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Impossible de relativiser l’incident grave survenu au stade des martyrs par la beauté du spectacle. La mort à elle seule suffit de détruire la prouesse artistique car elle se définit comme le prix à payer pour obtenir l’exceptionnel, et ce prix-là est impossible à accepter. La raison se refuse et le cœur s’étreint de souffrance face à cette « fatalité du débordement » car chaque organisation a des seuils de son efficacité et quand celui-ci est atteint, vous avez droit à la goutte qui fait déborder le vase. On ne peut pas dire que l’on ne savait pas que le risque d’un mouvement des masses était certain et que le passé nous a déjà appris que le déchaînement des passions crée un éclatement de la synchronie des gestes et les hommes développent la force du chaos.

Le peu que l’on puisse dire est que l’artiste Mike Kalambay a joué de la mal chance pour tomber ce jour-là et porter cette catastrophe. À ce niveau de mon récit je ne peux qu’implorer le très haut de recevoir les âmes des disparus afin qu’elles cheminent vers les hauteurs de lumière dans la paix et la félicité. Revenons à cet événement grandiose et tragique et examinons notre société dans la prunelle de ses yeux et jouons de la vérité. Alors une réalité nous saute au visage, c’est la maladie des défis insensés dans lequel le monde socioculturel et celui du show business s’est lancé, empruntant cette méthode néfaste aux politiciens. C’est cette course aux pleins. Comme un transfert de sens, la recherche de la qualité à cédé à la course de la quantité. Être populaire est le leitmotiv. Comme un parallélisme des formes néfastes le numérique dicte désormais sa loi. Le nombre des vues, des followers est la nouvelle légitimité. Le syllogisme est parfait. La vérité est dans le nombre or tu es dans le nombre donc tu es dans la vérité. La logique formelle n’a rien à voir avec la vérité, elle est tenue par la cohérence du raisonnement. Voilà, partant du principe encore non assumé qui dit que la voix du peuple est la voix de Dieu, on peut comprendre comment la mentalité marchande s’est imposée à notre société, faisant de nous des masses entraînées vers l’éclat des apparences.

Cette fièvre qui s’empare des foules et qui dicte sa volonté à la société, se dresse en face des leaders naturels et casse tous les protocoles. Des anonymes, au nom de la foule, prennent la parole et exigent que l’on fasse tout ce qui est de leur fantaisie. Les premières victimes sont les politiques eux-mêmes qui ne savent plus maîtriser leur base et à qui des quidams disent qu’ils doivent obéir à leurs visions du peuple. Ils se sont lancés un défi comme à l époque des duels où la mort de l’un était la victoire de l’autre. Tous les politiques mesurent leurs forces à l’aune de leurs capacités de remplir le stade des martyrs. Les pasteurs ont suivi et désormais les musiciens en font leur indicateur de popularité.

C’est une pathologie sociale à laquelle nous assistons, elle est cette crise de sens et de valeurs. Elle se manifeste par cette absence des valeurs partagées, de solidarité et de sens commun et elle génère un sentiment de désorientation, de cynisme et de nihilisme au sein de notre société. Elle sape la confiance et la cohésion sociale. Il est venu le temps d’adapter des attitudes responsables et d’éviter de voir dans nos leaders des gladiateurs des temps modernes qui doivent descendre dans l’arène pour satisfaire nos appétits de voir le sang couler. Il faut arrêter cette course à la popularité qui ressemble tant à la défunte guerre des étoiles.

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