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Il fallait y être pour y croire, le mardi 20 août 2024, au Musée des sciences naturelles de Bruxelles quand un événement insolite s’y est déroulé. Il est presque midi, heure locale, quand une limousine noire entre dans l’enceinte du Musée et vient s’arrêter juste à l’entrée devant le monument d’un vieux dinosaure. Des hommes en noir, grands de taille, musclés, se rangent pour ouvrir la porte à un visiteur de marque. C’est le grand chef de Suku, Sa Majesté Mani Kongo, qui vient d’arriver. Il sort du véhicule en habit de Roi, avec tout l’attirail nécessaire. À côté de lui, un des accompagnateurs qui commence déjà à invoquer les grands esprits africains et à manifester la grandeur du Grand Roi.


Les responsables du Musée, accompagnés de Madame Leaty sont là pour accueillir l’illustre visiteur qui a effectué un si long voyage venant de Kinshasa. Pour saisir le sens de cet événement, il faut remonter dans l’histoire de la colonisation au Congo-Belge dans ses parties les plus tragiques.

En effet, entre 1940 et 1947, un administrateur du territoire dans le pays Suku avait décidé de rapatrier vers la Belgique les têtes des certaines personnes nobles au sein de la société (Suku). Pendant des années, des actes abominables graves furent commis sur des tombes avec des exhumations des cadavres, suivies des décapitations. Ceux qui étaient encore en vie et étaient soupçonnés d’avoir le vuka, ce pouvoir de maîtriser l’espace et la distance furent poursuivis, tués et décapités, leurs têtes conservées et envoyées en Belgique.

Plus d’une centaine de Congolais venus de toutes les ethnies ont subi ce sort macabre. Mais le cas des Suku fut emblématique car, près de 70 % de ces restes humains étaient constitués des membres de cette ethnie. Chose grave, ce fait est passé dans les cas divers de cette période. Il a fallu la détermination du Chef Mani Kongo et l’existence des scientifiques déterminés pour remettre le sujet en place et permettre au Congo de se manifester.

Aujourd’hui, les lignes ont bougé et en Belgique la mémoire revient et une forme de conscience remonte à la surface car, les nouvelles générations veulent assumer ce passé colonial et sortir de ce déni qui ne rend pas service à la Belgique. Pour le Congo, c’est carrément l’âme du peuple qui est violentée car, l’emprisonnement de ces restes humains est en fait une des causes des douleurs Congolaises. Après plus de deux ans de discussion, le ciel s’éclaircit enfin pour le retour en terre natale de ces Chefs.

Elle est lourde l’atmosphère qui règne dans le bureau du Directeur du Musée, on sent la force de l’histoire et il n’échappe à personne que ce moment sera cité dans l’histoire comme le début d’une nouvelle page entre la Belgique et le Congo pré colonial qui fut bousculé dans son development historique mais qui revient par la force de cette nouvelle conscience.

Pendant plus d’une heure, les scientifiques présents remontent les faits et placent l’événement dans son contexte et tentent de trouver une certaine cohérence dans cette entreprise simplement criminelle du sieur Waya-waya (Surnom donné à l’administrateur belge qui fut acteur de cette opération de décapitation). Ils sont compétents, ils connaissent leur métier et ils expliquent les faits. Le Chef du service scientifique du patrimoine et conservateur, M. Parrick Semal est parmi ceux qui ont donné forme à cette démarche en y consacrant leur grand savoir et leur temps. Il faut aussi signaler que le déclenchement de cette vaste opération de restitution fut rendue possible grâce à Lies Busselen une historienne qui réalise d’ailleurs une thèse de doctorat qui touche le sujet de près. Le professeur Maerten Couturier de l’Université de Gand a éclairé l’auditoire des débats de l’époque qui partaient des idées telles que comment catégoriser et hiérarchiser la notion des races. Il a ouvert ce chapitre pour expliquer comment la science peut servir des voies de validation des idéologies néfastes au bien de l’humanité. Comment aborder la contribution des savants sans évoquer l’éminente contribution de Madame Leaty Liwanga Ngbende, ci-devant présidente d’Afriqhope, une ASBL qui travaille dans le secteur de l’éducation. Elle a été de tous les combats pour que cette cérémonie puisse se réaliser.

Le moment est grave et l’on sent la lourdeur des faits peser sur les consciences des uns et des autres. Le Chef prend la parole et relate les circonstances de ces crimes et donne le sens de sa démarche qui est, pour lui, une opération à dimension spirituelle devant aboutir à restituer au corps social Kongo les forces de son histoire.

Ensuite, vint le moment sacré où dans une salle aménagée pour ce fait, le Grand Roi va s’incliner et rendre hommage aux ancêtres. Il est seul et personne n’y a accès. Avec un peu d’encens et des herbes spéciales venues du Congo, il a allumé sur un petit four portable la flamme de l’espoir et le lien entre les morts et les vivants. Moment solennel et précis dans la formulation de la demande Congolaise.

Pour les scientifiques belges, il n’y a aucun problème pour que le rapatriement soit effectué, il suffit seulement que les législations fédérales puissent s’adapter à cette nouvelle donne. Il est à signaler que les Congolais qui ont participé à cette cérémonie furent émus et se sont engagés à soutenir le travail du Chef Suku pour l’étendre à toute la Nation car, les reliques et restes humains sont nombreux et concernent toutes les tribus de la RDC.

De notre envoyé spécial à Bruxelles,
Adam Mwena Meji

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