Le 23 janvier 2025, l’Amphithéâtre B1 de la Faculté de droit de l’UPEC à Paris Créteil a accueilli un colloque international rassemblant des juristes, des politologues et des acteurs de la société civile pour discuter de la révision et du changement de constitution dans le contexte africain, avec un accent particulier sur la République Démocratique du Congo.
Cet événement a mis en lumière des enjeux cruciaux qui transcendent la simple question de la structure constitutionnelle et touchent à des problématiques plus larges de gouvernance, de responsabilité et de respect des droits humains. L’élite congolaise semble souvent transférer sur la constitution les échecs liés à la gestion humaine. C’est le constat qui s’est dégagé des révisions passées.
Cette tendance peut être interprétée comme une stratégie pour éviter de traiter les problèmes systémiques profondément enracinés dans le paysage politique et social du pays. En effet, la constitution est souvent perçue comme un bouclier contre les critiques, permettant aux dirigeants de se dédouaner de leurs responsabilités en imputant les dysfonctionnements à des lacunes juridiques.
Plutôt qu’à des déficiences dans le leadership ou la gestion des ressources humaines, un des points saillants du colloque a été la question de la sacralisation de la constitution. Pourquoi celle-ci n’est-elle pas respectée avec la rigueur nécessaire pour garantir l’indépendance des institutions ? La réponse réside dans une culture politique où le pouvoir est souvent synonyme de manipulation.
Dans de nombreux cas, les constitutions sont perçues comme des documents adaptables aux besoins des dirigeants en place, plutôt que comme des instruments inaliénables garantissant les droits et libertés des citoyens. Cette flexibilité, qui devrait être un atout, devient une faille dans l’architecture globale du pouvoir. C’est d’ailleurs l’une des principales sources des instabilités politiques.
À la lumière de ces réflexions, se pose la question de ce que devrait contenir une nouvelle constitution que les constitutionnalistes congolais n’ont pas pu envisager dans l’ancienne. Premièrement, il est crucial d’intégrer des mécanismes de contrôle plus robustes pour assurer la responsabilité des dirigeants. Cela pourrait inclure des dispositions sur la transparence budgétaire.
Mais aussi la lutte contre la corruption et des mesures renforcées pour protéger les droits des citoyens. De plus, une plus grande décentralisation du pouvoir pourrait permettre une meilleure représentation des divers groupes et régions du pays, favorisant ainsi une gouvernance plus inclusive. L’histoire récente de la RDC montre que les dirigeants ont souvent trouvé des moyens de contourner les règles établies.
Cependant, une question subsiste : quelles garanties le peuple congolais a-t-il que le nouveau régime ne cherchera pas à exploiter des failles dans la constitution pour justifier une révision ultérieure ? Pour éviter cela, il est essentiel d’instaurer des mécanismes de protection, comme des clauses d’irrévocabilité pour certains droits fondamentaux, et d’encadrer strictement le processus de révision constitutionnelle.
Une implication active de la société civile dans le processus constitutionnel est également indispensable pour assurer que les voix des citoyens soient entendues et respectées. Le colloque a ouvert des pistes de réflexion sur la nécessité d’un changement de paradigme dans la manière dont la constitution est envisagée et appliquée en RDC.
La constitution ne doit pas être un simple document à usage politique, mais un véritable contrat social qui engage l’État envers ses citoyens et garantit leurs droits. Si la nouvelle constitution est conçue avec une vision claire de la responsabilité, de la transparence et de la participation, elle pourrait effectivement devenir un outil puissant pour la transformation du paysage politique congolais.

Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR