Au moins le climat actuel a ceci de positif, l’ensemble des activités en rapport avec l’espace public fait l’objet des débats et permet aux citoyens de se faire une idée de la qualité de la gouvernance. Avec le développement exponentiel de l’usage des réseaux sociaux, le niveau de redevabilité des actions publiques a largement augmenté et donne aux acteurs publics le sens de leur responsabilité. Seulement voilà, la brèche ainsi ouverte a permis à des groupes d’intérêts divers, à des personnes à moralité douteuse d’infléchir sur la courbe de l’objectivité en usant des fake news et en profitant de la surexposition des certaines autorités aux medias chauds pour attaquer leur intégrité et les salir sur base des faits non vérifiés. Désormais le démenti officiel ne suffit plus car les outrages, les calomnies, les diffamations ne peuvent plus être rattrapés au regard de la propagation des fausses nouvelles, sinon des interprétations erronées des faits réellement survenus. C’est le cas des derniers décrets signés et publiés par le Premier Ministre en rapport avec les mesures d’encadrement de protection sociale d’anciens responsables de l’Etat.

Sitôt publiés, ces décrets au nombre d’ailleurs de 4 ont été récupérés par la puissante machine de la diabolisation et furent présentés sans hésitation comme un acte de pillage des ressources publiques. Avec le changement intervenu grâce aux élections, une licence à la diffamation semble avoir été livrée pour vouer aux gémonies le Premier Ministre et son cabinet, traités de « se servir avant de servir la Nation ». Des nouveaux élus ont profité de cette aubaine pour se faire un nom sur le dos de Tshibala Bruno, une publicité au nom du dénigrement ne fait du mal à personne. Et pourtant le mal est fait et il est du côté de ceux qui prennent les choses superficiellement et qui se donnent le droit de ne pas vérifier le fondement de leurs opinions. Au regard du tollé soulevé par cette question et de la clameur publique entendue jusque dans nos rédactions, Geopolis Hebdo s’est donné la peine d’aller à la Primature pour s’enquérir de la vraie situation et interroger le fondement juridique de cette décision du Premier Ministre.
Rendu disponible, le Premier Ministre Bruno Tshibala s’est adressé à un groupe d’éditeurs préoccupés aussi par la question et qui voulaient une clarification sur cette question devenue virale sur la toile. Dans un style décontracté, mais néanmoins grave et choqué par les approches inappropriées sur une question relevant de la dignité et du respect que l’on doit avoir à l’égard des personnes ayant servi la Nation, Bruno Tshibala a d’entrée de jeu précisé que cette décision prise par lui, ne vient pas du néant, elle a un soubassement légal car fondé sur une loi adoptée et promulguée par les instances attitrées.

Il s’agit de la loi n°18/021 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitutifs. C’est fort de cette loi qui s’impose à tous que le Gouvernement au travers de son chef a signé des décrets sous forme des mesures d’application de celle-ci. Il s’agit du Décret n°18/037 du 24 novembre 2018 déterminant les modalités d’octroi des honneurs et des avantages complémentaires aux anciens Présidents de la République élus, col.56. Du Décret n°18 /038 du 24 novembre 2018 déterminant les avantages et devoirs reconnus aux anciens membres du gouvernement, col.58, du Décret n°18/039 du 24 novembre 2018 déterminant les avantages et devoirs reconnus aux anciens Premiers Ministres de la République Démocratique du Congo.
Ce sont ces décrets qui, présentés d’une manière partiale, ont été l’objet de cette polémique. Pour le Premier Ministre Tshibala, il ne s’agit nullement d’un acte délibérément égoïste et qui tirerait son origine dans un instinct de conservation : «  de tous ceux qui me connaissent, ils savent que mon engagement en politique n’a jamais été motivé par des quêtes personnelles, je me suis battu toujours pour le triomphe de la cause commune et même dans ce cas de figure, il y a une cause, celle de la République et de la dignité de la fonction d’Etat ».

Pour la petite histoire, le Chef du Gouvernement a évoqué le fait que cette prise en charge des anciens responsables se faisait déjà depuis 2013 par la volonté du Président Kabila. Seulement, les quotes-parts allouées à tel ou tel ancien n’obéissaient pas à une uniformisation. En prenant ces mesures, il n’a fait que codifier une pratique dont les fondements sont profondément républicains. La Rd Congo n’a rien inventé. La plupart des pays prennent en compte la nécessité d’accompagner ceux qui ont à un moment donné, accepté de servir la Nation en lui consacrant le meilleur d’eux-mêmes ou parfois la vie.
C’est indécent que des mesures préservant la dignité de nos représentants à ce niveau élevé soient l’objet de polémique et controverse alors que nous aspirons tous à un mieux-être, autorités comprises.

Revenons à la Loi du 21 juillet 2018 dite Loi Mutinga. Dans son exposé des motifs elle tisse un lien entre le désir d’alternance et le sentiment d’insécurité des dirigeants : « Depuis l’accession à l’indépendance le 30 juin 1960, en dépit de son aspiration démocratique, la République Démocratique du Congo n’a jamais expérimenté l’alternance démocratique. Cette aspiration est souvent entravée par des crises politiques et rebellions à répétition. De manière générale, ces crises tirent leur origine dans l’insécurité éprouvée par des anciens animateurs des institutions et des corps constitués de la République.

On comprend que l’acte posé par le législateur et complété par le Gouvernement procède en réalité d’une profonde réflexion sur la paix sociale et la stabilité des institutions. Car l’angoisse de laisser un poste et de se retrouver à la rue, dans une Afrique où la politique est la seule industrie de stabilité sociale, a généré parfois des comportements irrationnels et on a vu des hommes pourtant équilibrés se livrer à des pratiques condamnables pour préserver un poste. Et à l’origine, c’est cette insécurité qui est au fond la question à résoudre et celle-ci ne peut trouver des réponses que si chaque personne qui a servi l’Etat se sent honoré par celui-ci.

Bruno Tshibala homme de gauche, socialiste de conviction n’a pas manqué l’occasion pour rappeler l’histoire de Sylvestre Mundingayi, ancien président du sénat en 1960 et qui s’était retrouvé sous la paille sans aucun moyen de survie. Quelques années plus tard c’est le roi Baudouin lors d’une visite à Kinshasa qui va le chercher, et le Marechal sera obligé de lui trouver un costume neuf pour apparaitre devant le roi des belges. C’est cette situation qu’il faut résoudre dit-il. Elle fait partie des mesures de consolidation de la démocratie et vont alimenter la roue de l’alternance. Il ne s’agit nullement d’un énième pillage, s’est indigné Bruno Tshibala qui estime que ce sont des mesures idoines pour la bonne marche de notre démocratie.

Adam Mwena Meji

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