Le débat autour de la réforme constitutionnelle donne lieu actuellement à des réactions de passion, exacerbant ainsi les positionnements, dans une classe politique congolaise déjà très vivante. Lors du briefing presse de ce lundi 28 octobre 2024 coanimé par le Ministre de la Communication et médias, Porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya et le Vice-premier ministre en charge de la Fonction publique Jean-Pierre Lihau, ce débat qui est déjà houleux sur les publics s’est invité dans la communication de ces deux membres du gouvernement.
Pour le ministre Muyaya, la République démocratique du Congo est sortie d’un processus de belligérance pour entrer dans la consolidation de la démocratie. Ainsi, « Le souci principal, tel que le président de la République l’a résumé, c’est d’arriver à avoir des institutions fortes. Il faut considérer que si révision de la constitution doit y avoir lieu , elle le sera pour le bien de nos institutions et pour le bénéfice du peuple congolais », dit le porte-parole du gouvernement Judith Suminwa.
Patrick Muyaya reste dans les propos du Président de la République Félix Tshisekedi, qui a indiqué à Kisangani le mercredi 23 octobre dernier que cette question ne relevait pas de l’ordre de l’urgence. « J’ai l’impression qu’on veut faire dire au Président de la République des choses qu’il n’a pas dites. Le Président de la République, s’exprimant sur ce sujet, a dit que ce n’était pas une urgence. Je crois qu’il a dit cela. Ensuite, le Président de la République a aussi dit que l’année prochaine, il mettra en place une commission pluridisciplinaire avec les Congolais de tous bords pour réfléchir. La Constitution que nous avons, il faut la lire aussi, parce qu’elle prévoit notamment des mécanismes pour que la révision puisse se faire. Il faut considérer que, pour le moment, nous n’y sommes pas encore », a-t-il indiqué devant les journalistes.
On ne peut pas étouffer la réflexion
Dans ce débat général et national qui s’installe dans tous les salons politiques de la République démocratique du Congo, le Vice-premier ministre en charge de la fonction publique a à son tour exprimé sa position. Selon ce membre du gouvernement, l’on ne peut pas interdire la réflexion sur cette question vitale du pays. À l’en croire, la loi fondamentale peut être modifiée ou changée avec la volonté de la communauté nationale.
« On ne peut pas interdire la réflexion dans notre pays. La constitution est une loi fondamentale. Une loi vous savez, a vocation à être modifiée ou changée si tel est la volonté de la communauté nationale, à partir du moment où elle présente des faiblesses. La question qu’il y a à se poser, c’est de savoir : est-ce que notre loi fondamentale ne comporte-t-elle pas des faiblesses ? La réponse est oui ! Indubitablement », a-t-il fait savoir.
Quand l’église catholique monte au créneau !
Dans ce débat général lié à la réforme constitutionnelle, tout le monde a droit à la parole. A ce chapitre, les évêques de l’église catholique romaine montent au créneau et sont vent debout contre une initiative visant le changement ou la révision de la Constitution de la République démocratique du Congo en vigueur depuis 2006. Dans une interview accordée à nos confrères de Radio Okapi, le Secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Donatien N’shole, l’a démontré.
Selon le prince de l’Eglise catholique, C’est une position politique, « mais du côté de l’Église et de la société civile, nous pensons que c’est quelque chose à décourager dans le contexte actuel, quelle que soit la pertinence de l’un ou l’autre point relevé pour justifier cette démarche », dit-il.
Le chapelain du Pape François a fait savoir que « ce projet de changement ou de révision de constitution, qui a fait des morts, ne passera pas sans un bras de fer social. Cela pourrait ouvrir un nouveau front de tensions dans un pays déjà fragilisé, particulièrement à l’Est », avec toutes les tensions qu’il y a avec la situation sécuritaire exacerbée par l’agression rwandaise via le M23.
L’opposition politique surchauffée
L’opposition politique de la République démocratique du Congo ne veut pas entendre parler de cette question sur la possibilité de retoucher la Constitution. Martin Fayulu présente la situation dans un prisme selon lequel le Président Tshisekedi, qui a déjà manifesté sa position en faveur de la réforme constitutionnelle, comme quelqu’un qui jouerait avec le feu. « Félix Tshisekedi joue avec le feu comme un gamin. Nous ne le laisserons pas toucher à la Constitution. Le peuple a besoin de : 1. L’intégrité territoriale ; 2. L’éradication de la misère ; 3. La sécurité ; 4. Le respect des droits humains ; 5. Des institutions légitimes issues d’élections crédibles. Pour cela, il nous faut la cohésion nationale. Ce n’est pas à cause de la Constitution que plus de 115 localités du pays sont sous contrôle des forces extérieures et que le gouvernement se distingue par la gabegie financière ? » s’interroge le leader de l’ECIDE, dans un post sur X, ancien Twitter, le 25 octobre dernier.
Il en est de même pour Moïse Katumbi, Matata Ponyo, Delly Sesanga, et bien d’autres leaders de l’opposition, qui sont contre cette possibilité de retoucher la constitution. Un bémol tout de même : Adoplphe Muzito, président du parti Nouvel Élan, se dit quant à lui favorable à un changement ou révision de la constitution.
Cependant, le Président de la République Félix Tshisekedi s’est dit favorable à retoucher la Constitution de la RDC, qu’il a jugé qu’elle n’est pas bonne, lors d’un meeting à Kisangani chef de la province de la Tshopo. Pour le chef de l’Etat congolais, il mettra en place en 2025 une commission interdisciplinaire pour réfléchir sur cette possibilité. C’est un dossier à suivre, car les réactions ne cessent de tomber de partout.