Qui l’eut cru ? Le ministre du Portefeuille, Jean-Lucien Bussa Tongba, a frappé un grand coup comme l’écrivait le tabloïd Géopolis Hebdo dans sa livraison du lundi 09 décembre dernier en réussissant à organiser, 24 ans après (2000 – 2024), les États généraux des entreprises du Portefeuille. Ce rendez-vous historique, décidé par Président de la République, Chef de l’Etat, lors de la 2ème réunion du Conseil des Ministres, marque, selon le patron du secteur, la détermination de Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo à réorganiser les entreprises du Portefeuille de l’État dans le but d’en faire des outils efficaces et stratégiques pour la croissance économique et le progrès social de la République Démocratique du Congo (RDC). Pour ce faire, le chef de l’État a été félicité du haut de la tribune de ces assises par Jean-Lucien Bussa Tongba pour sa clairvoyance, l’intérêt et l’importance qu’il accorde aux entreprises du Portefeuille de l’Etat, au
regard de ce qu’elles représentent en tant que catalyseur de la prospérité.
Ces entreprises, constituant l’un des maillons importants de l’économie congolaise, devraient participer substantiellement à la création de la richesse, à la création des emplois, au budget de l’Etat,
à la mise en œuvre des politiques publiques. Elles devraient, en outre, générer directement ou indirectement des avantages pour l’éclosion des autres activités économiques et favoriser le développement d’autres secteurs économiques. Tel n’est cependant pas le cas. La quasi-totalité des
entreprises publiques, en particulier, sont contre performantes et peinent à rencontrer les attentes de la population.
» En dépit d’énormes potentiels de croissance et de développement dont disposent les entreprises du Portefeuille dans plusieurs domaines et de l’importance de leur patrimoines (Miniers, Transports, Hydrocarbures, Energie, Fonciers, Télécommunication, Financiers, etc.), plusieurs facteurs, retardent leur montée en puissance et ne permettent pas d’en faire un puissant vecteur du développement économique et social. Ce, malgré les reformes mises en œuvre depuis
2008 », a déclaré d’entrée de jeu le ministre J.-L. Bussa. Avant d’ajouter : » La situation actuelle des entreprises publiques reste préoccupante, bien que des progrès sporadiques aient été enregistrés. Une analyse sectorielle approfondie révèle des défis majeurs dans les principaux secteurs stratégiques. »
A en croire notre sémillant orateur, » dans l’ensemble, elles traversent une crise profonde qui se
caractérise par des résultats négatifs récurrents, le vieillissement du personnel, l’endettement excessif, le faible niveau d’investissement stratégique, le faible taux de recouvrement des créances, la spoliation de leur patrimoine, la corruption, le détournement. Les entreprises publiques sont aussi victimes des décisions judiciaires iniques et saisie intempestive de leurs biens et font face à des difficultés d’accès au financement public et privé ». Un avis partagé par son collègue ministre de la Justice et garde des sceaux, Constant Mutamba Tungunga, lors des travaux en Panel I consacré au Cadre juridique, Institutionnel du Portefeuille de l’État et la Réforme des entreprises publiques ».
Toutes ces faiblesses sont dues, selon le ministre du Portefeuille, principalement par une gouvernance
inadéquate, un cadre légal et réglementaire inadapté, des faibles performances économiques, une gestion peu orthodoxe, faible niveau d’intervention de l’Etat dans le financement dans les secteurs stratégiques et à rentabilité économique avérée, un climat des affaires
affecté par la résistance au changement.
S’agissant de la gouvernance des entreprises du Portefeuille de l’Etat, Bussa Jean-Lucien a épinglé le fait qu’elle demeure un sujet de préoccupations majeures : » Elle se caractérise par le non-respect des règles de gouvernance par certains mandataires publics, et, dans la plupart de cas, par une
collaboration dysfonctionnelle entre les organes statutaires, une inefficacité des Conseil d’Administration qui au lieu de fonctionner
comme des organes stratégiques, veulent se verser dans la gestion quotidienne. Les Directeurs Généraux, quant à eux, exécutent difficilement les décisions de Conseil d’Administration et sont résistants au contrôle.
Cela crée des conflits entre le Conseil d’Administration et la Direction Générale. Au niveau de la direction générale, l’absence du contenu dans la fonction du Directeur Général Adjoint crée des conflits entre le Directeur Général et le Directeur Général Adjoint relégué à un rôle secondaire. »
Il y a également lieu d’épingler,.selon notre source officielle, les inefficacités dues aux difficultés de
coordination de rôle des institutions étatiques nationales et organes statutaires. Et pourtant, toutes ces questions sont réglées par des lois et réglementations en la matière qui doivent être respectés par toutes les parties prenantes.
