Au parlement de l’Union Européenne, un élu, Marc Botenga, a obtenu le vote d’une Résolution suspendant l’accord entre l’Union européenne (UE) et le Rwanda. En effet, les parlementaires européens, réunis à Strasbourg, ont demandé, le 13 février dernier, à la quasi-unanimité, la suspension immédiate d’un accord signé en février 2024 avec le Rwanda. Vivement critiqué par Kinshasa, l’accord était accusé d’encourager » le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda ». Il y a deux semaines, le Gouvernement congolais avait plaidé pour son abrogation. Et les parlementaires leur ont donc donné raison. 443 voix pour, et seulement quatre voix contre. Une » victoire » pour l’euro député Marc Botenga, qui militait depuis près d’un an pour que cet accord soit suspendu, et auteur d’une proposition de résolution.
» Je pense que le défi est d’utiliser cette résolution pour mettre la pression sur la Commission européenne en disant que, pour votre politique, il n’y a plus de mandat démocratique. Et de l’utiliser à l’échelle nationale, de dire aux gouvernements et parlements nationaux qui n’auraient pas pris de mesures vis-à-vis de cette violation du droit international, de leur dire » agissez » pour ne pas être complice d’une guerre qui dure depuis presque trois décennies. »
S’agissant de la pression au niveau national en accompagnement de la Résolution du parlement européen, aussitôt revenu de Mining Indaba, le ministre national des Mines de la RDC, Kizito Pakabomba Kapinga Mulume, a signé un arrêté ministériel qui s’inscrit dans une politique plus large de réforme du secteur minier Congolais, visant à garantir une exploitation transparente, équitable et sécurisée des ressources naturelles. Ledit arrêté est accompagné de la liste des sites miniers qualifiés de » Zone ROUGE » par le Gouvernement congolais. Il s’agit des zones situées dans les territoires de Kalehe au Sud-Kivu et Masisi dans le Nord-Kivu riches en coltan et cassitérite.
Réactions pour ou contre ?
Interrogé par l’AFP, Mounir Satouri, euro député du groupe des Verts et président de la commission sur les droits humains, considère que » le partenariat stratégique UE-Rwanda sur les filières durables de matières premières était indéfendable dès le départ ».
Outre la demande de suspension immédiate du protocole d’accord, la résolution demande à la Commission de » geler l’aide budgétaire directe au Rwanda jusqu’à ce qu’il remplisse les conditions relatives à l’accès de l’aide humanitaire et à la rupture des liens avec le M23 » ainsi que le » gel de l’aide militaire et sécuritaire aux forces armées rwandaises ».
Selon des informations des sources concordantes recoupées, » des sanctions à l’encontre de personnalités de l’armée rwandaise sont également sur la table, sans que l’on connaisse leur identité. »
Dans le même temps, le ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévôt, demande des sanctions contre le Rwanda. » Nous devons avoir une réaction beaucoup plus forte que celle que nous ne connaissons aujourd’hui », a déclaré à la presse française le Chef de la diplomatie belge.
La Commission européenne finira-t-elle par trancher ? Kigali demeure l’un des partenaires privilégiés de l’UE sur le continent. En décembre 2023, l’UE avait annoncé que, dans le cadre de son programme de développement Global Gateway, plus de 900 millions d’euros allaient être alloués au Rwanda. En novembre 2024, 20 millions d’euros ont également été débloqués pour l’armée rwandaise, déployée dans le nord du Mozambique pour contenir l’insurrection jihadiste dans une région où l’entreprise française TotalEnergies s’est implantée. En attendant la réponse à cette épineuse question, les réactions continuent de tomber partout.
» Un premier pas contre l’invasion Rwandaise mais insuffisante face à la situation sécuritaire actuelle en République démocratique du Congo (RDC). L’Europe doit aller plus loin. », a estimé Mme Lydia Mutyebele Ngoi, députée fédérale belge et conseillère communale à la ville de Bruxelles.
» Aujourd’hui, c’est une certitude : malgré un vote quasi unanime du Parlement européen, cette Union européenne abjecte, immorale, antidémocratique, technocratique, impérialiste, vidée de toute humanité, ne fera rien. Des discours, des déclarations creuses, mais aucune action. Voilà la sinistre réalité. », a regretté M. Jean-François Le Drian, sur son compte X, un réseau social très prisé par les politiques dans le monde. Avant d’ajouter : » J’ai honte de l’État français, qui a renié la France, trahi son âme, et mis la raison d’État au service du chaos et du déshonneur national. Pendant ce temps, le Rwanda de Paul Kagame s’apprête à annexer purement et simplement le Kivu, sous le regard vide et complice de la communauté internationale (…). L’annexion du Kivu par le Rwanda s’inscrit dans une stratégie cynique de l’Union européenne, prête à tout pour sécuriser ses approvisionnements en minerais critiques, au mépris de toute morale. »
Selon Thierry Mariani, député français au parlement européen et président de la Droite Populaire, la Résolution suspendant l’accord entre l’UE et le Rwanda n’apporte AUCUNE garantie sur la traçabilité des minerais. Il se basera sur les seules déclarations du Rwanda. » Et vous autres, qu’en pensez-vous ? Quelle est votre lecture ?

Journaliste économique et chroniqueur des ressources naturelles.