Après le dépôt des candidatures à l’élection présidentielle du 23 décembre 2018, l’opinion publique congolaise assiste à une série de présentation des programmes de gouvernement par les différents candidats dans la course pour la magistrature suprême. Quelques-uns se sont déjà livrés à cet exercice démocratique, les autres entendent le faire dans les tous prochains jours. Parmi ceux qui l’ont fait, nous citerons Vital Kamerhe Lwa Kanyingini de l’Union pour la nation congolaise (UNC), Martin Fayulu de l’Engagement citoyen pour le développement (Ecidé), Félix Antoine Tshisekedi de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Yves Mpunga de la Lutte pour un Congo Moderne (LCM), Seth Kikuni/Indépendant, Freddy Matungulu de Congo Na Biso (CNB), et Jean-Philibert Mabaya de la plateforme Arc-en-ciel du Congo. Tous ont avancé des chiffres et tous ont promis d’améliorer les conditions sociales des congolais. Tous ont également promis de rompre avec le passé, en mettant en œuvre des actions de développement socio-économique du pays. Mais la question qui doit être posée est celle de savoir comment ces candidats président comptent-il mobiliser les ressources financières nécessaires à la mise en œuvre de leurs projets de société ? Dans l’attente d’une réponse à cette question et dans un premier temps, Géopolis Hebdo explore les programmes de quelques candidats président en vue d’y dégager les différentes pistes de financement.

Vital Kamerhe

Le Président national de l’UNC a présenté son programme de gouvernement vendredi 28 septembre 2018, à la veille d’un grand meeting populaire de l’opposition. Vital Kamerhe Lwa Kanyingini Kingi a présenté un projet intitulé : « J’aime le Congo, nous aimons le Congo », un projet évalué à 114 milliards de dollars américains, répartis sur 5 ans. Vital Kamerhe entend mettre en œuvre ce programme à travers des piliers importants. A la question de savoir d’où proviendrait les ressources financières de cet ambitieux programme, le président de l’UNC dit compter sur l’importante réserve en ressources naturelles que regorge la RDC mais aussi sur les recettes fiscales.

Pour vital, « la RDC regorge 153 millions d’hectares de forêt, soit environ 65% des forêts du bassin du Congo représentant la deuxième forêt tropicale du monde. Avec ses importantes tourbières, notre pays est une solution dans la lutte contre le réchauffement climatique ».

Avec ses 120 millions d’hectares de terres arables, dont environ 80 millions directement accessibles et 40 millions irrigables, Vital Kamerhe croit savoir que ce pays-continent constitue une solution contre la famine dont souffre l’humanité.

Sur le plan minier, estime le candidat président de la République, la RDC est un véritable espoir de l’humanité parce qu’elle renferme 63% des réserves mondiales de Cobalt, principale composante dans la fabrication de batteries des voitures électriques, une des solutions dans la réduction de l’émission du gaz à effet de serre.

« Voilà pourquoi, je suis votre candidat à la présidence de la République Démocratique du Congo, afin qu’avec toutes ces richesses naturelles innombrables et inégalées citées ci-haut et dont la liste n’est pas exhaustive, vous, peuple congolais et moi, votre humble serviteur, nous développions notre pays », affirme Vital Kamerhe dans son programme de gouvernement tout en se disant disposé à travailler ensemble, avec le concours des partenaires bilatéraux et multilatéraux, pour que rapidement, le Congo soit hissé au rang des puissances mondiales sur le plan économique.

Pour y parvenir, conclut Vital Kamerhe, « je vais asseoir un leadership responsable, visionnaire et rassembleur, au service du peuple, et investir dans l’homme congolais dans toutes ses dimensions ».

Félix Tshisekedi

C’est le mercredi 15 août dernier que le Président national de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), a présenté au public son programme de gouvernement. Intitulé « Vaincre la pauvreté », ce programme est évalué à 86 milliards de dollars américains répartis sur 10 ans. A travers ce projet, Félix Antoine Tshisekedi entend faire de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille.

Pour y parvenir, le Président de l’UDPS se base sur trois piliers importants en vue d’accomplir son rêve de voir le Congo devenir un pays émergent et prospère, à l’image des grands pays occidentaux.

Dans son projet, Fatshi place l’homme au centre du développement du pays. Pour lui, l’homme est la voie primordiale pouvant faciliter l’émergence du pays, notamment en travaillant d’arrache-pied pour éradiquer la pauvreté.

Comment alors mobiliser les ressources

Fatshi promet, une fois élu, de mobiliser toutes les énergies possibles, les moyens d’Etat et les appuis extérieurs pour développer le pays le plus rapidement possible.

