Malgré la crise, malgré les difficultés économiques, les Congolais sont restés solidaires entre eux, en tout cas à leurs clans respectifs au point de partager le peu qu’ils ont pour que toute personne arrivée en vie à la Saint-Sylvestre puisse s’offrir même l’illusion d’une fête. Ceux qui ont décidé d’aller en périphérie de la ville ont sans doute constaté un phénomène suffisamment éloquent pour attirer l’œil du reporter observateur.
À partir de la commune urbano-rurale de N’sele jusque dans la municipalité voisine de Masina, plus précisément au Quartier 1, il était impossible de retirer des sous dans les offices de M-pesa qui est le plus grand système du coin. Toutes les boutiques qui offrent ce service étaient incapables de faire des retraits. Et pour cause, par manque de liquidités. Pendant deux jours, tout ce qu’il avait du cash a été raflé par une demande décuplée au centuple, car chaque famille, chaque jeune fille, chaque personne ayant un numéro téléphone avait reçu de la part d’un bienfaiteur un envoi pour faire face aux contraintes de la fête de fin d’année.
Les parents, les amis, un peu pourvus ont décidé de faire un geste pour tenir les autres par la main. Voilà, cette dame dont le frère est député, qui vit avec ces cinq enfants à Bibwa, un des quartiers populaires de la partie Est de la capitale congolaise. Il lui a envoyé trois-cent mille francs. Ça lui a permis d’acheter des habits de second usage à ses enfants. Habillés proprement, les voilà arpentant les allées du supermarché juste pour humer d’un peu de luxe et décomplexer ses enfants. La pomme, les raisins, ça sera pour une autre fois.
Ils sont résilients et ne peuvent pour rien au monde accepter qu’on leur enlève leur mode de vie, cette vie faite avec l’autre. Cette richesse des rencontres et cette âme d’enfant capable de continuer à avancer même quand le monde entier dit qu’il est le peuple le plus pauvre de la terre. Le Congolais est sans doute dépourvu de certaines choses mais il est riche de lui-même, de sa singularité, de sa joie de vivre avec un minimum de moyens. Il peut vociférer, crier contre ses dirigeants mais il sait que sa joie et sa paix dépendent de lui-même. Les voilà pour une fois capables de briser le tout puissant M-pesa qui ne sait répondre à la demande importante. Cette situation assez fugace est un prélude à la montée en puissance de ce peuple qui est aujourd’hui piétiné par le grand capital mais qui sera demain maître de son espace vital, car il aura accès aux forces qui gouvernent son destin.
En ce début du premier mois de l’année, ceux qui ont souffert c’est beaucoup plus les nantis qui avaient dépensé tout le cash et pensaient se ressourcer qui pour le carburant, qui pour un pourboire sur la route mais qui ont rencontré la phrase du jour, pas de retrait sur M-pesa.
Ce sont des moments rares pour être soulignés. Mais d’où sont venues ces sommes importantes ? De la solidarité entre Congolais, de ce lien qui unit ceux qui d’en haut et ceux d’en bas, ceux de droite et ceux de gauche. Ce lien infrangible est un héritage de la conscience historique qui alimente un peuple qui a eu un passé tragique mais qui est résolu d’aller jusqu’au bout du tunnel d’où jaillira la lumière.
