Trouver la force de construire une route du possible dans un environnement chaotique et incertain, cela demande du courage et de l’abnégation. En tout cas c’est de cela qu’a fait preuve Franck Mwe di Malila ancien ministre ayant animé plusieurs ministères en acceptant de poser deux actes majeurs dans la vie d’un politique, le premier est de rendre hommage à un patriarche sous l’ombre de qui il a évolué politiquement , chose essentielle dans la marche politique et de proposer une route du possible c’est à dire une offre politique qui tienne compte de la situation d’un pays dont La Défense de la souveraineté est dans son ADN en même temps qu’il se reconnaît une vocation de puissance dans la marche du monde. Franck Mwe di Malila a ainsi traversé la rivière de la banalité pour emprunter la Colline de la complexité Sans perdre la limpidité de son expression. Interview sans tabou et sans censure, il a donné le meilleur d’une communication qui ne laisse pas de doute sur sa motivation de servir sa nation en homme d’État.

Géopolis : Vous êtes un homme politique connu, vous avez occupé beaucoup des postes. Vous êtes ministre sortant intérimaire aux Affaires Etrangères, vous avez été ministre du Tourisme, vice-ministre du Plan, ministre à la Coopération Internationale, vous avez été dans le domaine législatif, comme chargé des missions au bureau du Sénat. Pourquoi avez-vous décidé de rendre hommage aujourd’hui à Léon Kengo Wa Dondo ?

Franck Mwe di Malila : Pour une raison très simple : il y a quelques, à quelques jours près, Léon Kengo Wa Dondo, président du Sénat d’alors, ouvrait ce qui allait être pour lui la dernière session parlementaire. Mais en même temps, parce qu’aujourd’hui il observe plus de discrétion dans la vie politique active, peut-être une forme de retrait implicite. Et je pense qu’il est temps de saluer la volonté qu’il a eue tout au long de sa vie de servir l’Etat. Pour le paraphraser, il a toujours servi sans état d’âme ; toujours soucieux d’avoir des états de service.

Géopolis : Evidemment c’est une phrase célèbre. Une phrase puissante. Mais il ne vous a pas échappé que votre proximité politique est quand-même perturbée ou facilitée par des liens de familles. Est-ce que cet hommage vaut pour la famille ou vaut pour la politique ? Est-ce que les relations de familles ne sont pas un handicap à la force de l’hommage ?

Franck Mwe di Malila : Ah non ! Je ne pense pas du tout ! D’ailleurs les liens de familles ont toujours été, je dirais voisins des liens politiques que nous avons eus. Ils n’ont jamais primé sur les liens politiques que nous avons eus. Il y a avant tout, je crois, une forme d’affinités qui est née il y a une vingtaine d’années entre deux êtres. Et cela, dans des conditions un peu particulières puisqu’il s’agissait de l’exil. Il ne vous échappera pas qu’en 1997, à la veille de la chute du président Mobutu, et de son départ forcé, les médias du monde entier ont relayé, une supposée fuite du premier ministre d’alors, Kengo Wa Dondo Léon, avec les caisses de l’Etat. Et là, commence donc l’exil dans des conditions de suspicion. Il faut dire que le personnel politique d’alors n’était pas très solidaire. En ce moment-là, on pouvait très bien le comprendre, mais il y avait très peu de solidarité, beaucoup de suspicion, de trahison. L’environnement de l’époque voulait cela. Et un peu de manière naturelle, lorsque l’on se rend compte de nouvelles conditions de vie, lorsque l’on commence à saisir les difficultés auxquelles, nous sommes confrontés, en ce moment-là, il y a une espèce d’évidence. On revient aux valeurs premières. Les valeurs premières c’est la famille. C’est peut-être à cette occasion-là qu’il y a eu le rapprochement des deux êtres qui se sont ensuite retrouvés sur une certaine idéologie politique.

Géopolis : Vous n’êtes pas de la même génération, c’est quand même presque deux générations au-dessus de vous, mais, la rencontre d’esprits entre deux hommes, tout en ayant des rapports de famille, comment vous construisez votre conscience politique avec lui ; De quoi parlez-vous ? Est-ce que c’est votre modèle ? Ou c’est votre chef ? Entrez un peu dans les détails…

Franck Mwe di Malila : Non, je crois que ce qui nous a rapprochés c’est avant tout l’amour de notre pays. Vous savez, même quand vous êtes en exil, d’aucuns diront c’est un exil doré, ou d’autres qualificatifs. Mais votre pays vous manque. Parce que vous l’avez dit dans votre introduction, ce sont vos racines et ça vous manque. Quand vous êtes loin, vous êtes déraciné. Et donc, c’est avant tout cet amour du pays qui a fait que nous puissions nous rapprocher. Ensuite, nous partageons une certaine manière de voir les choses, particulièrement la gestion de l’Etat. Ce qu’elle devrait être. Comment devrait être notre pays, les aspirations pour ce pays qui devrait être celle de toute notre nation. Voilà ce qui nous rapproche.

Géopolis : J’ai du mal à croire que Léon Kengo et vous, vous êtes en exil, surtout lui, parce qu’ayant eu des responsabilités, avoir le mal du pays, en Europe. Léon Kengo est, par la culture, un européen aussi. Comment va-t-il se sentir mal alors qu’il partage un peu cette culture européenne ?

Franck Mwe di Malila : Vous savez, contrairement à ce que certains ont pu dire, pour des raisons politiciennes souvent : Léon Kengo Wa Dondo sa culture c’est avant tout la culture Congolaise. Léon Kengo est né dans ce pays ; a grandi dans ce pays ; s’est fait dans ce pays. Ce pays lui a tout donné. Il le dit très souvent, ce pays lui a tout donné. Donc, évidemment que loin de son pays, loin de la terre de ses ancêtres, cela lui manque. Très peu d’attachements contrairement à ce que certains peuvent penser, de par son métissage… c’est une vue de l’esprit.

Géopolis : Le métissage n’a pas été un baume de consolation de ce déracinement…

Franck Mwe di Malila : Non. Je pense, une définition simple, le métissage, c’est se sentir bien dans les deux cultures qui vous habitent. Mais peut-être que vous vous sentez mieux dans une que dans l’autre, parce que vous y êtes tout simplement plus attaché, de par votre historique.

Géopolis : Vous êtes rentré au pays, on ne va pas refaire toute l’historique. Mais si vous faites cet hommage aujourd’hui, c’est parce que vous pensez qu’il représente un modèle, et qu’il est transmissible aux générations futures. Sur quoi vous vous basez ? Quels sont les facteurs clés pour lesquels vous estimez que vous pouvez en parler à la nation. Quels sont les facteurs pour lesquels vous vous dites, je peux parler de cet homme parce qu’il incarne telles valeurs et qui peuvent être recopiées ou peuvent faire l’objet d’une autre expérience ?

Franck Mwe di Malila : Il y a une valeur très simple qu’il a incarnée tout au long de sa carrière politique dans ce pays : c’est la rigueur. Je pense que ça synthétise bien l’homme. La rigueur dans la gestion de la chose publique. C’est celle-là la valeur qu’il faut transmettre, parce qu’elle va permettre à notre pays de se développer. Vous savez dans toute chose, il faut de la rigueur, de la discipline.

Géopolis : Vous vous rappeler la phrase du président Mobutu : « on ne mange pas la rigueur… »

Franck Mwe di Malila : Aujourd’hui, ne voulons-nous pas renouer avec le Fonds Monétaire international ?

Géopolis : Peut-être que c’est une erreur…

Franck Mwe di Malila : Peut-être tout cela dépend des conditions dans lesquelles nous allons traiter avec le Fonds Monétaire International. Mais en tous les cas, y revenir, cela veut dire que nous n’avons pas été rigoureux !

Géopolis : Alors quelle est la perception que vous avez de la rigueur ? Parce que le peuple, à l’époque a vécu la rigueur comme la diminution progressive des avantages sociaux ; à l’époque, au nom de cette rigueur, on a licencié des enseignants, on a enlevé la bourse aux étudiants. Tout ce qui était comme l’Etat providence, on a enlevé cela au nom d’une certaine dette extérieure. On a très mal vécu cela. Qu’est-ce vous mettez dedans, dans vous parlez de la rigueur ?

