Une forte pensée m’avait habité à l’issue du premier festival mondial du tourisme et de la musique tenue à Kinshasa le mois passé. Ce sont les propos du ministre du tourisme Didier Mpambia qui nous avait emballés par sa plaidoirie pour le développement du tourisme national, que les congolais se décident de visiter leur pays en profondeur, qu’ils découvrent les raisons supplémentaires d’aimer celui-ci et de le défendre. J’ai ressenti cet appel comme une interpellation personnelle. J’ai décidé de modifier la destination des vacances pour choisir le Kongo Central avec en prime la ville balnéaire de Moanda avec ses plages chaudes et toute la mythologie liée à histoire du Pays.
À partir du moment où la décision fut prise de partir en tourisme dans le pays, se sont vite invitées les questions logistiques de transport, du parcours vers les trois villes fortes de cette province. Nous sommes au nombre de 16 personnes, y compris des enfants dont un bébé. Nous décidons de louer un bus pour partir de Kinshasa vers Matadi avec une idée fixe, de nous arrêter le plus possible dans les différents villages, au long de la Nationale (la route) et de socialiser avec les compatriotes de ces différents coins du pays.
C’est fut une expérience inouïe d’avoir le point de vue des autres congolais que l’on ne regarde vraiment pas .
La Nationale numéro 1 porte ainsi des îlots de culture, des instantanés des destins achevés, des enfants qui tendent les mains avec ce que leurs terres produisent. De Kassngulu, Sonabata, Luila, Kisantu, Mbaza-Ngungu, Kimpese, Lukala, Kenge ….tous ces villages et arrêts sont animés par des femmes qui vendent des légumes et qui proposent des produits ayant des vertus médicinales. C’est souvent des petits enfants qui parlent avec une sagesse inouïe, ils sont heureux d’offrir leurs êtres sincères et authentiques aux voyageurs qui les regardent sans les voir.
Expérience exceptionnelle que de parler aux mamans, aux enfants et aux hommes qui ont décidé de vivre dans leurs encrages naturels en compagnie de la culture de leur ancêtres. Ils ont une patience à l’endroit de nous les citadins qui nous croyons arrivés car pouvant passer devant l’essentiel avec des bolides en toute vitesse.
Ce pays est plus que centenaire, il est constitué des endroits aussi riches et portant une forte vibration qu’au point d’instruire rapidement ceux qui défient les préjugés et se mettent à l’écoute de leur pays profond.
C’est en acceptant de voyager avec un nouveau regard sur le pays que l’on remarque les changements intervenus depuis quelques années. On avait peur de rencontrer des embouteillages monstres à l’entrée de Matadi, mais quelle heureuse surprise de constater que la ville de Matadi a maintenu le même horaire pour les gros camions poids lourds qui sont autorisés à circuler qu à partir de 22 heures. Matadi est urbanisé et la voirie est propre dans ces grandes artères. On sent que des efforts sont consentis pour améliorer des pans entiers de la vie communautaire. Nous passons notre première nuit à Matadi et on constate que la population est déterminée à éloigner les limites de la pauvreté.
Le lendemain nous reprenons la route pour Moanda via Boma en passant par le pont maréchal. C’est un plaisir de rouler sur une route totalement asphaltée, les travaux de réhabilitation sont presque terminés et la beauté du paysage s’impose au regard des voyageurs. Des petits villages pittoresques apparaissent dans le paysage comme dans des contes d’enfants, mais on se rend compte que le pays est inoccupé car des grands espaces sont dans l’état de leur origine. Boma se présente au regard de nous visiteurs comme une fille qui a retrouvé sa beauté. Avec son attraction touristique, qui est le Baobab de Stanley. D’ailleurs on se demande pourquoi il doit s’appeler Stanley car l’explorateur anglais l’avait trouvé aussi. Végétal de plus de 750 ans il s’impose comme une preuve de la force de l’histoire du pays.
Les enfants qui m’accompagnent sont fascinés par ce phénomène de la nature et s’interrogent sur l’histoire non dite du Congo.
Le ministre Didier Mpambia avait raison de demander ce tourisme de la reconnaissance du congolais par lui même, de trouver ses racines pour avoir des ailes, de conquérir d’autres univers. La voie qui mène à Moanda est balisée par une route complètement refaite et donne du confort voire, de la folie à des automobilistes qui parfois ratent des virages et se retrouvent dans le décor.

Moanda, on y arrive le second jour après notre départ de Kinshasa et les enfants sont pris par la fièvre de l’océan. Ils se sentent attirés par la frontière d’eau qui est en fait le pont entre les continents. Au bord de l’immensité de l’océan, l’homme se sent petit face aux forces de la nature et il comprend qu’il est juste un faible maillon dans la trame de cette création. Des jeunes venus de toute contrée, un vieux couple de plus de 80 ans, la femme tenant son homme à la main, l’amène vers la plage pour une étreinte de fin de vie peut-être, malgré ses difficultés de marche, il est debout attiré par l’esprit qui plane sur les eaux.
Un lien semble unir tous ces vacanciers qui prennent conscience de leur pays et de ses immenses beautés et richesses.
En venant au bout du pays là où le fleuve Congo rencontre l’océan, le congolais se sent lié à son histoire, à cette date où les premiers européens ont touché la terre Kongo. C’est cette histoire du peuple résistant qu’il faut enseigner aux enfants en les amenant sur les lieux même des opérations. Comment ne pas aimer son pays quand on est en accord avec les victoires du passé, les liens de combat pour le triomphe des amours nationales.
Au travers de ce combat pour le retour d’un tourisme de conscience, le ministre Mpambia a donné une chance à la vitalité nationale de monter au créneau. Les concepts de village touristiques, le génie de lier la musique à la découverte de la culture congolaise a joué sans doute dans ce succès des Léopards. Il aura joué à merveille le rôle de soldat puissant du commandant suprême.
Au moment de retourner à Kinshasa je me sens en harmonie avec cette terre, celle de nos ancêtres, ceux qui ont touché le feu sacré et qui nous demandent de ne pas tergiverser sur l’essentiel, garder les valeurs premières de notre civilisation, valeurs qui nous rattachent aux humanités diverses. Il avait vraiment raison, Didier Mpambia : le Congo profond est en train de changer. Il attend notre nouveau regard.
William Albert Kalengayi