Qu’il s’agisse des salons politiques que de l’opinion publique, la déclaration de principes signée entre la RDC et le Rwanda à Washington continue à cristalliser le débat au sein de la société Congolaise particulièrement au sujet des questions d’intérêt communs sur lesquelles le texte souligne la nécessité d’un renforcement de la coopération entre les deux pays pour promouvoir les intérêts de deux parties.
En effet, contrairement à ce qui est répandu, ce document n’a nullement mentionné d’abandon de la souveraineté de la RDC ni de la co-gestion minière du pays.
De l’avis des experts, s’agit plutôt, d’une démarche logique de coopération régionale sur des ressources et des écosystèmes que la République Démocratique du Congo partage déjà, naturellement avec ses voisins particulièrement, le Rwanda.
La gestion des parcs au centre du débat
L’un des points en débat dans la déclaration de principes, c’est la gestion des parcs nationaux. Le parc national de Virunga (RDC) des Volcans (Rwanda) forment un même massif forestier transfrontalier où les gorilles de montagne, espèce menacée et protégée, y vivent librement.
Des familiers de la région dont des Organisations Non Gouvernementales rapportent que lors des conflits dans le Nord-Kivu par exemple notamment les attaques du M23/RDF, ces gorilles traversent vers le Rwanda pour se mettre à l’abri.
Des spécialistes soulignent en outre que la majorité de cette population animale est née et vit en RDC, mais leur migration est naturelle raison pour laquelle, une coopération transfrontalière existe déjà depuis plus de 10 ans, sous le programme du Grand Virunga Transboundary Collaborationincluant même l’Ouganda.
Ces migrations sont naturelles, et ne peuvent être contrôlées sans coopération régionale solide.
En dépit de la taille modeste de son parc des Volcans, les pays de mille collines gagnerait, chaque année, plus de 25 millions de dollars américains grâce à l’écotourisme autour des gorilles.
Il s’agit ici là d’une gestion concertée d’un écosystème naturel partagé, dans l’intérêt de tous, mais surtout. La RDC qui veut promouvoir son tourisme dans ce secteur y voit une opportunité surtout grâce son statut du principal réservoir de la biodiversité de la région.
Au-delà de Virunga et Volcans, se trouvent les Parc de la Ruvubu / Ruzizi, région autour de la rivière Ruzizi faisant frontière entre les deux pays (et aussi avec le Burundi). La région est une zone humide riche en biodiversité, propice à une gestion écologique concertée.
Et pour le Gouvernement congolais, soutenir cette clause, c’est valoriser les richesses naturelles congolaises, attirer des financements internationaux pour la protection de la nature, et bâtir un autre pilier de développement en dehors des mines.
Énergie, un autre point d’actualité
Ici les deux pays sont déjà en projet conjoint sur la rivière Ruzizi qui est une source d’énergie partagée entre la RDC, le Rwanda et le Burundi.
Ici encore, il y a des centrales hydroélectriques qui sont en activité notamment
Ruzizi I, gérée par la SNEL (RDC), Ruzizi II, projet conjoint entre la RDC et le Rwanda ainsi que Ruzizi III en développement qui est un projet régional soutenu par la Banque Africaine de Développement et la Banque mondiale avec une production projetée à 147 MW.
Son importance stratégique réside sur le fait que c’est une source d’électricité pour les trois pays qui sont en coopération via la CEPGL (Communauté Économique des Pays des Grands Lacs).
Les lacs, au-delà des eaux
Le Lac Kivu situé entre Bukavu/Goma et Gisenyi/Cyangugu, est un autre trésor commun pour les deux pays.
Il contient une immense réserve de gaz méthane estimé à ce jour, à 60 milliards de m³ Le Rwanda qui y exploite déjà via le projet KivuWatt doit être rattrapé par la RDC qui tarde à lancer ses projets d’exploitation. Et dans le cadre de cette déclaration de principes, une Coopération est envisagée consistant par la mise en place de structures bilatérales pour l’exploitation commune du gaz, avec investissements américains à la clé comme le prévoit l’accord de Washington.
Les mines, le problème initial
Concernant les chaînes d’approvisionnement miniers qui vise à renforcer la transparence, l’accord de Washington ne donne pas au Rwanda un accès aux mines congolaises. Au contraire, ce document propose de sécuriser les chaînes de valeur minières pour empêcher la contrebande vers le Rwanda.
Les États-Unis voudraient garantir une traçabilité des minerais stratégiques comme le coltan, le cobalt ou encore l’or à partir de la mine au produit fini.
Cela permettra de bloquer le blanchiment de minerais congolais par le Rwanda, une pratique souvent dénoncée dans les rapports de l’ONU.
Pour la RDC, l’avantage de cette démarche est quelle instaure une meilleure gouvernance minière en mettant un terme au pillage via des circuits illégaux tout en favorisant un accès à des marchés premium.
Et pour le Gouvernement Congolais, les ressources naturelles ne connaissent pas de frontière, surtout dans l’Est du pays d’où la nécessité d’œuvrer pour une stabilité économique qui dépend aussi de la stabilité écologique et énergétique régionale.
Pour ce faire, les autorités Congolaises sont convaincues qu’avec l’appui des États-Unis, il est possible de sécuriser les minerais, d’attirer de gros investisseurs comme Kobold Metals (soutenu par Bill Gates et Jeff Bezos), et de sortir du piège de la guerre permanente particulièrement dans sa partie Orientale.
Ce partenariat ne devrait pas être compris ni comme une cogestion minière moins encore comme une faiblesse politique de la RDC pour ne pas paraphraser la Ministre d’Etat aux Affaires Etrangères, Thérèse Kayikwamba lors de la signature de la déclaration de principes à Washington.
Il s’agit plutôt d’un réalignement stratégique, dans lequel la RDC conserve sa pleine souveraineté, tout en obligeant son voisin, le Rwanda à respecter des règles claires et transparentes pour la relance d’une coopération bilatérale digne de son nom après 30 ans des relations diplomatiques tumultueuses.
Lors de la cérémonie de décoration de son homologue Bissau Guinéen, le Chef de l’État, Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO l’a rappelé, l’ambition pour la République Démocratique du Congo, c’est de tourner définitivement la page sombre de l’instabilité persistante dans la partie Nord Est du pays.
Un challenge ambitieux pour les deux pays au vu du passé lourd qui caractérise leurs liens diplomatiques.
José-Junior OWAWA