Franck Mwe di Malila : Tout ce que vous citez, l’Etat providence. L’Etat ne peut être un Etat providence que lorsqu’il en a les moyens. Et aujourd’hui, l’Etat ne peut plus être un Etat providence parce qu’il n’a plus ces moyens donc il nous faut être d’autant plus rigoureux. C’est cette valeur-là que nous devons transmettre. Que la rigueur, lorsqu’elle est appliquée, mène forcément au développement, parce qu’en toute chose, vous êtes méthodiques, rationnelle et vous allez obtenir des résultats. Lorsque vous sortez de ce cadre, et bien, vous n’aurez pas de résultat. Vous n’arriverez pas au développement, vous n’arriverez pas à satisfaire la société Congolaise du point de vue social, parce que vous n’avez pas les moyens.

Géopolis : Alors, vous revenez avec lui, vous êtes au Sénat, parce que vous êtes au cœur de son dispositif parlementaire, en même temps, le pays est en effervescence, c’est le retour des exilés, c’est Sun City, c’est la première législature. On veut comprendre comment vous avez manœuvré, Kengo est président du Sénat, il n’avait pas de parti politique affirmé, pas de majorité au Sénat. Les indiscrétions pensent que vous n’étiez pas loin de la manœuvre. Vous n’étiez pas loin, vous avez certainement œuvré par votre parenté politique. On veut comprendre cette magie politique. Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment il a fait ?

Franck Mwe di Malila : Ce n’est pas de la magie politique, c’est de la stratégie. Mais ce serait bien long de développer cela ici. Je dirai, de manière brève : Kengo Wa Dondo, voulant revenir au pays, il ne pouvait pas revenir comme le citoyen lambda, comme un homme politique lambda. Pour quelle raison ? Pour une raison simple. Il était, peut-être de manière subliminale, peut-être pour de raisons concrètes pour d’autres, le symbole de ce qu’il restait de la période Mobutiste, peut-être même le symbole même de l’équateur triomphant. Et donc, il a fallu que Kengo Wa Dondo, auréolé de ce mythe, rentre au pays et soit perçu comme tel.

Géopolis : Mais tout au long de son travail au Sénat, il va faire pratiquement le plus long mandat au Sénat, il essaie de se positionner, et c’est notre regard, comme un homme du centre. Dans un pays aussi puissant comme le Congo, sur le plan des extrêmes, mais il ne parvient toujours pas à créer ce centre-là qui manquait, parce que jusqu’à ce jour, le centre a presque disparu. Cet effort-là, était-il conscient, méthodique et rationnel ou il était dicté par la force des choses qu’il se retrouvait dans la position centrale, sans totalement l’assumer ?

Franck Mwe di Malila : L’essentiel était d’abord son état d’esprit. Je crois que c’est un peu finalement à l’image de notre pays. Il a toujours dit qu’il voulait concilier les contraires. Il y a son propre historique, l’exil, ses propres origines, qui font que quelque part, il ne peut militer que pour le centre. Je crois qu’il n’a pas été le seul à essayer de faire le centre. Le dernier qui a aussi essayé le centre sans peut-être le dire de manière claire, et peut-être que les gens ne l’ont pas compris, je pense que c’est le président Joseph Kabila. Souvenez-vous de son discours de clôture des Concertations nationales. A mon sens, il a voulu créer un centre plus étendu, malheureusement les extrémistes de la majorité présidentielle de cette époque ne l’ont pas perçu de cette manière Il n’a pas été suivi, malheureusement. Il faut constater que jusqu’aujourd’hui, notre pays, au regard de son histoire, a toujours recherché des solutions médianes. Vous pouvez remonter aussi loin, dès le lendemain de l’indépendance, à la Conférence nationale souveraine, à Sun City, le 1+4, les Concertations nationales, le dialogue, on a toujours recherché le centre, la voie médiane. Le côté positif c’est de rechercher la voie médiane, de trouver de bonnes solutions. Mais le côté négatif, c’est que nous n’avons pas toujours réussi à mettre en application les solutions de cette voie médiane. Ce qui peut expliquer que le centre ne disparaisse pas, mais que la voie médiane s’atténue. Lorsqu’on pense que c’est l’accalmie, alors la voie s’atténue. Mais je suis certain qu’au regard du contexte actuel que le centre a de beaux jours devant lui.

Géopolis : Nous allons sans doute parler de vous-mêmes tout à l’heure, mais laissez-moi poser une dernière question sur Léon Kengo Wa Dondo.

Géopolis : Le fait qu’il n’est pas parvenu à devenir président de la république, est-ce que vous considérez cela comme un échec de stratégie, ou vous pensez que c’est un coup du destin, ou encore vous pensez que cela n’était pas fait pour lui, comme l’avait dit un jour, un certain Mobutu ?

Franck Mwe di Malila : Je ne sais si ce n’était pas fait pour lui comme le président Mobutu le disait. Je pense qu’il le disait parce que peut-être pouvait-il considérer qu’il manquait une certaine forme de démagogie, de populisme à Kengo Wa Dondo. Mais je crois surtout que c’était le contexte de l’époque. En 2011, il faut se rappeler que les extrémistes de tous bords tenaient le haut du pavé, comme d’ailleurs lors des dernières élections. Je crois que dans un contexte comme celui-là, c’était difficile, dans un contexte extrémiste, où il y a plus de place pour l’émotion que la rationalité et je pense que les propositions peut-être de Léon Kengo, étaient des propositions qui à ce moment-là, ne rencontraient pas le contexte de l’époque qui était un contexte extrêmement tendu.

Géopolis : Nous allons revenir à lui. Nous avons eu des élections 2018. Ça vous a permis d’aller vers vos racines « sociétales ». Vous êtes allé vous présenter aux élections dans votre fief, au Kongo Central, même si vous appartenez à plusieurs autres couches. Vous avez été candidat malheureux, parce que vous n’avez pas été élu dans votre fief, où vous avez une histoire de succès. Vos propres parentés ont construit cette ville de Moanda, où vous avez déjà posé des actes, qu’est-ce qui explique votre tentative d’être élu député n’a pas marché.

Géopilis : Qu’est-ce qui s’est passé ?

Franck Mwe di Malila : Je ne sais pas si ça n’a pas marché. Je n’aimerais pas revenir sur les élections de 2018. Je pense que suffisamment d’encre a coulé. Mais ce que je peux dire, c’est que, vous savez, construire un fief politique, malgré que j’ai fait quelques actions, pour ne pas les citer notamment, je me suis impliqué dans la commission sénatoriale qui voulait voir les effets dévastateurs sur l’environnement que causait la production des hydrocarbures, j’ai aussi participé à l’érection du nouvel escalier de Moanda, vous connaissez le drame qu’il y a eu. Plusieurs morts, parce que l’escalier était hors norme, on a fait refaire l’escalier maintenant qui est dans les normes, ce qui permet à nouveau l’accessibilité des Moandais à la plage, nous l’avons fait en collaboration avec l’ICCN et l’ONT et d’autres actions privées, j’ai stimulé le fait qu’on puisse donner le statut aux fonctionnaires de Moanda qui n’en avaient pas depuis plusieurs années. Comme vous l’avez dit, un fief politique ça se construit par des actes. Il ne suffit pas d’être ethniquement ou familialement du coin. Donc nous allons continuer à poser des actes.

Géopolis : Vous ne vous êtes découragé ?

Franck Mwe di Malila : Pas du tout ! Pour quelle raison ? Vous savez, Mitterand a échoué plusieurs fois.

Géopolis : C’est vrai que vous étiez avec Léon Kengo Wa Dondo pendant de longues années. Mais en même temps, certaines personnes nous disent que vous n’avez pas été loin non plus d’Etienne Tshisekedi, et que vous êtes en quelques sorte, aussi un de ses enfants politiques. Pourquoi cachez-vous ce lien avec Tshisekedi ?

Franck Mwe di Malila : (rires) J’ai connu feu Etienne Tshisekedi comme un papa. C’est vrai que je le rencontrais souvent chez lui, nous discutions à deux, mais nous n’étions pas toujours d’accord. Nous avions des options politiques différentes. Ce qui est vrai c’est que c’était un grand ami de mon père, cela a facilité notre relation. J’allais aussi souvent me ressourcer chez lui, parce qu’il ne faut toujours rester dans sa sphère. Et quoi qu’on dise, c’est un homme qui une expérience politique merveilleuse. Donc je me suis aussi enrichi de son expérience. Il avait la gentillesse de bien vouloir me communiquer son savoir.

Géopolis : Vous avez donc fréquenté de grandes icônes. Ce qui augmente le niveau d’attente par rapport à vous-mêmes. Ce qui augmente le niveau de l’offre que vous allez faire…

Franck Mwe di Malila : Mais j’ai été aussi proche du professeur Vunduawe.

Géopolis : Aujourd’hui, vous n’êtes plus un jeune, vous êtes un homme d’âge mûr, même si relativement encore jeune. Comment se fait-il que nous avons eu des élections, on ne vous a pas entendu… nous avons un nouveau président, une nouvelle coalition… nous aimerions quand même avoir votre lecture sur la gouvernance actuelle. Comment vous l’appréhendez ?

Franck Mwe di Malila : Ecoutez, la gestion d’aujourd’hui est une gestion très compliqué parce qu’en réalité c’est une cohabitation qui ne dit pas son nom, on a voulu faire une coalition. Ce qui veut dire que chacun des partenaires doit cheminer l’un vers l’autre et ensuite, avec l’autre. C’est-à-dire qu’il doit faire des concessions et ce n’est pas toujours facile et il faut coupler ça avec les textes qui nous régissent. En réalité nous devions plus appliquer une cohabitation qu’une coalition. Mais comme je l’ai dis tout à l’heure, le président sortant, Joseph Kabila a voulu un large consensus. Je crois que c’est ce qu’il a voulu mettre en application. Maintenant c’est aux acteurs politiques de pouvoir au jour le jour dans leurs actions, ceux qui sont aux affaires pour l’instant, matérialiser cette pensée pour le bien de notre population, faire avancer les choses.

Géopolis : Les choses n’avancent donc pas, selon votre analyse…

Franck Mwe di Malila : Peut-être pas comme elles devaient. Si je lis votre propre journal, il y a des grèves, il y a des revendications, des déclarations.

Géopolis : Il y en avait aussi quand vous étiez au gouvernement…

Franck Mwe di Malila : Pas dans le ministère que je gérais, sauf aux Affaires Etrangères où il y avait des revendications totalement particulières.

Géopolis : Nous sommes déjà dans la coalition, les actions sont posées, le gouvernement se réunit. Tout Congolais a l’obligation de faire avancer les choses par son point de vue. S’il vous est demandé à vous de dire quelque chose, pour qu’on fasse vite et que les choses aillent dans le sens de l’intérêt du peuple. Que diriez-vous ?

Franck Mwe di Malila : Je ne suis plus aux affaires à proprement parler. Maintenant je dirai quelque chose de très simple dans le principe : Lorsqu’on fait partie de l’élite, et l’élite politique. Cela signifie quoi ? L’élite a la responsabilité de hisser la nation vers le haut. Et c’est ce qu’elle doit faire. L’élite se doit d’être suffisamment imaginative, réactive que pour pouvoir donner le meilleur à cette société.

Géopolis : Quand vous entendez parler des rumeurs non vérifiées ou peut-être pas fondées, que l’on parle de détournements des fonds publics, qu’on parle de décisions non concertées, de guerres des tranchés entre membres du gouvernement et de contradictions, ça vous inspire quoi ?

Franck Mwe di Malila : Cela m’attriste. Ça m’attriste tout simplement parce que cela ne va pas faire avancer notre nation vers le développement. Notre pays ne va pas se développer tant qu’il y aura des chamailleries, des querelles intestines au sein de l’exécutif.

Géopolis : Je vous sens un peu trop réservé. C’est quoi, la solidarité d’un ancien membre du gouvernement ?

Franck Mwe di Malila : Non je dis clairement les choses. Je pense qu’il est toujours facile de porter le jugement vu de l’extérieur. Mais lorsqu’on est à l’intérieur, il faut aussi savoir que l’action publique n’est pas toujours facile. Donc, je ne suis pas réservé, mais je suis simplement prudent, c’est tout.

Géopolis : Vous conduisez un mouvement politique, vous avez une formation politique. Aujourd’hui, quelle est l’offre ? Dans quelques mois, nous irons dans un autre processus électoral, Vous allez vous présenter aux élections. Quelle est l’offre Franck Apenela aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous avez comme idée principale, sur laquelle il peut se construire une adhésion ?

Franck Mwe di Malila : Moi je pense que c’est plutôt l’aspiration de la famille politique, plutôt qu’une offre en ce moment. Moi j’aspirerais à un Congo fédéral, puissant, au centre de l’Afrique et au cœur du monde et je pense que c’est possible. Nous en avons les moyens, y compris humains et matériels. Notre pays regorge de richesses.

Géopolis : Ce qui suppose que vous êtes pour une révision constitutionnelle, parce que nous ne sommes pas dans un Etat fédéral, nous sommes dans un Etat unitaire décentralisé. Si vous voulez d’un Etat fédéral, vous devez vous battre pour une révision constitutionnelle ?

Franck Mwe di Malila : Absolument !

Géopolis : Donc c’est une offre que vous mettez sur la table ?

Franck Mwe di Malila : Absolument. De toute manière, il faut une révision constitutionnelle. Vous savez, il ne faut pas avoir peur de l’Etat fédéral. J’ai entendu beaucoup dire que le pays va se disloquer…non, c’est totalement faux. C’est sera une autre manière de gérer. On a voulu la décentralisation pour plus de proximité démocratique. Mais aujourd’hui je pense que l’Etat fédéral s’impose, parce qu’avec l’Etat fédéral, nous allons pouvoir aller plus à même vers une meilleure administration, aussi bien au niveau culturel, parce que ça correspond beaucoup plus à notre culture. Même si nous chérissons tous notre pays, nous sommes aussi très attachés à nos régions et à leurs spécificités. Je pense le fédéralisme créera aussi de l’émulation, parce que cela va obliger les uns et les autres à aller vers beaucoup plus de rigueur dans la gestion et nous aurons beaucoup plus de résultats, à mon avis que ce que nous avons voulu appliquer avec la décentralisation qui en réalité, n’est même pas appliquée.

Géopolis : Vous voyez ça dans une configuration des 26 provinces, donc 26 Etats ?

Franck Mwe di Malila : C’est trop tôt pour le dire. Je pense que cela doit être guidé par des critères économiques et des critères culturels. Et en ce moment-là nous allons entamer des réflexions pour voir comment nous allons faire naitre des Etats fédéraux.

Géopolis : Quand nous regardons la gestion du pays, les prises de positions de partis politiques, la guéguerre de positionnement, nous nous rendons compte que votre souci devient de plus en plus périphérique dans la gestion de la chose publique. Qu’est-ce que vous pouvez conseiller pour que les gens reviennent un peu à la raison, plutôt qu’à la l’émotion ?

Franck Mwe di Malila : D’abord, il faut que nous ayons une idée en tête, c’est qu’il faut que nous extirpions la misère de ce pays et permettre à tous sur notre sol de vivre en paix et dignité.

Géopolis : La misère, elle est partout…
Stoppons la misère. Enrichissons notre pays, nous stopperons les crises politiques récurrentes et nous amènerons notre pays vers le développement.

Géopolis : Ce n’est pas de l’utopie, ça ?

Franck Mwe di Malila : C’est faisable. Mais il faut prendre certaines mesures pour le faire. L’une des premières choses à faire aujourd’hui c’est laquelle ? Tout le monde nous parle de la richesse du Congo. Mais tout le monde parle aussi du coulage des recettes. Prenons des mesures contre le coulage des recettes ! Commençons par exemple par numériser l’administration fiscale, nous aurons déjà fait un grand pas. On parle de nos ressources. Très bien ! Mais commençons par implémenter la traçabilité de nos ressources, les quantifier, comme ça nous saurons quelle ressource nous avons. Il y a un certain nombre de mesures que nous pouvons prendre.

