales. Ceci fait, le réformateur qui sommeille en lui est désormais prêt à monter en puissance pour proposer des réformes de taille notamment, la présentation de huit projets de loi au Parlement (Assemblée nationale et Sénat). Ces lois ayant l’objectif de renfoncer la fiscalité et de financer les secteurs stratégiques. Ainsi,.Doudou Fwamba tient par celle-ci à mobiliser les ressources publiques, à lutter contre l’évasion fiscale et à financer des projets de développement dans les secteurs stratégiques, notamment l’agriculture soubassement de l’économie, les infrastructures et la santé. D’autres lois présentées concernent des instruments multilatéraux fiscaux récemment signés par la RDC. Il s’agit de la lutte contre l’érosion de la base fiscale d’imposition et le transfert des bénéfices ciblant les stratégies de planification fiscale agressive des compagnies internationales. Toujours dans cette approche, l’argentier national propose deux projets dans l’agriculture financés par le Fonds agricole de développement (FAD) et la Banque africaine de développement (BAD). Un autre programme porte sur l’appui à la gouvernance et au développement des compétences. Tous ces projets obéissent à une vision d’élargir les sources de financement notamment, par le développement des chaînes de valeur.
Sur le plan de le santé, un accord de 250 millions de dollars américains avec la Banque mondiale (BM) permettra de renforcer les capacités du système de santé. On voit un ministre qui ne se contente plus de ne gérer que la caisse de l’État mais qui étudie les moyens de l’élargir et de l’agrandir. La facture numérique lancée est une parfaite illustration de son sens aigu de la réforme.
Julien Paluku Kahongya
On peut dire l’infatigable Julien Paluku Kahongya et on ne cessera jamais de le citer, car le ministre du Commerce extérieur fait partie de membres de la classe politique les plus entreprenants qui prennent leur mission au sérieux. Il est de ceux qui travaillent sur base des résultats et donnent à leurs ministères l’épaisseur de leur enthousiasme et de leur compétence.
Alors que les casseroles sont encore chaudes des projets au ministère de l’Industrie, il s’est retrouvé au Commerce extérieur où en l’espace des quelques mois, il a identifié le malaise et a proposé des diagnostics. Un chiffre effrayant est sorti de son diagnostic, celui de 5 milliards de dollars américains comme manque à gagner dans les transactions liées au Commerce extérieur.
Sans tenir compte du phénomène de transbordement des marchandises qui, destinées depuis loin au Congo, arrivent dans les pays limitrophes, elles sont fractionnées et entrent en RDC comme biens du commerce trans frontalier avec la batterie d’exonération. Pour organiser le Commerce extérieur, il a par essence réformatrice renforcé et vulgarisé l’usage du Guichet unique du commerce extérieur (GUCE). Pour lui, l’avantage de cette innovation est de dématérialiser davantage la procédure de pré dédouanement et de dédouanement pour éviter le contact entre les humains parce qu’il y a beaucoup de fuite des capitaux et d’arrangement entre les hommes. Comparativement à 2023 qui avait enregistré trois-cent milles dossiers au Guichet, l’année 2024 a connu une augmentation pas comme l’on pourrait l’espérer. Mais selon Julien Paluku, il est possible d’atteindre même un million grâce à une rigueur dans le travail.
La grande innovation de 2024 dont les effets seront visibles en 2025, ce sont les préparatifs de l’AGOA qui se tiendra à Kinshasa et qui aura l’opportunité pour la RDC de présenter 62 produits du pays et 27 filières agricoles. Ministre a plein temps et a plein régime, Julien Paluku est conscient des faiblesses du secteur et collabore avec tous les services pour diminuer sensiblement la fraude au niveau de l’export et de l’import.
Didier M’Pambia Musanga Ne Bianshu
Considère comme le parent pauvre du Gouvernement congolais, le département du Tourisme n’a pas attiré les ambitions ces dernières années avec la logique du partage équitable et équilibré, car il était perçu comme un ministère sans ressources et pourtant, bien géré, le tourisme est un véritable levier de croissance. C’est en tout cas ce que croit le ministre Didier M’Pambia dont l’intelligence de conception et d’action ont insufflé un nouveau courant dans ce ministère où les agents et cadres sont débordés de travail. Le ministre a directement défini l’objectif qu’il veut atteindre en disant que le Congo, à l’horizon 2030, doit atteindre 10 millions de touristes. Quand on compare au chiffre de trois-cent milles visiteurs – touristes de 2023, on se rend compte que le boulot est là et que Didier Mpambia doit fortement réformer le secteur s’il veut atteindre un résultat.
Pragmatique, le patron du Tourisme commence par organiser un Forum de validation de la politique nationale du Tourisme (PNT). Moment de grands échanges où les intelligences nationales ont tracé une Feuille de route et ont assigné à leur secteur des indicateurs de performances. Par exemple, le secteur doit bénéficier d’ici 2030 de l’augmentation significative des hôtels notamment, au moins 30 hôtels de 3 à 5 étoiles. De se doter de 25 000 lits d’ici 2025. De générer si possible 200 à 300.000 emplois.
Pour y arriver, le ministre M’Pambia a formalisé la marque RDC comme un label qui permet de vendre le pays en sa qualité de cœur battant d ‘Afrique. Une des réformes majeures, c’est la conceptualisation des villages touristiques à construire dans toutes les provinces et la ré dynamisation de l’administration pour avoir un cadre de concertation. Il compte sur les réformes en cours pour attirer le secteur privé au partenariat public privé en vue de gérer l’immense potentiel touristique qui gît dans le pays.
Pour le ministre reformateur, étant couvert de 70 % des forêts, la RDC offre des aires protégées et réserves de faune et de chasse qui renferment une diversité d’écosystèmes notamment, les familles de gorilles de montagne, le troupeau d’éléphants, des lions, des léopards, des hippopotames, des rhinocéros blancs, des okapis… qui en font une des plus riches du monde. Il est venu le temps de l’action stratégique et concertée pour un retour dans le rang des champions.