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Il est l’un des plus grands esprits de notre temps avec une capacité conceptuelle et technique remarquable. Homme à idées et patriote convaincu, Faustin Luanga est habité par une force de propositions qui a fait le bonheur d’autres économies mais qui tarde à trouver un ancrage opérationnel dans son propre pays, la République Démocratique du Congo (RDC). Au fil des mois, Geopolis Hebdo publie ses tribunes et nous nous rendons compte que sa pensée haute techniquement peine à être absorbée par les membres de l’agora. Dans le but d’en faciliter la compréhension surtout, celle des concepts, nous l’avons approché pour une interview introductive à la tribune que nous publions dans la suite de celle-ci.

Géopolis Hebdo (GH) : Dans votre tribune, vous citez la volonté politique comme l’une des conditions de succès des politiques publiques. C’est quoi la volonté politique, quels en sont les indicateurs ? Là où elle n’est pas, comment cela se manifeste ?

Faustin Luanga (FL) : La notion de volonté politique se définit comme l’engagement manifeste des décideurs à appliquer des politiques publiques efficaces qui répondent aux véritables besoins des citoyens. Les indicateurs de cette volonté se manifestent par la clarté des objectifs politiques fixés, la transparence dans les processus de décision, ainsi que la capacité à mobiliser des ressources adéquates pour atteindre ces objectifs. En l’absence de cette volonté politique, on assiste souvent à une stagnation des réformes, à une corruption systémique, et à une méfiance croissante de la part de la population envers les institutions gouvernementales. Les conséquences sont désastreuses : le désenchantement des citoyens et une incapacité à faire avancer le pays.

GH : Vous dites que la pauvreté ne se partage pas, mais cela va à l’encontre du principe de la solidarité et du maxime de l’union fait la force ?

FL : L’assertion selon laquelle « la pauvreté ne se partage pas » ouvre un débat sur la question de la solidarité. Bien que le proverbe « l’union fait la force » évoque l’idée de coopération et d’entraide, il est impératif de reconnaître que la pauvreté est une réalité individuelle qui peut être exacerbée par les inégalités structurelles. La lutte contre la pauvreté nécessite des interventions ciblées qui vont bien au-delà d’une simple approche de solidarité. Il s’agit de s’attaquer aux racines profondes de la pauvreté, en garantissant des opportunités équitables à tous les niveaux de la société.

GH : Vous parlez de rédevabilité, de transparence et d’autres concepts de ce genre dans une société, la nôtre, qui s’est construite sous le sceau du secret, de cloisonnement, d’une pudeur des chiffres. Comment ne pas s’étonner que ces réalités aient difficile à s’implanter ?

FL : Les principes de redevabilité et de transparence sont des éléments essentiels d’une gouvernance démocratique et saine. Cependant, dans un contexte où le secret et le cloisonnement prédominent, l’implantation de ces notions se heurte à de nombreux obstacles. Les structures de pouvoir traditionnelles résistent souvent à l’ouverture, rendant difficile l’accès à des informations cruciales. Pour surmonter ces barrières, il est fondamental de promouvoir dès le plus jeune âge une culture de la transparence, en intégrant ces valeurs dans l’éducation et en sensibilisant les citoyens à leur importance.

GH : N’êtes-vous pas peuplé juste des bons sentiments de croire que le paradoxe Congolais, de pays-riche et de population pauvre, puisse se résorber grâce à une éducation, par l’école qui elle-même reproduit son rôle de fabriquer des personnes qui viennent consolider le rôle historique des pays à matières premières sans valeur ajoutée ?

FL : L’idée selon laquelle l’éducation pourrait résoudre le paradoxe congolais, qui juxtapose un pays riche en ressources à une population en grande partie appauvrie, est séduisante mais peut apparaître comme idéaliste. En effet, si le système éducatif continue de perpétuer des schémas historiques sans ajouter de réelle valeur, il risque de ne rien changer à la situation. Pour que l’éducation devienne un véritable levier de transformation, elle doit favoriser la pensée critique, l’innovation, et inclure des connaissances sur la gestion des ressources naturelles, ainsi que sur l’entrepreneuriat, pour encourager les jeunes à devenir des acteurs de changement.

GH : Beaucoup d’africains sont d’avis que les pays peuvent s’en sortir à condition de sortir du système de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) qui sont des instruments de domination et de perpétuation du modèle néo-colonial ?

FL : Les critiques émises à l’égard des institutions financières internationales, telles que la Banque Mondiale et le FMI, soulignent une perception d’imposition d’un modèle néo-colonial qui entrave le véritable développement. La possibilité d’une libération de ces systèmes pourrait offrir aux pays africains dont la RDC l’opportunité de redéfinir leurs propres stratégies de développement. Toutefois, cela nécessite une volonté politique robuste et la capacité à mobiliser des ressources internes, afin de réduire la dépendance extérieure qui a trop longtemps entravé la souveraineté nationale. Pour la suite, lisez l’intégralité de sa dernière tribune.