Géopolis : Vous ne les voyez pas prises par l’actuelle gouvernance…

Franck Mwe di Malila : A mon sens s’il fallait les prendre, je dirai ceci, c’est comme les douze travaux d’Hercules : agir méthodiquement, métamorphoser notre tissu économique par les choix de grands axes de développements soutenus par des études, produits par des cabinets d’études de premier ordre, juguler la déperdition des recettes de l’Etat par numérisation, procéder à la suppression et à la diminution de certaines taxes, gérer les ressources naturelles par la certification de nos réserves et la traçabilité, supprimer l’exploitation artisanale de nos ressources, libéraliser le marché de l’électricité, non seulement dans la production, mais également dans la distribution et la commercialisation. Il faut lancer les grands travaux, ce qui veut dire déjà, à mon sens, pouvoir relancer le chemin de fer. Ce fût l’épine dorsale de l’économie du Congo de l’époque. Créer des aérogares faire de la R.D.C un carrefour de libre-échange en Afrique, maitriser notre démographie, substituer une administration bureaucratique par une administration agile, opérer la mutation de notre économie vers l’économie verte. Ensuite, il faudrait, à mon sens, que nous puissions garantir la sécurité juridique et judiciaire. Voilà un certain nombre des mesures que nous pourrons prendre.

Géopolis : Alors, il faut en parler, faites parler les parlementaires, des lobbys…

Franck Mwe di Malila : Au sein de ma famille politique, nous réfléchissons déjà.

Géopolis : Votre famille politique c’est quand même le FCC..

Franck Mwe di Malila : Absolument !

Géopolis : Vous pensez que le FCC est fédéral sous son socle ? Vous allez être obligé d’éclater, vous n’allez pas rester dans une famille politique où l’autorité morale, un certain nombre des leaders son eux, unitaristes…

Franck Mwe di Malila : Non, il y a une différence. Je ne pense pas que notre autorité morale a dit qu’il était unitariste. Ce que défend notre autorité morale et que nous défendons aussi et qui est d’ailleurs chère à Kengo, pour ne pas le citer, c’est la souveraineté nationale. La souveraineté nationale ne signifie pas que nous ne pouvons pas aller au fédéralisme. Il y a des compétences que seront dévolues aux Etats fédérés et il y a des compétences qui seront dévolues à l’Etat central.

Géopolis : Une dernière question quand même. Vous êtes du Moanda, au Kongo central. Il y a la question du port en eaux profondes. Et que l’on a opposé au projet pont route-rail, Kinshasa-Brazzaville. Quelle est votre approche d’homme d’Etat sur la question ? Est-ce que le projet du port en eaux profondes est opérationnel, n’est-il pas un leurre ?

Franck Mwe di Malila : C’est ni l’un, ni l’autre, pour moi, une question de viabilité du projet. Quand vous parlez d’un port ben eaux profondes, ça a un coût, ça demande des investisseurs. Bien que je sois pour le développement de partenariat public-privé, parce que, à mon sens, même les grands travaux devraient être lancés, mais il faut se poser des questions sur leurs viabilités. Aujourd’hui, je ne suis pas certain qu’économiquement ce projet soit viable. Si vous ajoutez à cela la construction du pont de Brazzaville, pour lequel je ne suis pas pour, parce qu’à mon sens, nous serons dépendant du port de Pointe Noire, alors que nous avons des ports que nous pourrions réhabiliter, qui sont le port de Matadi et le port de Boma. Je crois que la vraie question est : quelle est la viabilité du port en eaux profondes ? Si vous répondez à cela, je pense que vous aurez la réponse à votre question.

Géopolis : Je vais vous demander de faire deux messages. Vous avez la proximité de Léon Kengo Wa Dondo. Qu’est-ce que vous pourrez lui dire en public ? Le message que vous pouvez lui adressez via les médias ? Et puis enfin, un message pour la RDC qu’est-ce que vous supposez être le plus important pour le pays, vous pouvez le dire dans peu des mots. Quel serait ce double message ?

Franck Mwe di Malila : Le premier message, c’est : ça été une belle expérience, et pour moi-même à titre personnel, et je pense que notre pays a intérêt à s’inspirer de l’expérience de Kengo Wa Dondo, parce que Kengo Wa Dondo, c’est cette somme d’expérience dont nous devons tirer bénéfice à titre personnel et à titre collectif. Cela va nous aider à nous construire. Quant à notre pays, je pense que notre pays, la République Démocratique du Congo doit continuer à défendre sa souveraineté, sa spécificité ou ses spécificités. Mais en même temps qu’elle défend sa souveraineté, elle doit s’inscrire dans la marche du monde et elle doit le faire de la manière la plus efficiente possible.

Propos recueillis par WAK

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