Communauté d’Afrique de l’Est I Quand une taxe Tanzanienne menace le commerce régional  

Le rêve de la communauté d’Afrique de l’Est d’avoir un marché ouvert à 8 pays membres est-il une chimère qui s’effondre face à la réalité ? Il y a comme une tendance au protectionnisme au sein du marché d’Afrique de l’Est. Le dernier exemple de sorte d’entrave à l’intégration régionale est l’introduction par la Tanzanie dans sa loi de finances un nouveau droit d’accise sur les marchandises provenant des autres États membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE). Sur le papier, cela ressemblait à une simple modification fiscale. En pratique, cela a porté atteinte au cœur même du rêve d’intégration de la CAE, puisque la taxe de 400 shillings tanzaniens (TZS) par kilogramme sur les allumettes importées, ciblant les produits originaires des États partenaires de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Cette taxe jugée disproportionnée a déjà entraîné une hausse de 2 000 TZS par carton de 1000 boîtes d’allumettes, alourdissant les budgets des ménages et perturbant les chaînes d’approvisionnement régionales.

La nouvelle mesure des autorités Tanzaniennes a poussé l’entreprise victime de la nouvelle taxe à réagir. 

Le 24 septembre 2025 – Match Masters Limited, le plus grand fabricant d’allumettes de sécurité en Afrique de l’Est, a déposé une requête urgente auprès de la Cour de Justice de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CJCAE) contre le gouvernement de Tanzanie, contestant l’imposition d’une nouvelle taxe d’accise.

Ainsi, la communauté d’Afrique de l’Est qui fait déjà face à de nombreux défis pour une réelle intégration régionale comme, la faiblesse des infrastructures routières et ferroviaires reliant les pays membres, le manque d’harmonisation administrative et douanière, la nécessité de réformes structurelles pour adapter le cadre réglementaire au standard régional, doit maintenant faire avec une volonté excessive de certains pays membres à trop protéger leur intérêt au détriment de l’intégration économique dans la région.

Match Masters, dont les marques populaires Kasuku, Tinga et Paka sont largement utilisées en Afrique de l’Est, soutient que la nouvelle mesure de la Tanzanie viole le Traité de la CAE. Plus précisément, les articles 75(4) et 75(6), qui interdisent l’introduction de nouvelles barrières fiscales et prohibent le traitement discriminatoire des produits en provenance des États partenaires.

Kushal Shah, Directeur Général de Match Masters Limited prévient : « …Si tous les États partenaires de la CAE imitent ce que fait la Tanzanie, les plus grands perdants seront les citoyens ordinaires d’Afrique de l’Est, en particulier les familles à faible revenu, qui devront payer plus cher pour quelque chose d’aussi basique qu’allumer un réchaud ou un feu« .

Pour plusieurs dans la région, la taxe discriminatoire de la Tanzanie constitue une barrière douanière déguisée pour les 300 millions d’habitants de la région, sapant la libre circulation des biens au sein de la CAE et créant un dangereux précédent pour d’autres produits.

Pourtant, la CAE vise à favoriser l’intégration régionale à travers : une union douanière, un marché commun, une union monétaire à venir et à long terme, une fédération politique.

Ce n’est pas la première fois que la CJCAE est appelée à défendre le commerce régional. En 2020, la Cour est intervenue dans une affaire similaire lorsque le fabricant tanzanien de verre Kioo Limited a contesté la taxe d’accise de 25% imposée par le Kenya sur les bouteilles en verre importées. La Cour a émis une ordonnance provisoire suspendant cette taxe, invoquant le risque de préjudice irréparable et la violation du Traité de la CAE.

Pour certains analystes, la problématique de la nouvelle taxe et le fait que cette question soit sur la table de la CJCAE constitue « un test pour l’unité régionale ». « Les citoyens d’Afrique de l’Est s’attendent à ce que leurs gouvernements respectent l’esprit du Traité de la CAE. Nous gardons l’espoir que la Cour interviendra rapidement afin de prévenir de nouveaux préjudices pour les familles, les entreprises et l’intégration régionale », a indiqué Kushal Shah.

Dans même veine de protéger l’économie intérieure, la Tanzanie a interdit, fin juillet, aux non-citoyens d’exercer dans 15 secteurs économiques clés, incluant le petit commerce, les transferts d’argent mobile, la réparation de téléphones, les salons de beauté, le guidage touristique, les services de nettoyage ou la gestion de radios et télévisions.

La RDC s’apprête à appliquer aussi cette mesure concernant le petit commerce, conformément aux lois Congolaises. Le gouvernement a fixé au mois de novembre l’application de cette mesure.

Patrick Ilunga

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *