Alors que l’avion, en provenance d’Addis-Abeba à destination de Jakarta, amorce sa descente vers l’aéroport international Suvarnabhumi pour une escale après huit heures de vol, la capitale thaïlandaise se révèle sous un jour inattendu. Vue du ciel, Bangkok n’a rien de la mégapole dense et bouillonnante qu’on imagine. Ce dimanche 7 septembre, les routes semblent étonnamment calmes, presque vides. Mais ce qui frappe surtout l’œil, c’est la prolifération d’étangs visibles à perte de vue.
Des centaines de plans d’eau, petits et grands, quadrillent les zones périphériques de la ville, souvent attenants à des bâtiments industriels ou agricoles. Cette vue aérienne met en lumière un aspect méconnu mais central de l’économie thaïlandaise : son lien profond avec la riziculture.
La Thaïlande est l’un des principaux exportateurs de riz au monde. En 2024, le pays a expédié à l’international près de 8,5 millions de tonnes de riz, selon les données de la Thai Rice Exporters Association. Une grande partie de cette production provient des plaines centrales, mais les zones périphériques de Bangkok accueillent également des infrastructures liées au stockage, au traitement et parfois à l’aquaculture complémentaire.
Ces étangs visibles depuis le ciel pourraient ainsi être des bassins de décantation, des systèmes d’irrigation, ou encore des installations de pisciculture. Dans un pays où la gestion de l’eau est cruciale pour l’agriculture, ils constituent une infrastructure vitale.
Le succès de la riziculture thaïlandaise repose sur plusieurs facteurs : une tradition ancienne, des variétés de riz prisées (comme le jasmin), une organisation logistique bien rodée et une politique d’exportation agressive. Bangkok, malgré son urbanisation rapide, conserve ainsi à ses abords les traces visibles de cette activité ancestrale.
Le contraste est saisissant : à quelques kilomètres des gratte-ciel et des centres commerciaux, l’eau reste omniprésente, en miroir des rizières qui couvrent encore une large partie du territoire.
Jeter un regard par le hublot vers ces étangs permet de voir plus loin… jusqu’en République Démocratique du Congo, où le riz est également l’un des aliments les plus consommés. Pourtant, une grande partie de cette denrée provient de l’étranger, notamment de la Thaïlande.
Et pourtant, le potentiel rizicole de la RDC est loin d’être négligeable. Des régions comme Bumba, dans la province de la Mongala, disposent de vastes étendues de terres fertiles, arrosées naturellement par le fleuve Congo. Le fameux « loso ya Bumba » (riz de Bumba), cultivé localement, séduit plus d’un consommateur congolais. Mais faute d’investissements, d’infrastructures et de mécanisation, ces terres restent largement sous-exploitées.
Selon la FAO, la RDC n’exploite qu’une fraction de ses capacités agricoles et importe en moyenne plus de 400 000 tonnes de riz par an, principalement en provenance d’Asie.
La vue aérienne de Bangkok ne livre donc pas qu’un simple paysage. Elle raconte une histoire : celle d’un pays qui a su valoriser ses ressources naturelles, l’eau et la terre, pour devenir un acteur agricole mondial. Ce modèle peut inspirer d’autres nations du Sud, à commencer par celles qui, comme la RDC, possèdent les mêmes atouts mais peinent à les structurer.
Bangkok, depuis le hublot, rappelle ainsi que l’avenir d’un pays se joue parfois à ras de terre… mais qu’on peut en mesurer le potentiel à 10 000 mètres d’altitude.
Don Momat