Kyabula refait surface I Que cacherait la réapparition du gouverneur suspendu du Haut-Katanga?

Annoncé en cavale à l’étranger ou hospitalisé, selon diverses versions, le gouverneur suspendu du Haut-Katanga, Jacques Kyabula, est réapparu ce mercredi à Lubumbashi. Souriant, vêtu d’une chemise à l’effigie du président Félix Tshisekedi, il s’est présenté devant sa résidence, acclamé par une foule de partisans. Une scène hautement symbolique, qui intervient après plusieurs jours d’intenses spéculations et d’agitation politique.

Cette réapparition survient surtout au lendemain d’une interview du Vice-Premier ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, diffusée sur TV5 Monde. Le patron congolais de la territoriale y évoquait principalement la récente déclaration de principes signée entre Kinshasa et l’AFC/ M23. Mais, interrogé ensuite sur l’affaire de la disparition du gouverneur du Haut-Katanga, accusé dit la journaliste de connivence avec la rébellion, sa réponse a laissé entendre qu’une enquête sérieuse pourrait viser Kyabula pour des faits jugés graves. « On ne gère pas l’État avec les rumeurs des réseaux sociaux. Le gouverneur Kyabula, nous recherchons à le positionner mais j’espère…nous espérons que les rumeurs ou tout ce qui s’est dit sur lui ne soient pas la réalité« , a-t-il déclaré.

Une phrase, des remous

L’enchaînement des événements trouve son origine dans un discours prononcé par Kyabula lors d’un meeting à Likasi. Il y dénonçait l’agression rwandaise contre la RDC, une position largement partagée. Mais c’est surtout sa manière d’évoquer Joseph Kabila et Corneille Nangaa, qu’il a qualifiés de « frères avec qui les problèmes seront réglés en interne », qui a jeté le trouble. Dans les milieux radicaux de l’UDPS, cette formule a été perçue comme un signe de rapprochement, voire de ralliement, à l’ancien président, dont Kyabula fut un militant actif lorsqu’il évoluait au sein du PPRD.

Le gouverneur est ensuite convoqué à Kinshasa par le VPM de l’Intérieur. Aucune précision n’a toutefois été donnée sur les raisons exactes de cette convocation. Peu après, son entourage évoque des problèmes de santé. Mais cette version est mise à mal par une décision rapide du ministère de l’Intérieur, désignant le vice-gouverneur Martin Kazembe pour assurer l’intérim.

Une cavale… ou une mise en scène ?

C’est à ce moment-là qu’apparaît, sur les réseaux sociaux, une note attribuée à la Direction générale de migration (DGM), affirmant que Kyabula était « activement recherché ». Dans la foulée, un journaliste cite le secrétaire général de l’UDPS, Augustin Kabuya, comme étant le possible cerveau de cette « fuite ». Celui-ci se défend dans une matinée politique devant les cadres et sympathisants de son parti : il n’est ni de près ni de loin impliqué. Mais il ne dément pas formellement l’existence d’une fuite, ce qui ne fait qu’alimenter davantage la thèse d’une cavale dans l’opinion.

Le climat reste tendu jusqu’à cette intervention du VPM Shabani sur TV5 Monde. Et c’est dès le lendemain que Kyabula réapparaît à Lubumbashi, en apparente bonne santé, souriant, et arborant les couleurs présidentielles. Une mise en scène parfaitement calibrée qui, pour plusieurs analystes, pourrait signaler un accord implicite.

Un retour sous conditions ?

Pour de nombreux observateurs, ce retour théâtral serait un signal clair adressé au pouvoir : en affichant publiquement son soutien à Félix Tshisekedi, Kyabula aurait démontré sa loyauté et obtenu en contrepartie un sursis, voire une forme de protection. Une stratégie d’apaisement initiée par Kinshasa pour éviter le déclenchement d’une crise institutionnelle dans une province aussi stratégique que le Haut-Katanga.

Mais le retour du gouverneur ne résout pas tout. La province se retrouve aujourd’hui avec deux gouverneurs, l’un suspendu mais visible, l’autre intérimaire. À Lubumbashi, chef-lieu de la province, la même cacophonie prévaut avec deux maires en concurrence : l’un désigné par le ministère de l’Intérieur, l’autre soutenu par une décision du Conseil d’État.

Dans ce contexte politique déjà survolté, le feuilleton Kyabula pourrait bien n’être qu’un épisode parmi d’autres dans une confrontation latente entre institutions locales et pouvoir central.

Don Momat

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