Outre l’homme, Félix Tshisekedi entend tourner son regard vers la croissance économique avec un taux de 25% qu’il espère largement améliorer une fois à la tête du pays. Le candidat président de la République prévoit de mettre sur pied une société solidaire, animée par l’amour de la patrie et l’esprit nationaliste, en mettant fin bien évidemment à la corruption et à l’impunité.

Dans son programme, Tshisekedi Fils compte également sur les recettes fiscales et celles provenant des sociétés publiques. Il affirme haut et fort que lorsqu’il sera au pouvoir en RDC, il va multiplier par 5 le revenu annuel des congolais qui pourra passer de 450$ en 2018, à 4.288$.

Pour l’UDPS, il est étonnant que la RDC considérée comme un scandale géologique par ses richesses naturelles du sol et sous-sol vive dans la misère, comme pour dire que les moyens nécessaires de financement de son programme proviendront aussi du potentiel que regorge la RDC.

Samy Badibanga

« Si je me suis engagé en politique(…), c’est pour mener la guerre à la pauvreté et aux inégalités. La corruption et les violences qui en sont les résultats, bloquent le développement de notre pays ». C’est avec ces lignes que Samy Badibanga ouvre son programme. L’ancien premier ministre promet, s’il est élu, de mobiliser de 80 à 100 milliards de dollars américain de budget annuel. Et aussi entre autres, mobiliser 50 milliards de dollars américains de réserves dans le Fonds de Développement Durable de la RDC. Des chiffres ambitieux.

Mais, s’il faut ne prendre que le montant proposé par le candidat des Progressistes pour le budget annuel, ce montant fait vingt fois le budget actuel de la RDC. Quel moyen va utiliser l’ancien chef du gouvernement pour mettre en œuvre son projet ? Badibanga entend s’attaquer à la corruption qui, selon ses propres termes, « crée la pauvreté et prive l’Etat de ses moyens ».

Au-delà des discours, c’est des réformes que Samy Badibanga dit vouloir entreprendre. Des réformes de politique publique et de finances publiques.

Pour arriver à un changement et un redressement des finances, outre la lutte contre la corruption, le candidat des progressistes compte mettre en place un impôt unique, la flat tax. Grâce à la flat tax, qui n’est pas une taxe unique, mais un taux unique de taxation à 10%, la fiscalité sera simple et lisible, estime Badibanga qui veut qu’à travers cette réforme fiscale, l’assiette fiscale s’élargisse pour augmenter les recettes. La flat tax permetrra d’arriver en trois ans, à un budget annuel de 25 à 40 milliards de dollars et de 80 à 100 milliards en 5 ans.

Cette réforme va, à en croire Badibanga, réduire le secteur informel de 50%. Samy Badibanga compte essentiellement agir sur les finances publiques qu’il qualifie de « nerf de la guerre contre la pauvreté et les inégalités ».

Le candidat progressiste propose aussi de fusionner en une « Autorité des revenus » de l’Etat, les régies financières telles que la DGI, la DGRAD et la DGDA.

Cela pour assurer une meilleure gestion et un meilleur contrôle des recettes publiques à travers une comptabilité unique du Trésor public. Un accent particulier sera mis sur les douanes.

La douane, Samy Badibanga Ntita la veut moins couteuse. Des réformes, onze au total, sont prévues pour augmenter le trafic commercial et multiplier les recettes fiscales de l’Etat. Selon l’ancien premier ministre, la capacité de mobilisation qu’il donnera à la RDC grâce aux différentes réformes, va permettre le pays à retrouver aussi sa capacité d’emprunt sur les marchés internationaux.

Toutes ces réformes auront une conséquence directe sur les finances publiques. Badibanga Ntita compte également créer un nouveau climat d’investissement pour attirer des capitaux.

Enfin, la RDC étant un pays qui tire l’essentiel de ses revenus du secteur minier, une plateforme électronique pour contrôler la production et l’exportation sera mise en place en vue d’éradiquer la fraude et donc accroitre les recettes de l’Etat.

Martin Fayulu

Porteur du projet de Société de la Dynamique de l’Opposition pour l’Unité d’Action, le candidat Martin Fayulu a présenté un budget quinquennal de 190 milliards de dollars américains.

Selon ses projections, le candidat président de la République table sur une moyenne annuelle de 38 milliards de dollars américains pour financer des projets de société. Pour ce faire, le président national de l’Engagement pour la Citoyenneté et le Développement promet de livrer une guerre sans merci à la corruption. Raison pour laquelle, Fayulu Madidi envisage de piocher ces revenus sur 6 pistes.

Premièrement, le député national de Kinshasa compte cibler les régies financières. La Direction Générale des Impôts, la Direction Générale des Recettes Administratives et Domaniales et tant d’autres structures de l’Etat sont à même de mobiliser plus de 5 milliards de dollars américains.

Ces recettes représentent pour Martin Fayulu, des ressources internes. Concernant la lutte contre la corruption, le candidat-président s’appuie sur les rapports du Conseiller Spécial du Président Joseph Kabila en la matière.

