Au pays, tous ou presque saluent le processus électoral qui a connu son épilogue le 30 décembre dernier, pour ce qui est de la présidentielle. A l’international, dans les capitales occidentales, ça été la fine bouche avant que tous rentrent dans les rangs. Mais la surprise est venue des Etats-Unis d’Amérique. Le 22 février dernier, un peu plus d’un mois après la publication, le pays de Donald Trump, par le biais du département d’Etat chargé de l’Afrique a rendu public un communiqué sanctionnant 5 personnalités Congolaises impliquées dans le processus électoral. Dans son communiqué, le département d’Etat cite nommément Corneille Nangaa, Norbert Basengezi, Aubin Minaku et même Bénoît Lwamba, président de la cour constitutionnelle. Le document accuse ces personnalités d’avoir «saper le processus démocratique ». Le même « brûlot » avait même fait part de ses « inquiétudes sur la conduite et la transparence du processus électoral.»
Mais voilà que moins de deux semaines après avoir annoncé des sanctions à l’encontre de ces personnalités Congolaises, les Etats-Unis d’Amérique, par le truchement de Tibor Naguy, secrétaire d’État adjoint pour les affaires Africaines, viennent de qualifier l’élection du 30 décembre dernier de « la meilleure élection » de l’histoire du pays. Tibor Naguy qui se prépare à visiter la RDC, mi-mars, a fait cette déclaration dans une interview accordée à Jeune Afrique. Le secrétaire d’Etat se défend de toute incohérence. Pour lui, tout est cohérent. Et d’ajouter : « En Occident, certains groupes regardent beaucoup en arrière. Nous voulons aller de l’avant. » Tout de même, cela n’empêche pas les Etats-Unis d’Amérique d’agiter d’autres sanctions. Ainsi que l’annonce Naguy, « Ne soyez pas surpris si d’autres noms sortent dans un futur proche. Nous sommes très déterminés. »
La double prise de position du département américain signifie-t-elle que les Etats-Unis se sont finalement rendus à l’évidence ? Car reconnaitre que les élections du 30 décembre ont été les meilleures de l’histoire de la RDC revient à décerner un satisfécit à la CENI, organisatrice du scrutin ainsi qu’à son président, l’imperturbable Corneille Nangaa. Cela est aussi un désaveu tacite aux fameuses sanctions. Les Etats-Unis se retrouvent dès lors devant ses propres contradictions. Sa première prise de position, la volte-face qui a suivi, constitue une politique versatile des pays occidentaux qui prédisaient l’apocalypse au pays de Lumumba, mais aujourd’hui surpris par la maestria des artisans du processus électoral. Aujourd’hui, force est de reconnaitre que non seulement l’Afrique toute entière salue ceux qui ont rendu possible le « miracle congolais », et envie à la conduite du processus électoral en RDC, mené avec une innovation technique qui a fait l’unanimité, c’est au tour des pays des vielles démocraties de se rendre à une évidence qui a sauté aux yeux de tous.
Dans les lignes qui suivent, l’interview du secrétaire d’Etat
Allez-vous rencontrer le président Félix Tshisekedi à Kinshasa?
Je l’espère. Je ne l’ai encore jamais rencontré, même si notre ambassadeur l’a fait. J’ai hâte d’échanger avec lui, d’en apprendre plus sur ses projets, sa vision pour son pays.
Diriez-vous que son élection a été libre et équitable?
C’est probablement la meilleure que le Congo ait jamais connu jusqu’à maintenant. Je comprends tout à fait et je respecte la manière dont les médias voient le monde : ils traitent d’événements. Les universitaires et les analystes s’intéressent plutôt aux processus. Si vous regardez les élections comme un événement isolé, bien sûr, vous lui trouverez d’importants défauts. Mais comme partie d’un processus, elles sont très positives. Ce qui est primordial, c’est que Joseph Kabila soit parti. Je pense que c’est une nouvelle ère pour la RDC. Les Congolais auxquels j’ai parlé sont, de manière intéressante, très optimistes. En Occident, certains groupes regardent beaucoup en arrière. Nous voulons aller de l’avant. Nous voulons coopérer avec le président Tshisekedi pour voir comment nous pouvons servir la cause du Congo et en finir avec ces choses horribles qui ont plongé le pays dans la misère.