Concernant le cadre juridique et institutionnel, selon Jean-Lucien Bussa Tongba, » la gestion du Portefeuille de l’État repose actuellement sur un cadre juridique et institutionnel qui, bien que révisé à plusieurs reprises, montre ses limites face aux défis contemporains.
C’est un cadre qui présente un bicéphalisme du régime juridique faisant des entreprises publiques des organisations hybrides. Ces assises permettront de fournir les bases de réflexion visant à réformer le cadre juridique régissant les entreprises publiques pour le rendre plus moderne et adapté aux défis actuels, en s’inspirant des meilleures pratiques internationales. »
Selon les indications données par le Conseil Supérieur
du Portefeuille (CSP) en rapport avec la performance, comme lors des États généraux tenus en 2000, » plusieurs entreprises du portefeuille de l’Etat, pourtant stratégiques pour l’économie nationale sont toujours caractérisées par une faible culture de performance dans le chef de la plupart des
dirigeants et cadres entraînant ainsi une faible rentabilité et une mauvaise utilisation des ressources. Leurs résultats nets cumulés ont été négatifs entre 2019 et 2023 ». Pour véritablement améliorer la performance des entreprises publiques en RDC, foi du ministre Bussa, » il est essentiel de renforcer l’indépendance et le role des structures d’audit interne ».
En ce qui concerne la Contribution des entreprises du Portefeuille de l’Etat au PIB et dans le budget, le ministre Bussa Tongba a noté la réduction drastique qui est passée de 36 % en 1980 à seulement 0,24 % selon les dernières estimations, bien en deçà de leur potentiel, accompagner de perte de compétitivité et l’érosion des parts de marché.
Elles n’ont pas su s’imposer dans les secteurs clés de l’économie. Par contre, ce qui apparaît est que la structure de leur endettement limitent leur attractivité auprès des investisseurs et partenaires financiers, on note également la non-réalisation des objectifs
stratégiques ainsi que l’éloignement de certaines d’entre-elles de leur objet social. Les recommandations issues de ces assises pourront renforcer les réformes en matière d’assainissement de la dette des entreprises du portefeuille.
S’agissant de leur implication dans la vie sociale, de l’avis des éminents experts présents au Centre financier de Kinshasa, » ces entreprises ne
remplissent pas leur rôle de levier social à la hauteur des attentes et d’immenses potentiels dont elles disposent, tant en matière de création d’emplois
que de l’amélioration des infrastructures
communautaires.
Quant au climat des affaires, toutes choses restant égales par ailleurs, les entreprises du Portefeuille sont objet des intrusion fréquentes, parfois abusives de la justice et des administrations spécialisées dans leur gestion, perturbant ainsi leurs activités.
» Ce phénomène impacte sur la performance, la stabilité et l’attractivité des entreprises du portefeuille… Des saisies conservatoires, exécutions forcées, des longues procédures judiciaires à l’encontre des mandataires publiques, mais aussi des conflits d’interprétation des lois ont souvent provoqué un climat d’instabilité pour les dirigeants et entravés
les activités opérationnelles de ces entreprises », a dénoncé le ministre de la République.
Dans le cadre de la relance des entreprises du portefeuille de l’État, il est indispensable, selon Jean-Lucien Bussa, de mener une réflexion approfondie sur un modèle économique dans lequel l’État assume une responsabilité quasi exclusive en matière d’investissements stratégiques. Ce modèle, de l’avis de notre orateur, devrait affiner le processus de concession des infrastructures de l’Etat, tout en optimisant l’interaction entre l’État puissance publique et l’État-actionnaire afin de favoriser la croissance
des entreprises publiques en conciliant les objectifs de rentabilité et de service public.
Un autre axe clé de cette relance est la diversification
économique, visant à réduire la dépendance aux ressources naturelles, tout en stimulant la croissance économique à travers l’innovation, l’industrialisation et l’investissement dans des secteurs clés.
Dans le même ordre d’idées, Jean-Lucien Bussa est pour la définition des politiques et stratégies visant à renforcer le rôle des entreprises publiques dans
la transformation structurelle de l’économie. Cela inclut la mise en place de mécanismes de financement, la promotion de l’innovation et l’amélioration des capacités des entreprises publiques pour soutenir le développement des secteurs porteurs.