L’ancien Ministre de la Justice, Luzolo Bambi a fait savoir que plus de 15 milliards de dollars américains échappent aux caisses de l’Etat à cause de la corruption. Ce « coulage de recettes » comme l’avait qualifié l’ancien Premier Ministre, Augustin Matata Ponyo doit être stoppé, estime Martin Fayulu. Sur ce terrain, le candidat projette de mobiliser 12 milliards de dollars américains.

Parmi les cibles de Fayulu, la coopération internationale. Ici le candidat-président pense au renforcement des relations avec les Etats-Unis, la Chine, la Grande Bretagne. Il espère qu’avec la mise en place d’une gouvernance responsable mettant en avant les droits de l’homme notamment, le pays peut mobiliser plus de 3 milliards de dollars grâce à la coopération à l’image des pays comme l’Egypte qui reçoit plus de 2 milliards de dollars des américains grâce à la coopération.

L’Etat de droit que le candidat-président projette d’instaurer dans le pays permettra selon lui, d’attirer les investissements. A ce niveau précis, le candidat estime à 6 milliards de dollars les recettes mobilisables.

La croissance économique constitue pour Martin Fayulu, une autre opportunité pour booster le développement du pays. Une fois élu, l’opposant promet de mobiliser des recettes grâce à la croissance économique du pays. Martin Fayulu n’a pas non plus oublié les emprunts nationaux et internationaux pour soutenir les efforts du développement du pays.

Yves Mpunga

Candidat président de la République pour le compte du Regroupement politique, « Première Force Politique », Yves Mpunga dispose d’un projet de société basé sur l’économie numérique. Lui-même, informaticien de haute facture, Mpunga Mbomba propose d’instaurer une gouvernance numérique au Congo-Kinshasa. Pour réunir les 405 milliards 500 millions de dollars américains durant ses 5 années de pouvoir, le candidat-président prévoit d’informatiser tous les secteurs de la vie sociale du pays. Interrogé par Géopolis, Yves Mpunga explique son plan de déploiement pour mobiliser les recettes de l’Etat. « Lors que vous voulez payer votre facture à la REGIDESO, vous n’avez pas besoin d’aller vers un agent de l’Etat mais vous avez à faire au distributeur de la banque ou à internet où à l’aide d’un code de payement automatique pour régler votre facture », fait savoir le candidat avant de menacer que « l’argent de l’Etat ne passera plus par les mains des individus.»

Dans son entendement, le président national du parti politique, Lutte pour un Congo Moderne voudrait élargir cette numérisation sur toutes les régies financières du pays pour contrer l’évasion fiscale et la corruption qui ronge la société congolaise. Parmi ses stratégies de mobilisation de recettes, Yves Mpunga envisage de miser sur la TVA, (Taxe sur la Valeur Ajoutée). Ici, le candidat projette d’homologuer les taxes que ça soit chez les grossistes ou les détaillants. L’objectif étant de contrôler les flux commerciaux en gros et en détail.

Les mines avec l’opacité dans la gestion des carrés miniers, la douane ou encore les postes et les télécommunications figurent sur la liste des secteurs à réformer par le candidat-président. Yves Mpunga qui dispose du programme ambitieux jamais présenté par un candidat à l’élection présidentielle en RDC estime à 40 ou 50 millions de dollars, les recettes publiques échappant aux caisses de l’Etat à cause de l’absence de l’informatisation du secteur financier du pays. Grace à la carte d’identité nationale qu’il envisage d’imposer à tout congolais, Yves Mpunga espère pouvoir aider l’Etat qui pourra être en mesure de contrôler les mouvements de tout citoyen pour identifier ceux qui sont ou non en règle avec la fiscalité. « Pour moi, la gouvernance numérique permet d’éviter aux citoyens de manipuler l’argent de l’Etat qui occasionne la corruption », répète-t-il avec insistance.

Dans sa stratégie de mobilisation des recettes, le candidat-président propose la mise en place d’un tribunal de compte et d’une police économique, électronique et fiscale composées des experts pour suivre le fonctionnement de l’Economie numérique qu’il envisage d’instituer dans le pays une fois élu président de la République. Pour lui, la fibre optique, la banque commerciale de l’Etat devra avoir de succursales sur toute l’étendue du pays pour booster la croissance économique avec comme conséquence, la promotion de la classe moyenne. 300 dollars américains comme salaires minimum, 5.000.000.000 pour l’éducation, 2.500.000.000 pour l’investissement dans les églises: 5.000.000 pour mécaniser l’agriculture, Yves Mpunga espère défier tous les pronostics sur son ambitieux programme qu’il compte mettre en œuvre dès sa prise du pouvoir.

Patrick Ilungam José-Junior Owawa et Théodore Ngandu

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