Le paysage politique en république démocratique du Congo est en pleine mutation. Il enrôle maintenant, plus que par le passé, des citoyens qui, à priori, n’étaient pas destinés à la carrière politique. La plupart sont candidats. Mais ceux qui ne le sont pas, ne se privent plus de porter leur jugement sur la conduite des affaires publiques. Ce sont des chanteurs, des hommes de l’art dramatique, des journalistes, des animateurs Télé. Des citoyens qui pour la plupart, ont réussi à se faire déjà un nom dans leur domaine respectif. Si hier la politique était un monde réservé aux seuls initiés, il y a 12 ans, à la faveur du premier cycle électoral, hormis le votez-vert des années Mobutu, l’on avait vu et caricaturé le cafouillage général qu’il y avait autour des candidatures pour les législatives, cette fois encore, la scène politique enregistre un nouveau type d’engagement politique. Le monde du show-biz donne de la voix désormais. Géopolis hebdo qui scrute cette mutation de la scène politique, vous donnera à lire ces candidats pas comme les autres. Aujourd’hui, votre journal vous propose une interview exclusive de l’artiste Jean Goubald Kalala. Candidat député à la fois aux législatives nationales et provinciales, le chanteur qui se dit « aigri », corse sa pensée et le dit tout haut.
Interview
Géopolis Hebdo: Quelle est la motivation réelle des personnalités du monde du show-biz dans leur engagement politique ?
Jean Goubald : D’abord, je ne peux pas parler à la place de toutes ces personnes parce que je les connais. De toutes ces personnes avec qui j’ai travaillé dans le monde de musique, je peux parler pour Lexxus (Lexxus Légal, Ndlr), je peux parler pour Ados (Ados Ndombasi, Ndlr). Nous ne sommes pas en train d’entrer dans la chose publique aujourd’hui, nous y sommes depuis toujours. A suivre mes textes, à écouter les textes de Lexxus, vous sentez l’âme du patriote parler. Nous ne sommes pas des parvenus dans le monde politique. On croyait que l’on pouvait parler aux Congolais de là où on est en tant qu’artistes. On croyait dire des choses aux oreilles qui peuvent entendre et écouter en même temps, mais on a comme l’impression que l’oreille du Congolais est rouillée à telle enseigne que des phrases sensées, sujet verbe, complément ne passent plus. On a toujours fustigé des choses dans nos textes qui eux baignent dans des sons, des harmonies. Nous nous sommes dit que les gens ne savent pas écouter nos textes parce qu’il y a du bruit à côté. On a choisi de dénuder nos textes des harmonies. On va les dire dans l’hémicycle. Là où les décisions sont censées se prendre
Pour ce qui est de votre cas, vous avez dit que vous êtes indigné. On peut savoir pourquoi ?
Indigné de voir le pays le plus riche du monde avoir le peuple le plus misérable du monde. Indigné de voir le pays qui doit donner au monde, avoir le peuple qui demande, un peuple mendiant, dirigé par des mendiants qui ne savent pas transformer le potentiel que l’on a dans le pays en richesse. Un peuple dirigé par des gens qui acceptent que le Congo est pauvre. Ce n’est pas le Congo qui est pauvre, ce sont les dirigeants qui ont un cerveau pauvre et Ils inculquent cette pauvreté dans la tête du peuple. Les dirigeants Congolais sont esclaves de la chair, esclaves de leur égoïsme.
Votre engagement en politique signifie que vous tirez un trait sur la musique ?
Non. Pas du tout. Je suis foncièrement musicien et artiste. L’art est au-dessus de la politique. Mais quand les artistes se cantonnent dans le monde de rêve et regardent leurs frères et sœurs être maltraités et ne pas descendre pour contribuer à l’élaboration des richesses de leur peuple, on devient complice et coupable.
Vous vous engagez en politique. Mais ça sera dans quel parti politique ? Comment vous allez faire pour vous faire élire ?
Je suis une émanation de ce peuple qui souffre. Je me suis aligné du côté des gens qui peuvent parler au nom du peuple qui souffre. Je me suis aligné du côté de la Dynamique de l’Opposition. Je ne peux pas aller avec ceux qui dirigent parce qu’ils font partie des gens qui font souffrir le peuple. Les pays voisins sont en train d’attaquer le peuple, les dirigeants ne font rien. J’ai entendu un Angolais insulter un Congolais et cela en lingala. C’est-à-dire que c’est un Angolais qui a été nourri au Congo et qui aujourd’hui en guise de remerciement, l’insulte. Et les dirigeants ne font rien. J’ai même l’impression qu’ils sont complices.
Vous dites que vous êtes dans la Dynamique de l’opposition. Il y a une plateforme qui s’appelle Dynamique de l’Opposition de Martin Fayulu. C’est celle-là ?
Oui. C’est celle-là
Dans l’hémicycle, si jamais vous êtes élu, vous ne craignez pas que votre voix soit happée par la majorité ?
C’est quoi la majorité? Des gens qui ne font que nourrir leurs estomacs ? Ou la majorité des gens qui disent vrai et portent la voix du peuple ? C’est quoi la majorité ? Cette majorité qui ferme les yeux devant la souffrance du peuple qu’elle est censée représenter. La majorité est à Kisenso, Kimbanseke, dans les coins les plus reculés de nos villages. Cette majorité-là, trime, meurt de faim. La majorité qui est tuée à Beni, elle est représentée par qui ?
Cela ne vous échappe pas qu’un homme célèbre n’est pas forcément un homme populaire. Est-ce qu’il vous arrive de préparer votre électorat ?
En fait, moi je ne suis même pas célèbre. Je suis connu par ce que je dis. Oui, il m’arrive de préparer mon électorat. Je donne des conférences, je rencontre des jeunes, je rencontre des franges de la population, on partage. Mais je crois que j’aurais honte de venir devant ces mêmes gens avec qui je parle avec des T-shirt et de l’argent pour leur dire voter pour moi.
Propos recueillis par Patrick Ilunga

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com