Comme à l’approche de chaque élection depuis le milieu des années trente aux Etats-Unis d’Amérique et vers la fin de la décennie en France, les institutions de sondage se livrent dans les enquêtes d’opinion pour tester la popularité des acteurs politiques auprès des leurs potentiels électeurs. En République Démocratique du Congo, cette pratique longtemps prisée dans le secteur privé fait ses premiers pas sur la scène politique. Depuis son avènement, elle semble de plus en plus faire l’objet d’interprétations aussi diverses que controversées écornant par conséquent, la crédibilité même de leurs auteurs. Alors que le pays se trouve à jeu de pierre de la tenue de son troisième cycle électoral de la troisième République, les sondeurs multiplient des rapports sur la personnalité des candidats. Une aubaine certes pour certains candidats plébiscités mais aussi, une fausse affaire pour ceux relégués par les enquêtés. Si le premier rapport de l’institut de sondage «Les Points» donnait le candidat Président de la République du Front Commun pour le Congo (FCC), Emmanuel Ramazani Shadary, gagnant, celui du Bureau d’Etudes, Recherches et Consulting International (BERCI) par contre place le leader de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), Félix Tshisekedi, en tête sur la liste des 20 candidats en course. Une bonne affaire certes pour l’opposant mais aussi un commun diviseur au sein de sa composante qui est pourtant à la recherche de son unité en vue de la désignation du candidat commun à la prochaine élection présidentielle.
Dans l’espace d’une semaine, deux sondages. Deux enquêtes d’opinions aux conclusions contradictoires ! Entre BERCI et Les Points, qui dit mieux ? Difficile de répondre à la question car, il ne s’agit jusqu’ici que des intentions de vote. Mais malgré ce caractère provisoire de la chose, la démarche est diversement commentée au sein de la classe politique congolaise.
Contrairement à leurs satisfactions aux conclusions de Les Points qui plébiscitent Emmanuel Ramazani Shadary avec un peu plus 80 % d’intentions de vote, les partisans du pouvoir rejettent en bloc le verdict de BERCI. Pour eux, ce rapport du Bureau d’Etudes, Recherches et Consulting International, concocté en collaboration avec le Groupe d’Etudes sur le Congo, est tout simplement orienté pour favoriser l’opposition. Au sein de l’opposition, le plébiscite de Félix Tshisekedi divise qu’il ne rassemble la composante. Egalement cité par les rédacteurs du rapport, le candidat-président de la République, l’opposant Freddy Matungulu estime que ce rapport est tout simplement biaisé et manque de crédibilité.
« L’objectif du sondage est double : promouvoir le candidat plébiscité et minimiser ma stature politique aux yeux de l’opinion nationale et internationale », s’est-il exprimé avant d’ajouter : « le GEC qui l’a réalisé, est, à travers PamojaUSA, un soutien actif de ce candidat.» Sur son compte Facebook, Noël Tshiani ne dit pas autre chose à ce propos. Candidat-président lui aussi, l’opposant fustige « un sondage BERCI qui atteste que la politique congolaise est faite de manipulations mensongères » par le fait qu’en RDC, « on connait pour qui ce soit disant Institut des sondages roule.»
Autant de réactions négatives sur les résultats de ces sondages qui minent d’avantage l’unité d’une opposition plus que jamais fragilisée depuis la décision de l’UDPS d’aller aux élections « avec ou sans la machine à voter », en dépit de l’hostilité d’un bonne partie des leaders de l’opposition vis-à-vis du dispositif technologique prévu pour servir d’instrument de vote lors des prochains scrutins projetés au 23 décembre 2018.
Dans les milieux des observateurs, l’on redoute l’accentuation des divisions au sein de la composante opposition avec la publication de ces résultats des sondages.
Chaque acteur ayant une idée plus ou moins claire de son poids politique au sein de l’opinion publique tentera de radicaliser sa position, du moins pour ceux qui sont mieux côtés, laissant pour compte le reste des compétiteurs.
Quoi que légitime, la démarche pourrait s’avérer suicidaire. Le sondage n’étant pas le vote en soit. Pour l’heure, les chances pour les opposants, du moins pour ceux engagés dans la logique de se trouver un candidat commun à la prochaine présidentielle, s’effritent d’avantage suite aux derniers développements issus de la construction de cette opinion publique à travers les sondages. Or, des spécialistes préviennent que les sondages ne prédisent pas le résultat d’un vote…
« On mesure les intentions de vote à un instant ‘t’. Dans un environnement politique instable comme le nôtre, il serait présomptueux de dire: on avait vu juste », explique Jérôme Fourquet, le directeur du département Opinion & Stratégies de l›IFOP en France.
Yves-Marie Cann, qui dirige les études politiques d›Elabe, estime quant à lui que « les sondages permettent au fil d›une campagne de rendre compte de dynamiques ».
En 1995, les sondages donnant Edouard Balladur en tête n›ont pas empêché Jacques Chirac de finalement l›emporter. A mesure que sa stratégie électorale portait ses fruits, les sondages ont pris acte de sa dynamique. Mais malgré cela, les sondages pourraient néanmoins influencer les résultats. La stratégie pour l’opposition ne serait pas de capitaliser ces résultats des sondages pour réajuster ses alliances à l’interne en vue de maximiser ses chances d’emporter ? Une hypothèse qui devra se vérifier d’ici quelques jours.
José-Junior Owawa

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com