Depuis la publication par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) de la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle du 23 décembre 2018, les observateurs avertis se sont attelés à décortiquer les différentes candidatures jugées recevables par la Centrale Electorale en vue de dégager les différents clivages régionaux que regorgent la République Démocratique du Congo. Si dans l’ensemble, les provinces de l’Est, de l’Ouest et du Centre se retrouvent avec chacune au moins deux ou trois candidats, le constat fait révèle que le Kongo Central ne se retrouve avec aucun candidat. Cette situation a constitué la principale préoccupation de Géopolis Hebdo qui a jugé utile d’en faire un dossier de la Rédaction, en interrogeant les différentes personnalités de l’Opposition comme celles de la Majorité au pouvoir, ressortissants du Kongo Central, afin de savoir comment les Ne-Kongo vont-ils voter face à dans un contexte d’absence totale des candidats de cette partie du pays à la présidentielle. Yves Kisombe, Clément Nzau, tous cadres de la Majorité Présidentielle (MP) et Didier Mambweni, un acteur politique de l’Opposition, se sont exprimés librement sur cette question en donnant leurs avis et considérations quant à ce.
Yves Kisombe :
« Il faut strictement dépasser cette dimenssion sociologique. »
D’abord, qu’il n’y ait pas de candidats originaires du Kongo Central, moi ça me rejouit. Il faut strictement dépasser cette dimension sociologique. Parce que, l’élection présidentielle reste la rencontre d’un homme, candidat, avec le peuple. Moi, je vois des congolais. Je pense que les congolais doivent faire un sursaut patriotique, il faut un message patriotique. Le régionalisme, le tribalisme, ce sont des maux qui menacent l’existence de la République Démocratique du Congo. Il faut absolument qu’on dépasse les clivages ethniques ou provinciaux. L’élection présidentielle est une élection à caractère national. On ne peut pas, à mon avis, réduire les candidats à leur appartenance régionale qui n’est d’ailleurs pas l’essentielle de leur identité. En 2006 comme en 2011, ce ne sont pas forcément les candidats Ne-Kongo qui ont été les plus plébiscités. En 2006, le score le plus élevé dans cette province était celui de Jean-Pierre Bemba Gombo et en 2011, c’était Etienne Tshisekedi wa Mulumba qui a fait le meilleur score. Donc, le Kongo Central est le gibier du nationalisme congolais, car les martyrs de l’indépendance viennent pour la pluspart d’entre eux, de cette partie du pays. A titre d’exemple, les pères de l’indépendance comme Joseph Kasa-Vubu, Simon Kimbangu et les autres ont mené cette lutte pour le Congo dans son ensemble. Et donc, qu’il n’y ait pas un candidat pour le Kongo Central, c’est tout à fait normal. C’est le reflet même de l’absence d’obssession pour les Bakongo d’avoir obligatoirement un candidat Ne-Kongo. Cela ne constitue donc pas une carence de leadership. Devenir Président de la République ne passe pas nécessairement par le Kongo Central.
Clément Nzau :
« Le Kongo Central n’a jamais eu de position fixe par rapport au choix du candidat Président. »
Il faut dire que depuis les élections de 2006 et 2011, la province du Kongo Central n’a jamais eu une position tout à fait fixe par rapport au choix du candidat Président de la République. Il faut partir de l’analyse selon laquelle les grandes villes comme Matadi et Boma subissent l’influence de Kinshasa. Ce qui se passe généralement à Kinshasa est copié à Matadi et à Boma. Pour le reste de la province, les dix territoires, ça dépend des élus locaux, je m’explique. En 2006 et en 2011, les deux leaders qui ont participé aux élections étaient proches de la Majorité Présidentielle (MP) et donc, les voix qu’ils ont récoltées ont été pratiquement les mêmes pour le candidat Joseph Kabila. Quand vous allez dans le territoire de Lukula c’est pareil. Il va se poser un problème à Moanda. Actuellement, c’est un territoire qui a basculé totalement du côté de l’Opposition parce que l’unique membre de la MP qui était là, Jean-Marie Mulato est maintenant au « G7 ». Il faudra maintenant que certaines individualités émergent au niveau de la Majorité pour faire basculer la tendance, parce que le deuxième candidat était membre de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Quand nous allons à Seke-Banza, mêmement. Le candidat qui était là est du « G7 ». Il va y avoir une petite bagarre autour. A Boma, il y a eu un contrepoids parce que le feu gouverneur Jacques Mbadu qui était de la Majorité, s’est battu pour que les voix qu’il a récoltés puissent être les mêmes que celles récoltées par le chef de l’Etat mais l’Opposition qui avait aligné plusieurs candidats, notamment un député qui a été élu, a pu rafler quelques voix qu’on a ramenés à Tshisekidi qui ne s’était pas présenté. S’il s’était présenté, ça allé être une vraie bagarre d’égalité entre Majorité Présidentielle et Opposition. Actuellement, au niveau de Matadi, la MP a un seul député national et les autres élus sont de l’Opposition. Il faudra donc que la Majorité joue profondément avec ses candidats pour que les voix qu’ils vont récolter soient les mêmes qui seront rapportés au niveau du candidat Président de la République mais le vrai problème de Matadi et de Boma, comme je l’ai dit en préliminaire, ce sont des villes qui subissent l’influence de Kinshasa. Donc, la façon dont Kinshasa va voter sera la même que Matadi et Boma sauf changement de dernière minute. Toutes choses restant égales par ailleurs, le reste des territoires, vous prenez le territoire de Songololo, là il y a Papy Mantezolo qui est roi là-bas. Aujourd’hui au Front Commun pour le Congo (FCC), il est fort probable que Papy Mantezolo rafle les voix pour le compte de leur candidat Président. La liste est longue. Vous prenez Kimvula qui est du côté de la Majorité, vous prenez Madimba où les voix seront dispersées, Idem pour Banza-Ngungu. Vous allez à Kasangulu, les voix seront dispersées. Bref, il n’y a pas de candidat qui peut se bomber la poitrine que le Kongo Central est mon fief. Non, le Kongo Central subit les influences de Kinshasa et les élus locaux qui sont là, ce sont eux qui feront la différence pour ramener dans la marmite du candidat Président de la République Emanuel Ramazani Shadary des voix. C’est d’abord de la responsabilité des candidats FCC. C’est la première des choses et puis, de deux, les différentes formations politiques qui ont pignon sur rue, notamment le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), l’Alliance des forces démocratiques pour le changement (AFDC), l’AABC et ceux-là qui sont suffisamment implantés sur le territoire pourront suffisamment peser pour apporter des voix aux candidats du FCC. Sinon, pour le reste, ce sont des influences de Kinshasa qui font que les voix sont souvent partagées ou divisées entre les différents candidats en liste, qu’ils soient de la Majorité ou de l’Opposition.
Didier Mambueni :
« Le Kongo Central a toujours milité pour le changement et sa population votera utile. »
D’abord, il faut dire que la province du Kongo Central est une province pro Opposition depuis nos ancêtres, l’époque de Mobutu, et voire même depuis l’indépendance du Congo. Le Kongo Central a toujours milité pour le changement et sa population a toujours voté utile. Voilà pourquoi la province du Kongo Central veille sur la démocratie. En 2006, vous avez vu que la population a voté pour JP Bemba à 90%, et les autres se sont dispatchés les 10%. En 2011, c’était Etienne Tshisekedi qui a été voté massivement à 90% et le reste des 10% partagés entre Kamerhe et les autres candidats. Donc, c’est pour dire que la population du Kongo Central est vouée au changement. Voilà pourquoi, c’est une province pro Opposition. Toutefois, même si le Kongo Central n’a pas de candidat Président de la République, la province a toujours voté pour le changement, parce qu’elle est victime des injustices sociales. Cette province produit beaucoup d’argent en termes des recettes, malheureusement le Kongo Central a toujours été mal rémunérée et mal rétrocédée. Voilà pourquoi, face à toutes ces injustices, quand vous voyez les deux ports de la SCTP, ex ONATRA, Boma et Matadi, aujourd’hui vous prenez le barrage d’Inga, tout ce que nous produisons en termes de fiscalité, le péage et consorts, on nous rétrocède rien. Voilà ce qui fait que la province du Kongo Central veut à tout prix ce changement. Aux dernières élections législatives nationale et provinciale, on a voté massivement pour le MLC.
Théodore Ngandu, Paulin Muembo, Dieudonné Buanali, Chritian Mutombo

Journaliste intéressé par les grands ensembles régionaux (Comesa, EAC etc), mais aussi intéressé aux questions environnementales et sécuritaires.
E-mail : patilunga35@gmail.com