Dans une interview exclusive accordée à Géopolis Hebdo, l’Ambassadeur André Alain Atundu, est largement revenu sur la situation qui prévaut actuellement au sein de la coalition au pouvoir FCC-CACH. En sapeur pompier, l’ancien porte-parole de la majorité présidentielle MP, a invité les sociétaires de ces deux plateformes politiques à privilégier l’intérêt supérieur du pays. Pour lui, l’accord de coalition doit être appliqué de bonne foi, pour susciter la confiance dans le chef des uns et autres. Quant à ceux qui appellent à tord à la dissolution de l’assemblée nationale, Atundu Liongo les invite à revoir leurs calculs. (Interview)

Géopolis Hebdo/ Vous avez, au cours d’un point de presse tenu récemment, adressé un message aux deux présidents de deux plates-formes au pouvoir, le Président Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila, message portant la sauvegarde de la coalition. Quels sont vos arguments pour ce faire ?

M. Alain Atundu : Merci. L’argument de base c’est le texte de l’accord. Le FCC et le CACH se sont réunis à l’initiative du Président Tshisekedi et le président Kabila pour qu’ensemble, ils puissent gouverner le pays pendant le mandat du Président Tshisekedi. Il se fait qu’en un an et demi presque, on a rien fait en commun. Sinon de sortir un gouvernement. Et donc, aujourd’hui mettre fin à cette alliance, c’est comme désavouer le Président Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Quels sont les éléments ? Voilà pourquoi je dis : ne fouillons pas les difficultés, c’est une œuvre humaine, une alliance entre partenaires politiques qui ont chacun ses objectifs. Et bien, remettons nous ensemble pour que nous puissions exécuter ce que nous avons promis au peuple de faire ensemble.

GH/Que dite-vous de l’opinion publique qui pense que la Coalition FCC-CACH est un bateau qui va bientôt chavirer ?

A.A : Ce n’est pas comme ça que moi je vois les choses. Nous sommes plutôt dans une coalition qui connait des ratés, et aujourd’hui j’ai comme l’impression que nous quittons le cap qui est d’améliorer la situation économique du pays, renforcer la sécurité interne et le long des frontières. Aujourd’hui, c’est comme si la coalition est là pour des invectives, pour le règlement des comptes, les contestations. Pourquoi pas le dire, chercher à dissoudre l’assemblée nationale, destituer le Président de la République … c’est une fausse impression des gens. Nous devons revenir aux fondamentaux de l’accord. Gouverner ensemble en vue d’atteindre les objectifs ci-haut définis pour le bien du peuple congolais et notre démocratie.

GH/Espérez-vous que cette coalition fera long feu ?

AA : Je n’ai pas à espérer, mais je suppose que nous sommes des hommes de conviction. C’est une coalition qui part d’une conviction. Et la conviction doit s’exprimer à travers les engagements, voilà pourquoi j’encourage. Dire aujourd’hui que personne ne veut de la coalition. Ce n’est pas traduire la réalité des choses.

GH /Aujourd’hui, l’initiative politique semble être paralysée par la crise de la pandémie de la Covid-19. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

AA : Non. Je ne pense que la pandémie ait paralysé le pays. Elle a ralenti le rythme économique et désorganisé certains aspects. Mais, c’est justement là où nous devons montrer notre géni politique à savoir : comment réaliser les trois objectifs que je vous ai cités. Les objectifs qui sont à la base de la coalition alors que nous vivons une pandémie. Et je dois dire qu’en termes relatifs, nous ne vivons pas le même drame ou la même tragédie comme les Etats-Unis. Nous n’avons pas encore atteint 1000 morts après trois, quatre mois. Alors qu’aux Etats-Unis, c’est 2000 morts au moins par jour. Donc, nous devons au contraire en fonction de cette pandémie, essayer de rééquilibrer, de faire comme on dit un large lamento de notre calendrier politique. N’est pas ? Pour que nous puissions sauver l’essentiel. L’essentiel, c’est comme je vous l’ai dit, c’est la sécurité de nos frontières, la stabilité sociale et l’émergence économique.

