La région des Grands Lacs est peut-être en train de vivre un tournant dans la crise qui l’étreint depuis plus de 30 ans.
Le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) ont accepté de s’abstenir de fournir un soutien militaire d’État aux groupes armés non étatiques de l’autre pays à l’intérieur et au-delà de leurs frontières, dans une déclaration de principes signée sous les auspices d’un accord négocié par les États-Unis vendredi.
L’accord, signé à Washington et facilité par le secrétaire d’État américain Marco Rubio, ouvre la voie à un éventuel accord de paix entre les deux pays, qui s’accusent depuis longtemps de soutenir les rebelles de l’autre. L’un des premiers à s’extasier sur l’éventualité d’un accord de paix, c’est Donald Trump lui-même. Dans un style propre à lui, le président américain a déclaré : « »De grandes nouvelles nous parviennent d’Afrique, où je suis également impliqué dans la résolution de guerres et de conflits violents. J’ignore pourquoi tant de ces événements sont tombés entre mes mains et celles de mon administration, mais ils le sont, et nous avons accompli un travail sans précédent pour les régler ou les mettre en place pour la paix. »
Le Rwanda et la RDC ont accepté de « s’engager à explorer la création d’un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité pour lutter contre les groupes armés non étatiques et les organisations criminelles qui menacent les préoccupations légitimes des participants en matière de sécurité », selon une partie de l’accord.
Dans cette ébauche d’accord, qui est considéré comme un moyen de mettre fin aux hostilités dans la région agitée de l’est de la RDC, les deux pays se sont également engagés à « reconnaître mutuellement leur souveraineté et leur intégrité territoriale et à s’engager sur la voie de la résolution de leurs différends par des moyens pacifiques fondés sur la diplomatie et la négociation plutôt que sur la force hostile ou la rhétorique ».
Cette ébauche d’accord est intervenu deux jours après un dialogue face à face entre les rebelles de l’AFC/M23 et le gouvernement de la RDC, sous la médiation du Qatar, qui a débouché sur un cessez-le-feu entre les deux parties.
Le Rwanda a été largement accusé de soutenir les rebelles du M23, qui ont envahi et pris deux grandes villes de l’est de la RDC – Goma et Bukavu – au cours des trois derniers mois et ne montrent aucun signe de ralentissement.
Ce dernier développement est considéré comme un répit important, en particulier pour les habitants de l’est de la RDC, qui n’ont pas connu la paix depuis des années et dont des centaines de milliers vivent dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Sauf qu’il ne faut pas se réjouir vite. La région n’est pas à l’abri d’un retournement de situation ou un non respect des engagements. Il y a quelques mois, en novembre 2024, Kigali et Kinshasa, avaient réussi à lancer, à Goma, un
Mécanisme de vérification Adhoc renforcé. La présence à Goma, du ministre Rwandais des affaires étrangères Olivier Nduhungirehe avait nourri l’espoir de paix. Mais toute l’architecture pour la paix s’était écroulée quelques jours après la belle initiative. Il y a une dizaine d’années, les États des Grands Lacs, le Rwanda et la RDC y compris, avaient signé l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, mais les engagements pris par des États sont restés sur le papier. Les bruits de bottes n’ont cessé que le temps de quelques années.
Dans le cadre de la déclaration de principes entre le Rwanda et la RDC signé à Washington, les deux parties se sont également engagées à faciliter le retour volontaire et en toute sécurité des personnes déplacées à l’intérieur du pays vers leur lieu de résidence d’origine dans l’est de la RDC, ainsi que des réfugiés congolais.
La RDC et le Rwanda se sont également engagés à rédiger un accord de paix d’ici le 2 mai, un objectif qui semble désormais à portée de main compte tenu du récent dégel des hostilités et de la rhétorique de toutes les parties.
« Aujourd’hui ne marque pas une fin mais un début, une étape nécessaire vers la paix, franchie avec détermination. Ce moment revêt une importance particulière pour la République démocratique du Congo », a déclaré Therese Kayikwamba Wagner, ministre des affaires étrangères de la RDC, après avoir signé la déclaration.
« À Goma, à Bukavu et au-delà, la réalité des déplacements, de l’insécurité et des difficultés se poursuit. Pour nous, l’urgence de cette initiative n’est pas théorique, elle est humaine.
« Nous sommes clairs dans la région des Grands Lacs : la paix doit venir en premier, suivie par le rétablissement de la confiance, et ensuite – seulement lorsque les conditions sont réunies – la réouverture prudente d’une voie vers une coopération bilatérale significative. Trop d’efforts passés ont échoué parce que l’ordre des étapes a été ignoré et que la responsabilité a été reportée », a-t-elle ajouté.
Le ministre rwandais des affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a noté que l’accord marque une étape importante dans la résolution des problèmes de sécurité actuels de la région qui, s’ils sont résolus, pourraient libérer son potentiel économique.
« Aujourd’hui, nous parlons des vraies questions, des causes profondes qui doivent être traitées pour parvenir à une paix durable dans notre région. Il s’agit avant tout de la sécurité et du retour des réfugiés.
« En outre, et c’est très important, nous discutons de la manière de construire de nouvelles chaînes de valeur économiques régionales qui relient nos pays, y compris avec l’investissement du secteur privé américain. Notre objectif est de créer une région sûre, exempte d’extrémisme ethnique violent et bien gouvernée. En travaillant ensemble, notre région peut être un moteur de prospérité pour tous nos peuples et, en fait, pour l’Afrique dans son ensemble », a déclaré Nduhungirehe.
La sécurisation de la partie orientale de la RDC devrait débloquer d’importantes opportunités d’investissement, « y compris celles facilitées par le gouvernement américain et le secteur privé américain, visant à transformer l’économie régionale au profit de tous les pays participants ».
Les États-Unis ont récemment signé un accord sur les minéraux avec la RDC et seraient en train de conclure un accord similaire avec le Rwanda. La résolution des hostilités dans cette région riche en minerais – qui recèle des ressources telles que le tantale et l’or – est considérée comme essentielle pour garantir les investissements et les intérêts du gouvernement américain dans la région des Grands Lacs.

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com