Le paysage politique en république démocratique du Congo est en pleine mutation. Il enrôle maintenant, plus que par le passé, des citoyens qui, à priori, n’étaient pas destinés à la carrière politique. La plupart sont candidats. Mais ceux qui ne le sont pas, ne se privent plus de porter leur jugement sur la conduite des affaires publiques. Ce sont des chanteurs, des hommes de l’art dramatique, des journalistes, des animateurs Télé, des opérateurs culturels. Des citoyens qui pour la plupart, ont réussi à se faire déjà un nom dans leur domaine respectif. Si autrefois la politique était un monde réservé aux seuls initiés, il y a 12 ans, à la faveur du premier cycle électoral, hormis le votez-vert des années Mobutu, l’on avait vu et caricaturé le cafouillage général qu’il y avait autour des candidatures pour les législatives, cette fois encore, la scène politique enregistre un nouveau type d’engagement politique. Le monde du show-biz donne de la voix désormais. Géopolis hebdo qui scrute cette mutation de la scène politique, vous donnera à lire ces candidats pas comme les autres. Aujourd’hui, votre journal vous propose une interview exclusive d’Ados Ndombasi. Candidat député à la fois aux législatives nationales et provinciales, l’opérateur culturel n’a pas sa langue dans sa poche. Pour lui, « L’Etat est totalement absent ».

Interview

Vous êtes opérateur culturel avec un nom qui est connu. Mais vous vous êtes lancé dans la course pour les législatives provinciales et nationales. On peut savoir ce qui vous a motivé ?

Vous l’avez si bien dit, je suis opérateur culturel. Mais, j’aime bien me présenter comme comédien, metteur en scène, producteur, initiateur et coordonnateur général du festival Toseka, mais aussi président de la plateforme culturelle Watubalabala. Cela fait 25 ans que je suis dans le monde culturel. Mais depuis, il n’y a pas eu d’avancée, pas d’amélioration. Aujourd’hui, l’artiste culturel que nous sommes est totalement abandonné. Il est dans la galère. Nous organisons aujourd’hui, le plus grand évènement culturel du pays, le festival Toseka. Malheureusement, c’est un festival qui ne reçoit pas les subventions de l’Etat. Sous d’autres cieux, un tel évènement devait être soutenu. Nous avons réhabilité le théâtre de verdure qui est le plus grand espace culturel du pays. Mais malheureusement cet espace souffre encore du financement de l’Etat. Quand je regarde le nombre d’infrastructures culturelles que nous avons en RDC, je me dits que c’est une honte pour ce pays. S’il faut faire une certaine comparaison. On prend un pays comme la France qui a plus de 10 000 salles de spectacle. Nous en RDC, nous n’avons que 10 salles. La France a plus de 5000 cinémas. Combien de cinémas avons-nous en RDC ? Ils ont plus de 3000 musées. Combien de musées avons-nous ici ? Bref, on sent que l’Etat est totalement absent. C’est pour cela que nous nous sommes dit qu’il est important pour nous de devenir législateur pour proposer des lois. Que la RDC puisse avoir une politique culturelle, que l’artiste culturel puisse être doté d’un statut et que le gouvernement puisse investir dans le secteur culturel parce que ce secteur peut rapporter beaucoup d’argent à l’Etat. Mais pour qu’il rapporte, il faut le faire comme on fait ailleurs. Par exemple, la France investit plus de 10 milliards d’euros dans le secteur culturel qui rapporte plus de 58 milliards d’euros, plus que l’industrie automobile. Mais malheureusement, cela n’est pas le cas. Je fais le constat que depuis 1997, il y a eu 14 ministres de la culture. Mais j’ai l’impression que ce sont des stagiaires, des gens qui n’ont aucune vision, qui n’ont pas conscience de nos problèmes.

Dans une de vos interviews accordées à des confrères, vous avez eu ces mots : « La RDC mérite mieux.» pouvez-vous préciser le sens profond de cette phrase ?

