Très attendu, Félix Antoine Tshisekedi séjourne depuis le week-end à Bruxelles. A la 10ème Rue Limeté, on confirme certes le séjour, mais on n’est pas toujours disert sur les véritables tenants et aboutissants de ce déplacement.
Un déplacement qui intervient dans un contexte particulier. La sélection des candidatures pour la présidentielle et les législatives de décembre a commencé à dévoiler ses secrets, en abandonnant particulièrement sur le bord de la route plusieurs ténors de l’opposition. Le cas de Moïse Katumbi Chapwe, empêché de la manière que l’on sait de présenter sa candidature et contraint à l’exil. Le cas, aussi, de Jean Pierre Bemba Gombo du MLC et de l’ancien Palu Adolphe Muzito Fumuntsi, tous deux invalidés par la Cour Constitutionnelle.
Bisbilles
Un climat plus que confus. Qui a, en plus, laissé des traces visibles dans les rapports entre opposants. Ces derniers n’ont pas toujours su s’épargner ces échanges aigres-doux d’amabilités sur fond de décision d’invalidation de la Haute Cour.
A l’exemple de ces propos pas toujours très diplomatiques du porte-parole de Félix Tshisekedi. Abraham Luakabuanga avait violemment repris le leader du Mlc après sa réaction à l’annonce de la décision de la Cour Constitutionnelle. Réaction au cours de laquelle Jean Pierre Bemba avait reproché à la Ceni et à la Cour Constitutionnelle d’être à la solde du pouvoir, les accusant de vouloir « éliminer les candidats sérieux » de la course, pour ne garder que de petits acteurs, a lu, selon son prisme, l’homme de l’Udps. Avant de juger les propos de Jean Pierre Bemba de provoquants, leur reprochant dans la foulée le mépris et la méconnaissance de l’histoire.
« Qu’il cesse ce petit discours d’illusionniste et prétentieux dépassé », avait martelé Luakabuanga, insistant sur le fait que « le passé qu’il tente de fuir ne cessera pas de le rattraper.»
Secrétaire général de l’Udps, Jean Marc Kabund y était allé de sa pique dans une déclaration impromptue à la base du parti, l’air ironique. « Lorsque la commission électorale nationale indépendante a invalidé leurs candidatures, avez-vous vu même une mouche sur la rue pour protester ? Si c’était nous… ! »
Des propos qui ont évidemment choqué plus d’un partenaire et provoqué un véritable malaise parmi les cadres du cabinet du président de la fille ainée de l’opposition congolaise, pas toujours contents des sorties médiatiques non maîtrisées de certains membres de l’exécutif de leur parti. Secrétaire générale du MLC, Eve Bazaiba, par ailleurs ancienne de l’Udps, est montée au créneau le 5 septembre pour dire tout haut tout le mal qu’elle pensait de ces dérapages, avant de mettre en garde contre les divisions que ce genre de propos pouvaient provoquer dans les rangs de l’opposition.
« Les hauts cadres de l’Udps doivent fournir beaucoup d’efforts pour comprendre certains concepts bien avant de réagir. Quand Bemba déclare que le pouvoir se choisit des opposants pour les prochaines élections, c’est une façon de montrer que si on l’a écarté, on peut également le faire pour un autre candidat de l’opposition ». Eve Bazaiba a pris exemple sur le débat relatif au diplôme de Félix Tshisekedi pour estimer que c’est une façon de vouloir le discréditer.
Conclusion, en forme de mise en garde, de la secrétaire générale du MLC : rester en lice n’est pas synonyme de remporter la victoire. Selon elle, il existe plusieurs manières d’écarter les candidats de l’opposition : « Ca peut être par la Ceni ou la Cour Constitutionnelle, par la prison, par l’exil forcé, mais aussi par l’empêchement de circuler librement pour mener la campagne électorale.»
Courbe rentrante
La tension était à l’évidence montée de plusieurs crans dans les rangs de l’opposition. Au point que plusieurs observateurs ont craint des déchirements irréversibles. Des voix se sont ainsi élevées de part et d’autre pour tenter de stopper le funeste engrenage.
D’où la courbe rentrante subtilement opérée la semaine dernière par Marc Kabund, nuançant ses propos ainsi que ceux du porte-parole du président de l’Udps. Pour Jean Marc Kabund, il n’a jamais été question de se moquer des leaders invalidés, pendant, justement, que la question de la candidature commune de l’opposition restait plus que jamais à l’ordre du jour.
Pour tenter de recoller les morceaux, les principaux leaders de l’opposition présents à Kinshasa ont saisi la balle au bond afin de surfer rapidement sur la vague de l’apaisement, au cours d’une rencontre vendredi à la résidence du leader de l’Udps. On pouvait y apercevoir, autour de Félix Tshisekedi, Martin Fayulu, Eve Bazaiba, Gabriel Kyungu, Pierre Lumbi, Marc Kabund.
Le linge ne s’est pas toujours lavé en famille et les rancoeurs n’ont évidemment pas disparu d’un coup de baguette magique, loin de là. Des vérités se sont cependant dites de part et d’autre de la table. Il en ressort que contrainte ou forcée, l’opposition n’a pas d’autre choix que de se remobiliser, d’être solidaire, de jouer crânement sa chance pour une véritable alternance, quel que soit celui qui va, demain, porter ses couleurs. Tous ont convenu que le plus important était d’arracher un processus électoral équitable et crédible. Il reste évidemment à savoir comment et avec quels moyens.
Stratégies unitaires
Evaluation du processus électoral. Mais aussi partage d’informations et d’analyses, définition des actions communes à entreprendre par rapport à l’invalidation cavalière de certains candidats, aux mesures de décrispation prévues dans l’accord de la St Sylvestre, à la machine à voter, au candidat et au programme commun de l’opposition.
Plus que jamais, l’opposition entend afficher son unité. C’est le message dont a été chargé Felix Tshisekedi qui a effectué le déplacement de Bruxelles où il devait retrouver Adolphe Muzito Fumuntsi, Jean Pierre Bemba Gombo et Vital Kamerhe pour une grande messe de l’opposition.
Il est évident que ce n’est pas du jour au lendemain que la fumée blanche sortira de la cheminée, tant le travail reste immense et les blessures parfois vives. N’empêche, c’est à des moments comme ceux-ci que l’opposition devra faire preuve de maturité et de responsabilité. Quitte à tenter une chance qui reste maigre face aux attentes des populations et de la communauté internationale.
AMBANK

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com