Pourtant, les États-Unis ont sanctionné les principaux organisateurs de ces mêmes élections. N’y a-t-il pas une contradiction?
Pour moi, c’est très cohérent. Des millions de Congolais se sont rendus aux urnes de bonne foi. La majorité des candidats eux-mêmes a participé aux élections de bonne foi, en dépit de ce que disent les analystes. De l’autre côté, nous avons dit, tout au long du processus électoral, que ceux qui interfèrent dans le processus démocratique, ou provoquaient des violences, seraient passibles de sanctions des États-Unis. Certains s’en sont rendus coupables. Par conséquent, les États-Unis étaient fondés à appliquer des sanctions. Avec un processus qui connaît des problèmes significatifs, vous pouvez néanmoins avoir un résultat positif.
La corruption a été l’une des raisons avancées pour justifier ces dernières sanctions. Pouvez-vous être plus précis ? Cela a-t-il à voir avec le contrat d’acquisition des machines à voter auprès d’une entreprise sud-coréenne ?
Je ne donnerai pas dans les détails concernant chaque individu. Mais chaque situation a été étudiée avec beaucoup d’attention. Et d’autres sont encore en train d’être analysées. Ne soyez pas surpris si d’autres noms sortent dans un futur proche. Nous sommes très déterminés.
Quelle va être la politique américaine dans ce pays ? Allez-vous aider Félix Tshisekedi à gagner en indépendance vis-à-vis du camp de Joseph Kabila ?
Nous ne croyons pas au soutien des individus, mais au soutien aux processus. Le Congo a l’opportunité de changer de direction pour la première fois. Nous allons suivre les actions du gouvernement : les nominations, les lois, les processus… La Constitution congolaise dit des choses très intéressantes sur la manière de former le gouvernement. Des nouvelles coalitions vont se former. Peut-être même de nouveaux partis. Qu’adviendra-t-il des dirigeants en exil ? Tout ceci est très complexe et en évolution. Mais nous avons hâte de travailler avec le président Tshisekedi. Tous les pays amis du Congo veulent que ce dernier réussisse. Pendant des décennies, cela été un désastre qui a coûté la vie à de nombreuses personnes. Le Congo a été une force négative pour toute la région. Donc ce serait un soulagement immense s’il devenait une force positive.
Quelle est votre position sur ces leaders en exil que vous avez mentionnés? Appelez-vous le président congolais à leur permettre de retourner dans leur pays ?
C’est aux Congolais de décider. Je ne suis pas un expert en droit congolais. Mais en général, nous préférons que toutes les parties travaillent ensemble.
Il y a eu une controverse au Congo quant à savoir si le président Tshisekedi devait ou non appeler à la levée des sanctions américaines contre des sécurocrates proches de Joseph Kabila. Est-ce envisageable pour vous ?
Nous revoyons nos sanctions tout le temps, et pas seulement au Congo. Si les conditions changent, nous les passerons en revue. Je ne dis pas que cela arrivera forcément, mais cela peut arriver.
Quelle est votre position sur le nouveau code minier mis en place l’année dernière et qui a créé de nouvelles taxes pour les compagnies minières étrangères ?
J’ai peu d’informations à ce sujet. Souvent, quand un nouveau gouvernement arrive, il passe en revue les législations de ce genre pour voir s’il les change. Cela a été le cas au Nigeria dans le pétrole. Nous verrons donc ce qui advient. Mais notre politique générale est de s’assurer que les compagnies américaines aient les mêmes opportunités que les autres.

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com