Au moment où la Convention des Nations Unies sur la Biodiversité COP 16 tend vers sa fin, l’Afrique entend peser dans les négociations. Depuis le 21 octobre, les délégués de différents pays du monde se sont retrouvés à Cali en Colombie pour des discussions autour de la préservation de la biodiversité. Les assises se clôturent le 1er novembre.
L’Afrique compte une riche diversité biologique. Le continent recèle le quart des espèces de mammifères, un cinquième des oiseaux et un sixième des végétaux de la planète. Selon certains chercheurs, la forêt tropicale africaine, le Bassin du Congo, est maintenant classée première, devant l’Amazonie parce qu’elle séquestre plus de dioxyde de carbone par hectare par an. Les écosystèmes du continent africain constituent un élément redoutable d’une soft power diplomatique qui permettraient à l’Afrique de peser dans les négociations internationales sur la biodiversité COP 16. Un rendez-vous de décideurs au cours duquel l’Afrique devrait parler d’une même voix, selon Charly Facheux, vice-président de l’African Wildlife Foundation (AWF), une ONG, leader mondiale, spécialisée dans les questions de conservation de la nature. « J’ai l’avantage et l’opportunité d’être témoin de plusieurs COP (conférence de l’ONU sur le climat) et je peux vous dire que de plus en plus, l’Afrique fait l’effort de parler d’une seule voix », a-t-il dit à Géopolis Hebdo.
A en croire Facheux, le continent africain s’est rendu à l’évidence de la nécessité d’avoir une harmonisation de points de vue lorsqu’il s’agit de négocier autour des questions à enjeu mondial telle que la préservation de la nature ou la lutte contre le changement climatique. « L’Afrique a commencé à avoir un groupe qu’on appelle le groupe des négociateurs qui se mettent en place et qui discutent des thématiques importantes pour avoir des points de vue communs. Et l’AWF depuis un certain temps, avec d’autres partenaires, on a contribué à mettre en place et à renforcer ce groupe-là. Vous vous rendez compte également qu’il y a à peu près 2 ans, lors de la Convention du travail qu’on a fait sur les aires protégées, l’idée était toujours de pouvoir avoir des positions communes. On sent évidemment, il est clair que ce ne sera toujours pas le cas, mais ce qui est important, c’est de se rendre compte que l’Afrique a traversé la période où elle se rend compte que, on est plus fort ensemble, on va plus loin ensemble ».
Lors de la dernière Convention des Nations unies sur la biodiversité, COP 15, tenue au Canada, la République Démocratique du Congo, par exemple s’était déclaré déçue par l’accord issu des pourparlers. En réalité, malgré l’engagement principal de tous les pays à préserver 30% des terres d’ici 2030, et malgré la promesse de mobiliser d’ici 2030, 30 milliards de dollars américains pour financer la protection des ressources naturelles africaines, le doute persiste quant à la volonté réelle des pays développés à respecter ces engagements. « La question de l’attribution des financements est assez importante, et c’est même très souvent le cœur des débats… L’Afrique a maintenant clairement déterminé les moyens dont elle a besoin pour mettre en place sa politique. Un des éléments qui était très souvent mis au passif de l’Afrique, c’était l’absence d’une évaluation claire de nos besoins en terme d’implémentation des stratégies nationales. Cela n’est plus le cas. Je pense que les pays africains ont fait ce travail énorme de développer des stratégies nationales et de les évaluer. Maintenant, le problème, c’est de mettre en place les stratégies pour attirer le maximum des ressources. J’ai dit également que l’Afrique a changé d’approche également, nous ne partons plus à ce genre de discussions comme des demandeurs et c’est ça qui est assez important. Je pense que l’Afrique se doit de se positionner en un ayant-droit naturel, mais ce qui est vraiment important, c’est que l’Afrique doit pouvoir démontrer sa capacité à gérer les financements si elles arrivent. Ça, c’est une question qui a souvent été est posée et je pense qu’il est important de démontrer également qu’on a aussi mis en place des mécanismes non seulement de pouvoir recevoir, mais de pouvoir les gérer de façon claire et optimale. Et surtout de faire en sorte que les bénéficiaires finaux, qui sont les communautés, reçoivent les financements », a argumenté Charly Facheux. Lui veut y croire. « En parlant d’une même voix, l’Afrique devient une force assez importante ».
Mais par le passé, le continent africain avait fait une expérience amère : l’Afrique n’avait bénéficié que de 7% du Fonds pour l’environnement mondial (GEF). Un quota inférieur à celui de la Chine. Pour les 30 milliards de dollars à mobiliser, il n’y a pas encore de clés de répartition, assure Charly Facheux. Selon lui, tout dépendra des négociations et des forces en présence. « Tout dépendra des éléments qui sont mis sur la table et des éléments clairs et justes. L’Afrique a compris cela et a commencé à développer les stratégies nationales. Ça c’est la première chose et c’est ce qui est important. Mais maintenant, cette stratégie ne doit pas être seulement des stratégies théoriques, il faut qu’elle soit basée sur des faits clairs et précis ». Pour Charly Facheux, l’Afrique doit faire des propositions compétitives. « L’Afrique a la solution. L’Afrique doit pouvoir implémenter cette solution-là et faire en sorte que la solution qui est proposée soit suivie par les autres ».
Charly Facheux estime qu’au final, la question de financement est peut-être secondaire à la question d’échanges d’information et de partage d’expérience entre communautés d’Afrique et d’ailleurs. Pour lui, la Convention sur la biodiversité à venir en Colombie est une occasion d’échanges interculturels, parce que la préservation de la biodiversité est une question cruciale pour l’humanité toute entière.
Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com