GH/Que pensez-vous de ceux qui proposent la dissolution de l’Assemblée Nationale ?

AA : Ceux qui proposent la dissolution de l’Assemblée Nationale sont soit des fins calculateurs politiciens, soit des brillants ignorants. Vraiment excusez-moi des brillants ignorants qui proposent par naïveté ne connaissant pas les conséquences. La première des conséquences si l’on dissout le parlement, c’est qu’il faut organiser les élections dans un délai des 90 jours ou quelques choses comme ça. Avons-nous les moyens ? Lorsque je me réfère à l’expérience du régime passé, pour avoir 400 millions USD, il a fallu au gouvernement de réserver chaque fois 30 millions USD par mois. Aujourd’hui en trois mois, quelle que soit notre volonté, on ne va pas dépasser les 10 Millions USD. Vraiment, soyons réalistes. Donc, c’est une proposition surréaliste. Et en plus, les résultats de ces élections parviendront-ils à dégager une autre majorité ou une majorité certaine ? Ou ce sera une constellation des grandes minorités ou des petites majorités ? Ce qui va rendre encore le pays encore plus ingouvernable. Aujourd’hui, le pays est dans une position de gouvernabilité idéale compte tenu des résultats des élections. On a d’un côté un partenaire le FCC, et d’un autre coté un autre partenaire CACH. Le CACH a un Chef de l’Etat. Et l’ambition du FCC n’est pas d’évincer le Chef de l’Etat. Et le Chef de l’Etat a un partenaire qui a la majorité. Donc, il est raisonnablement que son objectif ne devrait pas être de ne pas détruire cette majorité. Parce que c’est cette majorité qui s’est engagé à l’accompagner durant son mandat pour réaliser les objectifs qu’ils ont fixés en commun.

GH/Que pensez-vous des ceux qui proposent la réforme de la CENI avant la désignation des animateurs ?

AA : Qui les proposent ? Il y a la société civile, les confessions religieuses, les 13 personnalités. Moi, ce qui m’étonne, c’est l’urgence de cette réforme ou la priorité de cette réforme intervient après le débat sur la présidence, la désignation de Malonda. Alors, on s’est dit : ils n’avaient pas bien réfléchi ou ils ont été surpris par les événements. Et ils voudraient bien se reprendre. Quoi qu’il en soit, les institutions de la république, que ce soit la CENI, que ce soit le parlement, sont assez outillés pour résoudre ce problème dans ce cas d’espèces. Quel est le problème ? Il nous faut un président. Alors, on organise les élections d’après le texte. Quel est le problème ? Il nous faut réformer la CENI. Alors, l’initiative doit provenir soit de la CENI elle-même, soit du parlement. En moins qu’on organise un référendum. Alors sur le plan pragmatique, faisons de la real politik, est-ce que nous allons passer notre temps à organiser des élections et aller des concertations en concertations sans être sur d’avoir comme résultat la sérénité dans la gouvernance du pays ? Ce n’est pas parce qu’il pleut et qu’il ne faut plus voyager. Qu’il neige ou que la canicule soit là, il faut avoir la volonté de continuer votre chemin. Mais sinon, au moment du bilan qui n’est pas loin, nous n’aurons que nos yeux pour pleurer, nos voix pour nous lamenter et nos bras pour exprimer notre désespoir.

GH/De votre expérience politique, que faire pour sortir le pays de cette impasse politique ?

AA : Il faut d’abord revenir aux fondamentaux des relations humaines. Et en matière politique, il y a un principe qui dit que tous les contrats et les pactes doivent être appliqués de bonne foi pour susciter la confiance. Si notre accord est appliqué de bonne foi, il y aura confiance. De bonne foi ne signifie pas qu’il n’y aura pas de problèmes. Mais au moins, les problèmes vont se surveiller comme un obstacle visible à tous.

Propos recueillis par Djodjo Mulamba et Nenette Ntumba

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