» C’est pourquoi, l’analyse de l’impact des incitations fiscales et des subventions sur la viabilité des entreprises publiques, selon leur type et secteur d’activité, est essentielle pour orienter les politiques
publiques de soutien. Il est crucial de déterminer les stratégies optimales pour stimuler la croissance, en identifiant les meilleures formes de soutien financier et institutionnel que l’État peut offrir, adaptées à chaque type d’entreprise publique. », a indiqué le ministre du Portefeuille Jean-Lucien Bussa. Tout en précisant que : » la relance économique des entreprises publiques ne doit pas reposer uniquement sur un soutien financier sous forme de subventions étatiques. Quoi que les subventions puissent apporter un appui temporaire dans certains cas, cette approche est réductrice et peut conduire à l’inefficacité si elle n’est pas accompagnée d’une stratégie complémentaire, plus structurée, autonomisant et durable. »
Avent de clore son propos du jour, Jean-Lucien Bussa Tongba a proposé une solution plus pragmatique et structurée qui consiste à financer les secteurs stratégiques à travers un fonds spécial du Portefeuille de l’État qui sera principalement alimenté par une quotité du chiffre d’affaires des entreprises publiques du portefeuille de l’État. Ce mécanisme, a-t-il estimé, permettrait de générer des ressources internes,
réduisant ainsi la dépendance à l’aide publique et renforçant l’autonomie financière des entreprises publiques.
Parallèlement, pour maximiser l’impact et attirer des ressources supplémentaires, il est crucial de renforcer les Partenariats public privé (PPP) comme outil clé de financement. Ces partenariats permettraient de mobiliser l’expertise et les fonds privés. Qui de l’ouverture du capital des entreprises publiques ?
A ce sujet, Jean-Lucien Bussa a fait savoir que l’ouverture au capital des entreprises publiques aux
partenaires privés et la constitution de joint-ventures représentent des opportunités qui devaient être encouragés.
Ainsi, au-delà des subventions étatiques, de financement par des ressources propres du Portefeuille via le Fonds spécial du Portefeuille, des partenariats publics-privés, l’ouverture au capital et la création de joint-ventures permettraient d’assurer une relance plus solide, durable et efficace des entreprises publiques du Portefeuille. Par ailleurs, une attention particulière doit être portée à la politique
actionnariale de l’État, qui doit guider la gestion du portefeuille public en matière de rentabilité et de développement durable.
L’État-actionnaire, doit définir des lignes directrices claires sur la création d’emplois, l’innovation, et sa contribution au développement durable au travers de ses entreprises publiques, afin de maximiser leur
impact économique et social.
En définitive, la relance des entreprises publiques nécessite un modèle qui allie gouvernance stratégique, diversification économique et soutien à l’innovation, afin que ces entreprises deviennent des piliers
de la transformation structurelle de l’économie de la RDC.
Et ces États généraux, voulus par le Président
Félix Tshisekedi sont un appel à l’action visant à
transformer profondément les entreprises du portefeuille de l’État pour qu’elles deviennent des leviers efficaces de croissance économique et de développement social.
Il est donc indispensable de prendre des résolutions audacieuses qui donneront lieu aux réformes courageuses telle que suggérées, afin de permettre aux dites Entreprises de réaliser des » bonds de crapaud » susceptibles de transformer la trajectoire économique de notre pays et répondre, au delà des défis économiques et sociaux, aux enjeux
démographiques.
Les projections des Nations Unies estiment que la RDC sera, d’ici 2050, le deuxième pays le plus
peuplé d’Afrique derrière le Nigéria, et le huitième pays le plus peuplé au monde, avec une population d’environ 215 millions d’habitants. Cette transition démographique, tout en représentant un potentiel
inestimable, impose une responsabilité à l’élite ici réunie et à l’État dans son ensemble.
» A cet effet, les présents États généraux doivent marquer une rupture avec les erreurs du passé, où de nombreuses recommandations sont restées lettre morte, ce qui nous rappelle l’importance d’une volonté
commune et inébranlable non seulement de mettre en place des réformes profondes et audacieuses, mais aussi de s’assurer de leur mise en œuvre effective. Ainsi, nous avons le devoir historique de poser les bases solides d’une gouvernance modernisée de ce patrimoine commun, d’optimiser sa gestion afin de le rendre efficace, rentable et performant.
Ce moment est crucial pour aligner la vision stratégique des Entreprises du Portefeuille de l’Etat aux six engagements du Chef de l’Etat de son second quinquennat afin de transformer les attendus de
ces Etats en réalité palpables pour faire de ces entreprises un puissant levier de croissance économique et de développement social. » C’est par cette exhortation que le ministre du Portefeuille mettra fin à son discours de circonstance.
Journaliste économique et chroniqueur des ressources naturelles.