La RD Congo, pays riche en ressources naturelles, est paradoxalement un État économiquement asservi, une souveraineté érodée et une nation humiliée. Trois fléaux minent sa souveraineté monétaire : la dollarisation rampante, qui réduit le franc congolais (CDF) à une monnaie de second rang dans son propre pays. L’invasion du shilling ougandais en Ituri, symbole d’une occupation économique insidieuse.
La circulation du franc rwandais au Nord-Kivu, rappel douloureux de l’ingérence étrangère dans les affaires congolaises. Cette triple capitulation monétaire est le symptôme d’un État en déliquescence, incapable de protéger ses attributs régaliens. La dollarisation est une capitulation économique institutionnalisée. C’est un héritage toxique de l’ère Mobutu.
La dollarisation congolaise plonge ses racines dans les années 1980-1990, lorsque le régime Mobutu, confronté à une hyperinflation galopante (jusqu’à 9 796,9 % en 1994), a sacrifié le zaïre sur l’autel de la gabegie financière. Aujourd’hui, 86 % des dépôts bancaires et 90 % des crédits sont libellés en dollars, tandis que le CDF végète dans l’informalité. Le Franc Congolais apparaît dans certains coins comme une monnaie fantôme.
À Kinshasa, le dollar est roi. Dans le quartier huppé de la Gombe, les transactions en CDF sont méprisées, réservées aux « petites gens » des quartiers populaires. Pire, les guichets automatiques distribuent plus facilement des dollars que des francs congolais – une absurdité pour un pays qui prétend contrôler sa politique monétaire. Il y a eu des tentatives avortées de dédollarisation.
En 1999, une interdiction brutale des transactions en devises a échoué, provoquant une flambée du marché noir. En 2022, des mesures incitatives ont été mises en place, mais l’instabilité politique et les chocs extérieurs (guerre en Ukraine, crise Covid) ont anéanti ces efforts. Résultat : le dollar reste la monnaie de référence, tandis que la Banque Centrale du Congo est réduite au rôle de spectatrice impuissante.
En Ituri et dans le Nord-Kivu, certains territoires congolais sont clairement sous occupation monétaire étrangère. Le Shilling ougandais en Ituri est une monnaie d’occupation. Dans les territoires d’Aru et de Mahagi, le shilling ougandais circule librement, imposé par des groupes armés et des commerçants transfrontaliers. Cette « xénomonétisation » est une insulte à la souveraineté congolaise.
Elle révèle l’incapacité de l’État à contrôler ses frontières économiques. Le Franc rwandais au Nord-Kivu cache mal l’ombre de Kigali. À Goma et Bukavu, le franc rwandais est couramment utilisé, notamment dans les zones contrôlées par le RDF/M23. Cette monnaie, tout comme la présence militaire rwandaise, est un instrument de domination économique qui a des conséquences graves.
Comment parler de souveraineté quand la monnaie d’un pays voisin s’impose sur votre sol ? La première conséquence est une souveraineté monétaire en lambeaux. Il y a une perte de contrôle de la politique monétaire. La BCC ne peut pas jouer son rôle de prêteur en dernier ressort en dollars. Le taux directeur de la BCC n’a aucun impact sur les crédits en devises, rendant la politique monétaire inefficace.
Il y a une fragilité financière et une dépendance extérieure. Les entreprises et ménages empruntent en dollars mais sont payés en CDF, les exposant à des risques de change dévastateurs. La moindre fluctuation du dollar plonge l’économie congolaise dans le chaos. Un pays qui ne contrôle pas sa monnaie est un pays qui ne contrôle rien. La souveraineté nationale de la RDC est bafouée.
La RDC est en train de devenir une colonie économique des États-Unis, de l’Ouganda et du Rwanda. Il faut qu’elle reprenne le contrôle ou elle disparaîtra. La RDC doit imposer le franc congolais dans les paiements fiscaux. Lutter contre la circulation des devises étrangères en Ituri et au Nord-Kivu par des mesures coercitives. Stabiliser le CDF en maîtrisant l’inflation et en renforçant la confiance dans la monnaie nationale.
Sans une réaction ferme, la RDC restera un État fantoche, où la souveraineté monétaire n’est qu’un vain mot. Le temps n’est plus aux discours, mais à l’action.

Polymathe, chercheur et écrivain / Consultant senior cabinet CICPAR