La République démocratique du Congo tape du poing sur la table pour désapprouver les déclarations du fils du président Yoweri Museveni, par ailleurs chef d’état -major de l’armée Ougandaise. Dans un contexte de tension entre le Congo et le Rwanda, le général Muhoozi Kainerugaba s’illustre souvent par des déclarations ( sur réseaux sociaux) hostiles à la RDC.

Bien qu’étant numéro 1 d’une armée alliée aux FARDC, le chef d’état-major général Ougandais ne cache pas ses velléités à vouloir tourner en bourrique ses alliés. Dernière déclaration en date : une publication où il semble ironiser sur les alliés Congolais. « Que Dieu bénisse notre allié, les FARDC. Ce sont d’excellents soldats. Je suis plus que confiant que nous aurons la paix dans l’est de la RDC dès que nous nous serons débarrassés des mercenaires ! », a-t-il écrit sur son compte X. Il y a quelques jours, le même Kainerugaba menaçait de s’en prendre aux prétendus mercenaires européens qui selon lui se retrouvent en terre congolaise et à qui il promettait de s’attaquer vigoureusement à partir du mois de janvier en cours.

« Je vais donner un seul avertissement à tous les mercenaires blancs opérant dans l’est de la RDC. À partir du 2 janvier 2025, nous attaquerons tous les mercenaires dans notre zone d’opérations », avait-il écrit. Quelques heures seulement après, le général Kainerugaba avait promis d’aller voir « son grand frère » Félix Tshisekedi, président de la RDC pour le convaincre de la paix, car, avait-il déclaré, son « oncle » le président Paul Kagame est un « homme de paix ». Une déclaration qui insinuait que si la guerre persiste,en RDC c’est la faute au chef de l’État Congolais.

Pour le gouvernement Congolais, ces déclarations pourraient remettre en cause le partenariat qui existe entre l’armée Ougandaise et Congolaise.
« Les déclarations du général Muhoozi sont particulièrement préoccupantes, tenant compte de l’ambition que les deux pays partagent en terme de leur partenariat et leur amitié. Nous avons été très clair avec nos homologues Ougandais sur le caractère inacceptable de ces déclarations. Nous avons été aussi très clair sur le fait que si ces déclarations continuaient, et s’ils n’y a avait pas de clarification officielles et publiques par les autorités ougandaises, sur le degré auquel, le général Muhoozi, à travers ses communications, engage le gouvernement Ougandais, nous allons aussi devoir reconsidérer notre partenariat et notre relation », a déclaré jeudi la ministre Congolaise des affaires étrangères Thérèse Kayikwamba.

L’armée Ougandaise et l’armée Congolaise sont en opération conjointe pour traquer les rebelles Ougandais de ADF depuis le 30 novembre 2021. Le partenariat militaire entre l’Ouganda et la RDC a été renouvelé en 2024. Et en tant que chef d’état-major général de l’armée Ougandaise, le général Kainerugaba se rend souvent en zone d’opération conjointe, en RDC, pour inspecter l’évolution de la traque des rebelles ADF.
Lorsque l’UPDF et les FARDC avaient
lancé l’opération conjointe en Ituri et au Nord-Kivu ( Est de la RDC), les deux armées s’étaient également engagées dans la construction et la réhabilitation des routes en vue de faciliter le mouvement plus sécurisé des soldats et des populations civiles dans le futur. Les travaux de réhabilitation se concentraient notamment sur les axes Mbau-Kamango et Nobili, Kamango-Semuliki-Beni, dans le Nord-Kivu, à l’Est de la RDC. Mais bien avant cela, au mois de juin 2021, le Président Félix Antoine Tshisekedi et le Président de l’Ouganda, Yoweri Kaguta Museveni, avaient lancé des travaux de construction pour la modernisation des routes Mpondwe/ Kasindi- Beni , Beni- Butembo et Bunangana – Rutshuru Goma.

Jusqu’ici, la RDC se montrait circonspecte face à l’attitude du fils Museveni. « Dans le contexte actuel, la RDC ne souhaite pas avoir plusieurs ennemis dans la région en même temps », avait argué Nicaise Kibel Bel, expert des questions militaires. « Un conflit entre la RDC et l’Ouganda contribuerait à exacerber une crise déjà suffisamment compliquée avec ses ramifications de l’ombre », avait prévenu, Nicaise Kibel.