Vous savez, le peuple congolais est le résultat de ses dirigeants. Je pense que nous sommes dirigés par une classe politique irresponsable. La RDC a besoin des dirigeants qui travaillent, ceux qui ont une vision claire. Un pays qui est si riche ne peut pas vivre dans cette pauvreté. Lorsque vous avez des rapports de la FAO qui expliquent clairement qu’au Congo, il y a plus de 15 millions de personnes qui souffrent de la malnutrition, je me demande on parle de quelle République Démocratique du Congo. Je ne comprends pas aujourd’hui le taux de mortalité qu’il y a. Nous n’avons pas de sécurité sociale. Parlons de l’éducation, il y a plusieurs enfants qui n’étudient pas parce que l’Etat est démissionnaire. Mais la constitution dit que l’enseignement primaire est gratuit. Parlons de la justice, regardez comment la corruption a gangrené le pays. Des ministres sont capables d’acheter des dizaines des villas, mais l’Etat est incapable de construire des hôpitaux. On est incapable de construire des routes. Regardez ce qui s’est passé à Mbuba, des gens qui brulent, ils ont été transportés sur des motos, dans des voitures au lieu des ambulances. Le problème de la sécurité. Depuis plus de 20 ans, on tue, on viole à l’Est. Bref, le Congo mérite mieux.

Vous ambitionnez d’être député. Or le rôle d’un député c’est d’édicter des lois et de faire le contrôle parlementaire. Pensez-vous que vous, en étant député, vous allez changer le tableau sombre que vous venez de peindre ?

C’est un challenge. Chaque jour j’essaie d’apprendre un peu plus sur la RDC. Chaque jour j’essaie d’enrichir ma pensée pour sortir le Congo du gouffre. En tant que député, j’aurai la possibilité d’interpeller certains ministres qui gèrent certains secteurs importants. Je vous ai parlé de la pauvreté. Qu’est-ce qui manque à la RDC d’investir dans l’agriculture par exemple ? Vous avez vu ce qui s’est passé avec l’histoire de Bukanga Lonzo, avec 400 millions investis, mais aujourd’hui, Bukanga Lonzo a fermé. Personne n’a été interpellé. Nous serons là pour proposer des lois et faire le suivi. Pourquoi on n’investit pas dans l’élevage à grande échelle ? Notre mandat nous permettra de prendre conscience du niveau du mal de notre pays. Nous avons parlé de l’éducation. L’éducation est la colonne vertébrale d’un pays. Sans éducation, on est un peuple faible. Il est important que les enseignants soient bien payés pour qu’ils puissent investir leur énergie dans la vie de nos enfants.

Vous êtes candidat pour le compte de la Dynamique de l’Opposition. Ne craignez-vous pas que votre voix soit happée par la majorité, si vous n’êtes pas dans cette majorité ?

Ce que je sais c’est qu’il y a la possibilité de faire des alliances quand on est au parlement. L’idéal c’est ne pas être un opposant aveugle. Mon souhait à moi c’est d’améliorer le quotidien des congolais. Et si je dois faire des alliances qui ne trahissent pas le Congo, je le ferai. Si on a la possibilité d’intégrer même l’exécutif, au ministère de la culture ou du tourisme, nous apporterons notre expertise.

Que répondez-vous à ceux qui disent que les opérateurs culturels viennent en politique juste par appât du gain ?

C’est totalement faux. Je pense qu’il faut définir ces opérateurs culturels. Je vous ai présenté mon CV, ce que je suis, un bon comédien qui a représenté valablement son pays sur le plan international, un bon metteur en scène, un bon producteur. Nous avons réhabilité le théâtre des verdures avec nos propres moyens, avec plus de 300 000 dollars dépensés. C’est totalement faux, pour ce qui est de notre cas.

Propos recueillis par Patrick Ilunga

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