Propos recueillis par WAK

RDC : La pauvreté ne peut être partagée, mais la richesse peut l’être (Sénateur Prof Faustin Luanga)
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1.- Introduction

La République Démocratique du Congo (RDC), riche en ressources naturelles, se trouve paradoxalement confrontée à une pauvreté persistante qui touche une grande partie de sa population. Ce contraste soulève une question cruciale : comment une nation dotée d’une telle abondance peut-elle connaître une telle privation ? La réponse réside dans la création, la gestion et la redistribution des richesses. La pauvreté, contrairement à la richesse, est un fardeau qui ne peut être partagé ; elle se vit de manière individuelle et collective, mais ne peut être diluée. En revanche, la richesse, si elle est générée et redistribuée équitablement, peut devenir un levier puissant pour atténuer la pauvreté. Dans cette note, j’explore l’utilisation des ressources financières en RDC, j’identifie les priorités légitimes à considérer et je plaide pour un changement de paradigme qui permettrait d’atténuer la pauvreté en redistribuant équitablement la richesse.

2.- L’utilisation des ressources financières en RDC

La RDC possède d’immenses ressources naturelles, allant des minerais précieux et stratégiques comme l’or, le diamant, le cuivre, le coltan, le cobalt, etc., à l’eau, aux vastes forêts et terres arables. Malgré cette richesse, la majorité de la population vit dans une extrême pauvreté. L’une des raisons de cette disparité réside dans la mauvaise gestion des ressources financières générées. Les revenus tirés des exportations minérales, par exemple, ne sont souvent pas réinvestis dans le développement des infrastructures, l’éducation ou la santé. Au lieu de cela, une part significative de ces fonds est siphonnée par la corruption, les détournements de fonds et les conflits d’intérêts. Les multinationales, souvent en collusion avec les élites locales, profitent de cette situation, laissant les communautés environnantes dans la pauvreté.

En outre, des faiblesses au niveau de transparence dans la gestion budgétaire et financière empêchent une véritable reddition de comptes. Les gouvernements successifs ont souvent privilégié des intérêts personnels ou partisans au détriment du bien-être collectif. Ce constat met en lumière la nécessité d’une réforme structurelle dans la gestion des ressources publiques. Ainsi, il est essentiel de réévaluer l’utilisation de ces ressources pour garantir qu’elles bénéficient réellement à l’ensemble de la population.

3.- Les priorités authentiques et légitimes

Pour combattre la pauvreté en RDC, il est impératif d’établir des priorités qui répondent aux besoins fondamentaux de la population. L’éducation, par exemple, doit être une priorité absolue. En investissant dans l’éducation (dans l’Homme), on offre aux jeunes les outils nécessaires pour sortir de la pauvreté et participer activement au développement du pays. De même, l’accès à la santé doit être amélioré, car une population en bonne santé est plus productive et capable de contribuer au développement économique.

En outre, le développement des infrastructures est crucial. Des routes, des rails, des ports, des aéroports, des écoles, des hôpitaux et des tribunaux adéquats sont nécessaires pour faciliter l’accès aux services essentiels. La création d’emplois à travers le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) peut également jouer un rôle central dans la lutte contre la pauvreté, en offrant aux individus une source de revenus durable.

De surcroît, l’agriculture, capable de pourvoir aux emplois massifs, devrait être soutenue en tant que pilier de l’économie. En investissant dans l’agriculture, la RDC peut non seulement assurer sa sécurité alimentaire, mais également créer des emplois et générer des revenus pour les familles. Enfin, la transparence et la bonne gouvernance doivent être promues pour bien gérer les ressources du pays, et restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions.

4.- Un changement de paradigme

La RDC se doit d’adopter un nouveau paradigme de développement, basé sur une gestion transparente et équitable des ressources. Cela implique la mise en place de structures de gouvernance qui favorisent la responsabilité, la redevabilité, l’évaluation, le contrôle, la sanction et la participation citoyenne. La société civile, les communautés locales et les organisations non gouvernementales doivent être consultées et si possible impliquées dans le processus de décision pour garantir que les priorités reflètent les besoins réels de la population.

De plus, la sensibilisation à l’importance d’une redistribution équitable des richesses doit être renforcée. Les citoyens doivent comprendre que la richesse générée par les ressources naturelles peut et doit être utilisée pour améliorer leurs conditions de vie. Cela nécessite une volonté politique forte et un engagement à long terme pour transformer la réalité économique de la RDC.

Il est nécessaire d’agir. Lors de cette session budgétaire au Sénat, il est essentiel d’examiner attentivement le projet de budget présenté par le gouvernement. Les décisions prises aujourd’hui auront un impact durable sur les générations futures. Il est impératif d’allouer les ressources de manière stratégique, en tenant compte des priorités mentionnées ci-dessus. Que des crédits alloués soient impérativement décaissés et affectés aux objectifs pré assignés. La population congolaise mérite un avenir où la richesse générée profitera à tous et où la pauvreté deviendra un souvenir du passé.

5.- Conclusion

La RDC a le potentiel de transformer sa richesse naturelle en un levier de développement durable. Cependant, cela nécessite une volonté politique forte, des réformes profondes et un engagement à redistribuer équitablement les ressources financières. La pauvreté ne peut être partagée, mais la richesse, elle, peut l’être. Il est urgent de générer une abondance de richesses et de les redistribuer de manière équitable pour atténuer la pauvreté. L’utilisation actuelle des ressources financières en RDC doit être réévaluée, avec un accent sur l’éducation, la santé, la justice, la promotion de l’agriculture, et le développement des infrastructures. La session budgétaire actuelle est une opportunité unique de réorienter les priorités vers des investissements légitimes et authentiques qui contribueront à l’éradication de la pauvreté et à la prospérité collective. Ce serait la bonne manière d’honorer les six engagements du Chef de l’Etat au peuple congolais qui l’ont élu massivement en décembre 2023.

Faustin Lwanga

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