Muhoozi Kainerugaba lui-même ne s’est jamais montré diplomate ou taiseux malgré ses hautes responsabilités.
Il a toujours affiché une position de soutien au président rwandais Paul Kagame et n’a jamais caché son soutien à la RDF (l’armée Rwandaise), qu’il qualifie d’une des meilleures armées en Afrique, à côté de l’UPDF, l’armée Ougandaise. Kainerugaba se moque régulièrement de ceux qui se battent contre son « oncle », le président Paul Kagame. Il y a quelques mois, il a affirmé avoir pitié de ceux qui font face à l’armée rwandaise en même temps qu’il promettait un soutien à « l’empire Hima et Tusti ». Ces déclarations, écrites parfois sur le ton de la plaisanterie, et qu’il supprime généralement par la suite, ne font pourtant pas rire en RDC où les conflits Rwanda- RDC et les conflits communautaires sont souvent très sanglants. À chaque fois, les autorités Congolaises se montrent perplexes, en raison du partenariat qui existe entre la RDC et l’Ouganda.
« Vous ne pouvez pas comprendre que nous avons des militaires Ougandais qui décèdent au côté des militaires Congolais en Ituri et Nord-Kivu en train de combattre les ADF, ces rebelles qui sont au départ des Ougandais, et d’autre part, qu’il y ait une sorte de soutien apporté aux terroristes », s’était étonné le porte-parole du gouvernement Congolais Patrick Muyaya.
Les prises de position du chef de l’armée Ougandaise sont donc un comble de paradoxe que les autorités Congolaises ne comprennent pas et ne prennent pas à la légère.
« Soyez rassurés que nous suivons la question de très près et que nos partenaires Ougandais sont informés sur le fait que nous avons exprimé à plusieurs reprises notre désapprobation et que nous n’allons pas hésiter d’en tirer les conséquences nécessaires », a noté avec fermeté la ministre Congolaise des affaires étrangères.
Les autorités Congolaises ont toujours voulu croire qu’en Ouganda, les positions du général Muhoozi ne sont pas forcément celles du président Yoweri Museveni. Raison pour laquelle, les officiels de Kinshasa ont toujours consulté le chef de l’État Ougandais sur la crise en RDC.

En juillet 2022, le ministre des Infrastructures, Alexis Gisaro, a été envoyé par le président Félix Tshisekedi en Ouganda avec une délégation congolaise, pour obtenir l’aide de Museveni en faveur de la paix. Gisaro avait déclaré au président ougandais : « Notre présence se justifie par le fait que nous sommes conscients de votre influence dans la sous-région. Nous sommes convaincus qu’il est difficile de trouver une solution sans vous. Nous sommes ici pour discuter avec vous des solutions possibles ».

À présent, le gouvernement Congolais déclare qu’il n’est « pas suffisant de dire que le gouvernement Ougandais communique uniquement à travers son ministère des affaires étrangères et sa présidence. La réalité est qu’il y a des individus qui se permettent de faire des commentaires et des déclarations qui portent préjudice à la stabilité sensible de la région. Et nous ne pouvons pas accepter des réponses bureaucratiques de nos partenaires qui nous disent que ces personnes n’engagent personne d’autre qu’eux-mêmes ».

En novembre 2024, une délégation de 11 parlementaires Congolais avait été dépêchée en Ouganda pour une mission d’une semaine, toujours dans le cadre de la recherche de la paix. Selon l’expert des questions sécuritaires Nicaise Kibel Bel, à l’occasion de cette mission, le président Yoweri Museveni a dressé une liste des choses qu’il reproche à son homologue Congolais. « Voici ce que je reproche au président Tshisekedi : Il refuse de négocier avec les rebelles. Il doit négocier ; il a commis l’erreur de remplacer la force de l’EAC par la force de la SADC. Le conflit est régional. Le Rwanda et l’Ouganda n’appartiennent pas à la SADC. Troisième reproche : les routes. Nous, on voulait faire les routes, vous avez tergiversé. Voilà jusqu’à ce jour, il n’y a rien. Nous avons mis les moyens financiers , mais vous n’avez pas contribué. Quatrième reproche, c’est la mutualisation des forces. Nous avons plus de militaires que vous dans l’opération Shujaa (opération conjointe FARDC – UPDF), vous de votre part, vous ne faites rien. Si vous aviez mis beaucoup des militaires, nous aurions déjà vaincu les ADF », avait dit le président Ougandais aux parlementaires Congolais, selon Nicaise Kibel. Commentaire de l’expert Kibel Bel : « Museveni est dans la même position que Kagame ». Voilà qui fait penser actuellement que les prises de position du fils Museveni peuvent en réalité révélé l’état d’esprit général des officiels Ougandais.

Reste que Muhoozi Kainerugaba à qui les autorités Ougandaises avaient un temps, interdit l’usage des réseaux sociaux, ne tacle pas seulement la RDC. À l’arrivée au pouvoir du président William Ruto, Muhoozi Kainerugaba avait multiplié des déclarations regrettant pourquoi « son grand frère », le président Uhuru Kenyatta ne s’était pas cramponné au pouvoir. Kainerugaba avait également vertement taquiné l’armée Kényane, assurant que lui et l’UPDF pouvaient capturé Nairobi en peu de temps. En décembre 2024, le Soudan a exigé des excuses officielles de l’Ouganda après que Kainerugaba ait fait des déclarations qualifiées d’irresponsables par les autorités Soudanaises.

Thérèse Kayikwamba a relevé cela aussi. La ministre des affaires étrangères a indiqué pour finir : « Je pense que nos partenaires Ougandais ont suffisamment de matière pour se pencher sur cette question et pour trouver une solution et la communiquer de manière crédible envers tous les partenaires qui ont raison d’être préoccupés par cette forme particulière de communication ».

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *